Moins de suicides chez les patients TDAH traités par psychostimulants
Les traitements par psychostimulants (dérivés amphétaminiques, antidépresseurs) sont parfois soupçonnés d'augmenter le risque suicidaire, comme d'autres médicaments psychoactifs.
Afin d'évaluer cet éventuel surrisque, une étude longitudinale basée sur plusieurs registres nationaux en Suède a suivi, entre 2006 et 2009, 37 936 patients diagnostiqués TDAH nés entre 1960 et 1996.
Le critère principal d'évaluation concernait le risque de suicide (tentative ou avéré) sous traitement psychostimulant (le plus souvent sous méthylphenidate, rarement sous amphétamine ou dexamphetamine). Le taux de suicide sous traitement était ensuite comparé aux taux sous traitement non psychostimulant (atomoxetine) et aux taux constatés en dehors des périodes de traitement.
Un total de 7 019 tentatives de suicides, suivies ou non d'un décès, a été constaté durant ces 3 années. Ces comportements suicidaires étaient significativement plus fréquents (p < 0,001) chez les femmes, les plus âgés, les personnes présentant d'autres pathologies, les patients sous antidépresseurs et ceux traités pour TDAH.
Mais si le traitement du TDAH était associé à une augmentation globale du risque suicidaire (+ 31 %, IC = 1,19-1,44) par rapport à la population générale, cette augmentation concernait avant tout les patients sous traitement non stimulant ou mixte : une analyse plus fine des résultats, en les ajustant en fonction des antécédents psychiatriques et traitements antérieurs, ne retrouve pas d'augmentation significative du risque suicidaire sous atomoxetine.
Quant au risque suicidaire non ajusté des 3 322 utilisateurs de psychostimulants, il était comparable à celui de la population générale (+ 2 %, non significatif). Après ajustement en fonction des antécédents psychiatriques, ce taux étaitmême diminué de 19 % (IC = 0,7-0,94) chez ces utilisateurs.
Les auteurs expliquent ce possible effet protecteur des psychostimulants par "une amélioration des symptômes du TDAH, en particulier l'impulsivité". Une amélioration qu'il faudra confirmer par d'autres études.
Une étude danoise confirme l'élévation du risque cardiovasculaire constatée dans d'autres études
Plusieurs études ont soulevé d'éventuels risques cardiovasculaires avec un usage prolongé des psychostimulants, en particulier cette étude de Winterstein AG et coll., 2007, qui a analysé sur 10 ans les données de 55 000 TDAH âgés de 3 à 20 ans et constaté un surrisque de 20 % de consultations en urgence pour un problème cardiologique (sur un faible nombre d'incidents, heureusement).
Afin d'en savoir plus sur cet éventuel surrisque, qui n'était pas couplé à une augmentation de la mortalité, Søren Dalsgaard et ses collègues danois ont analysé les données des registres nationaux de santé de diagnostics psychiatriques et somatiques de 714 258 patients nés entre 1990 et 1999 et en ont extrait celles des 8 300 enfants de plus de 5 ans diagnostiqués TDAH.
Les auteurs ont constaté que l'utilisation de psychostimulants (amphétamine, dexamphétamine ou méthylphénidate) était associée à une augmentation du risque de survenue d'un évènement cardiovasculaire chez les enfants diagnostiqués TDAH : 111 évènements chez 8 300 enfants, risque multiplié par 2,34 par rapport aux enfants non traités par psychostimulants ( IC = 1,15-4,75). Ce risque est multiplié par 2,2 lorsqu'il est comparé à celui de la population générale.
Les 111 événements cardiovasculaires détectés chez ces enfants et adolescents TDAH sous psychostimulants comportaient des arythmies (23 %), d'autres maladies cardiovasculaires (40 %) et cardiaque (14 %) non spécifiée, de l'hypertension artérielle (8 %) et de rares évènements plus graves : accidents vasculaires cérébraux (9 %), survenue d'un infarctus du myocarde (2 %), d'une insuffisance cardiaque (2 %), d'une cardiopathie rhumatoïde (2 %), d'une insuffisance cardiaque droite (< 1 %), voire d'un arrêt cardiaque (< 1 %).
Les doses quotidiennes les plus élevées et les plus prolongées dans le temps étaient associées à un risque plus élevé, en particulier les enfants qui prenaient plus de 30 mg par jour de methylphenidate pendant les douze mois précédant la survenue de l'incident cardiovasculaire.
A noter que les auteurs ont également analysé les données de personnes non TDAH ("population générale") prenant des psychostimulants et ont constaté une augmentation de 83 % du risque cardiovasculaire (HR=1,83, IC = 1,1-3,04).
En conclusion, les auteurs soulignent que la survenue de tels évènements reste rare, mais semble significativement augmentée chez les utilisateurs de psychostimulants, TDAH ou non, en particulier s'ils en prennent beaucoup et depuis longtemps. Cette étude, la plus vaste du genre, devrait, toujours selon les auteurs, inciter les autorités de santé à revoir les recommandations en ayant à l'esprit les risques de l'utilisation de doses élevés et l'intérêt de ménager des fenêtres thérapeutiques (périodes sans traitement).
En conclusion : deux études encourageant le bon usage des psychostimulants
La première étude résumée ci-dessus est rassurante sur une éventuelle augmentation du risque suicidaire chez les patients diagnostiqués TDAH sous psychostimulants. La deuxième vient confirmer, logiquement, le léger surrisque cardiaque lié à l'usage de ces produits proches des amphétamines, que l'utilisateur soit TDAH ou non.
Ces études rappellent donc que la prescription de psychostimulants doit être prudente. Une évaluation du rapport bénéfice/risque est primordiale avant d'ajouter un traitement médicamenteux à la prise en charge globale (thérapies cognitives et comportementales, soutien familial, soutien scolaire…).
Afin de limiter ce surrisque, l'ANSM préconisait, dans son rapport de 2013 sur les données d'utilisation et mesures visant à sécuriser l'emploi du méthylphénidate en France, une vigilance sur le système cardiovasculaire et le vécu quotidien du traitement : "un suivi régulier, en particulier de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque, de la taille et du poids chez l'enfant, de l'humeur et du comportement, une réévaluation régulière de la nécessité de poursuivre le traitement, ainsi que le respect des conditions d'utilisation permettent de limiter la survenue d'effets indésirables graves" (voir notre article).
L'ANSM rappelle que si la prescription en France du méthylphénidate reste très limitée par rapport à d'autres pays européens ou à l'Amérique du Nord, elle est en constante augmentation depuis 2004.
Besma Sidia et Jean-Philippe Rivière
En savoir plus :
Drug treatment for attention-deficit/hyperactivity disorder and suicidal behaviour: register based study, Qi Chen et coll. BMJ, juin 2014
Cardiovascular Safety of Stimulants in Children with Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: A Nationwide Prospective Cohort Study, Dalsgaard Søren et coll., Journal of Child and Adolescent Psychopharmacology, juin 2014
Données d'utilisation et mesures visant à sécuriser l'emploi du méthylphénidate en France : publication par l'ANSM d'un rapport d'analyse et d'une brochure d'information à destination des patients et de leur entourage - Point d'information, ANSM, juillet 2013
Sources
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