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Le lien entre vaccination et affections démyélinisantes du système nerveux (ADSN), en particulier la sclérose en plaques (SEP), fait l'objet depuis plus de 20 ans de polémiques en France, concernant la vaccination hépatite B, et plus récemment la vaccination HPV (papillomavirus).
A l'exception de deux études [1, 2], entachées de biais, les nombreuses études qui se sont attachées aux relations entre vaccination contre l'hépatite B et SEP/ ADSN ont conclu à une absence de lien, ce que confirme une récente méta-analyse [3]. Ces études comportent cependant des limitations liées notamment à des incertitudes concernant la date d'administration des vaccins et celle du début des symptômes de la maladie.
La présente étude [4] a été réalisée à partir de la cohorte de la Kaiser Permanente de Californie, système d'assurance maladie recrutant plus de 3,5 millions d'adhérents. Ce système répertorie de manière précise et datée tous les événements médicaux de ses adhérents, toutes les consultations et hospitalisations, tous les examens paracliniques et d'imagerie. Ce registre électronique comporte par ailleurs un système de suivi des vaccinations dans lequel sont entrés tous les vaccins administrés avec leur date d'administration.
L'article rapporte les résultats d'une étude cas témoins incluant 780 patients chez lesquels une ADSN a été diagnostiquée entre janvier 2008 et décembre 2011 : une SEP (427 cas), mais aussi l'une des manifestations considérées comme inaugurales de cette affection comme une névrite optique (177 cas), une myélite transverse (122 cas), une manifestation clinique isolée (33 cas) ou une ADEM (21 cas). Les diagnostics ont tous été confirmés par un expert de la spécialité. Chacun de ces patients a été apparié à 5 témoins en fonction de la date de naissance, du sexe et du code postal, soit un total de 3 885 témoins. La tranche d'âge des femmes de 9 à 26 ans (âge de réalisation de la vaccination HPV) comportait 92 cas et 459 témoins. Tous les vaccins reçus par les cas et les témoins ont été pris en considération.
Cette étude montre qu'à échéance de trois ans après la vaccination il n'existe pas de lien statistique entre la vaccination contre l'hépatite B (OR 1,05 [0,72- 1,73]), la vaccination anti-HPV (OR 1,05 [0,62- 1,78] ou toute vaccination (OR 1,03 [0,86- 1,22]).
Concernant la vaccination HPV, dans les 3 mois suivant la vaccination, on observe une tendance non significative à l'augmentation des cas de SEP (OR 2,25 [0,76- 6,65]) mais pas des autres manifestations inaugurales, ce qui ne va pas dans le sens d'un effet réel.
Par ailleurs, il existe une augmentation significative du risque d'apparition de manifestations d'ADSN dans les 30 jours suivant l'administration d'un vaccin quel qu'il soit (OR 2,32 [1,18-4,57]). A noter qu'il existe une différence entre le texte et la figure dans laquelle cette augmentation de risque est observée à 14 jours et non à 30 jours.
Cette étude offre les avantages de porter sur une population importante et d'offrir des garanties relatives au diagnostic des maladies, aux dates des premiers symptômes, aux types de vaccins administrés et à leur date précise d'administration. Elle a également le mérite de s'intéresser non seulement à la SEP mais également aux manifestations isolées généralement considérées comme inaugurales.
Cette étude est très rassurante dans la mesure où elle démontre à 3 ans l'absence de lien entre toute vaccination et la révélation d'un ADSN. Ce fait est notamment démontré pour les vaccins hépatite B et HPV (Gardasil® a été le seul vaccin utilisé pendant la période d'étude). Les faibles effectifs n'ont pas permis de répondre à toutes les questions relatives notamment à la vaccination HPV et à certaines manifestations comme les ADEM.
L'augmentation du risque de révélation d'une ADSN à proximité immédiate d'une vaccination (tous vaccins confondus) est une constatation intéressante : le fait que cette augmentation du risque disparaisse à distance va dans le sens d'une non responsabilité du vaccin dans la genèse de la maladie. Par contre, la stimulation immunitaire provoquée par le vaccin peut précipiter le passage d'une phase asymptomatique à une phase symptomatique de la maladie. Une maladie infectieuse peut avoir le même effet.
Cette hypothèse est en accord avec le fait démontré que l'apparition des premières manifestations de SEP fait suite à un processus immunitaire et un processus de démyélinisation débuté depuis plusieurs années auparavant [5-7].
En somme, une étude rassurante de plus concernant la non responsabilité des vaccins dans la genèse des ADSN qui, outre sa qualité, apporte des éléments d'explication pour le lien temporel entre vaccination et révélation de la maladie.
Références
- Hernan MA, Jick SS, Olek MJ, Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis. Neurology 2004; 63 : 838-42.
- Mikaeloff Y, Caridade G, Suissa S, Tardieu M. Hepatitis B vaccine and the risk of CNS inflammatory demyelination in childhood. Neurology 2009 ; 72 : 873-80.
- Farez MF, Correale J. Immunizations and risk of multiple sclerosis : systematic review and meta-analysis. J Neurol 2011 ; 258 : 1197-206.
- Langer-Gould A, Quian L, Tartof SY, Bara SM, Jacobsen SJ, & al. Vaccines and the risk of multiple sclerosis and other central nervous system demyelitating diseases. JAMA Neurol 2014.
- Ramagopalan SV, Dobson R, Meier U, Giovannoni, G. Multiple sclerosis: risk factors, prodromes, and potential causal pathways. Lancet Neurol 2010; 9: 727-39.
- Lebrun C, Bensa C, Debouverie M, & al. Unexpected multiple sclerosis: follow-up of 30 patients with magnetic resonance imaging and clinical conversion profile. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2008; 79: 195–98.
- Okuda DT, Mowry EM, Beheshtian A, & al. Incidental MRI anomalies suggestive of multiple sclerosis: the radiologically isolated syndrome. Neurology 2009; 72: 800–05.
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