Les tests de grossesse sous acitrétine doivent être prescrits avant, pendant et après le traitement (illustration).
L'acitrétine est un rétinoïde indiqué notamment dans le traitement du psoriasis. En raison de sa tératogénicité, la grossesse est une contre-indication absolue à ce traitement. Un programme de prévention de la grossesse est obligatoire depuis 2012 pour les femmes en âge de procréer qui reçoivent ce traitement.
Une cohorte de 8 672 Françaises suivie pendant 7 ans
L'étude publiée fin mars dans la revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety a aconalysé le suivi des recommandations de prévention de la grossesse lors de l'initiation, pendant et après un traitement par SORIATANE gélule d'une cohorte de 8 672 patientes de 15 à 49 ans (moyenne d'âge de 39,5 ans), chez lesquelles un traitement par SORIATANE avait été initié entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013. Ces données ont été extraites du SNIIRAM (Système National d'Information Inter-Régimes de l'Assurance Maladie) et du PMSI (données d'hospitalisation).
Le traitement devait comprendre au moins 2 prescriptions d'acitrétine, ou une prescription d'acitrétine en association (95 % des patientes de l'étude) avec des dermatocorticoïdes ou un autre traitement pour le psoriasis (méthotrexate par exemple).
L'objectif principal des auteurs, du pôle Epidémiologie des produits de santé (ANSM) et de la CNAMTS (Caisse nationale d'Assurance maladie des travailleurs sociaux), était d'évaluer le taux de réalisation des tests de grossesse chez les femmes concernées et le taux de survenue de grossesse.
Le test de grossesse dans les 3 jours précédant l'initiation n'a pas été assez prescrit
Plus de la moitié des traitements (54 %) ont été initiés par un dermatologue de ville, 29,9 % par un généraliste, et 14,2 % par un praticien hospitalier.
Le test de grossesse à l'initiation, devant être réalisé dans les 3 jours précédant le début du traitement, n'a été pratiqué dans 11,8 % des cas. Ce taux moyen est encore plus faible chez les patientes les plus défavorisées (bénéficiaires de la CMU-c : 8,2 %, vs 12,6 % pour les autres patients).
Les dermatologues libéraux l'ont davantage prescrit dans les 3 jours précédant l'initiation (16,2 %) que les médecins généralistes (4,1 %).
Ce taux de tests de grossesse effectués à l'initation augmente légèrement si l'on considère un délai plus prolongé : il était de 19,3 % dans les 8 jours précédant l'initation (et de 22,1 % dans les 13 jours).
Le test de grossesse à l'initiation davantage pratiqué ces dernières années
Entre 2007 et 2013, le taux de réalisation de tests de grossesse à l'initiation s'est amélioré, passant de 9,3 % à 18,3 %.
Cet accroissement est probablement lié à la mise en place en 2012 par les autorités sanitaires d'un programme de prévention des grossesses (Voir notre article du 20 juillet 2012).
Pendant et après le traitement, peu de tests de grossesse effectués
Au cours du traitement, l'étude montre que le test n'a été réalisé tous les 2 mois, comme préconisé, que dans 12,7 % des cas, et n'a jamais été réalisé pour près de 2 femmes sur 3 (60,9 %).
Après l'interruption du traitement, aucune femme n'a eu de test de grossesse.
Au total, plus de 3 femmes sur 4 (76,5 %) n'ont eu aucun test de grossesse avant, pendant ou après le traitement par acitrétine.
Plusieurs centaines de grossesse survenues dans la période à risque tératogène (pendant le traitement et dans les 24 mois suivant son arrêt)
Vingt-sept grossesses pour 1 000 personnes–années à risque de tératogénicité sont survenues au cours de la période de suivi (2007-2013). Parmi les 470 grossesses rapportées, 287 ont abouti à une naissance (dont 4 enfants morts-nés) et 173 ont été interrompues (avortement spontané ou médical).
L'âge moyen des patientes enceintes sous acitrétine était de 32,1 ans. Plus de la moitié des femmes enceintes n'ont eu qu'une prescription d'acitrétine. Dans la plupart des cas, la grossesse est survenue entre 2 et 24 mois après la dernière prescription. Dans 12,6 % des cas, la grossesse est survenue pendant le traitement.
Seuls les tests sériques de grossesse réalisés en laboratoire ont été retenus dans l'étude, alors que les éventuels autotests urinaires n'ont pas été enregistrés (NB : le RCP recommande un dosage des HCG sériques).
Les prescripteurs plus vigilants pour les traitements par isotrétinoïne
Les auteurs de l'étude proposent un parallèle entre le traitement par acitrétine et celui par isotrétinoïne. Cette substance indiquée dans le traitement de l'acné, également tératogène, fait l'objet de recommandations pour prévenir la survenue de grossesse. Les auteurs constatent, en analysant la littérature, que les précautions semblent mieux appliquées.
Ils citent notamment une étude néerlandaise publiée en 2013 montrant que 65 % des dermatologues font réaliser un test de grossesse avant de prescrire l'anti-acnéique. En outre, le taux de grossesse parmi les patientes sous acitrétine serait plus élevé qu'avec l'isotrétinoïne.
Pour les auteurs, cela peut s'expliquer par une différence des populations concernées ; le traitement par isotrétinoïne est prescrit chez des sujets plus jeunes étant donné l'indication de ce médicament, population pour laquelle les médecins semblent plus vigilants sur le risque de grossesqse. Par ailleurs, le traitement du psoriasis est plus long que celui de l'acné.
Le renforcement des mesures préventives, amorcé début 2014, améliorera-t-il la prévention du risque ?
L'étude publié ce mois-ci dans la revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety a conduit l'ANSM, début 2014 (résultats préliminaires déjà connus, l'ANSM ayant réalisé cette étude), à renforcer les mesures pour prévenir la survenue d'une grossesse et développer l'information des médecins, des pharmaciens et des femmes sur le risque tératogène de l'acitrétine.
Sur la base des résultats fournis par l'étude, les autorités de santé ont ainsi imposé de nouvelles modalités de prescription, en réservant la prescription initiale aux dermatologues. Le traitement comprend également une visite annuelle chez les dermatologues (voir notre article du 27 février 2014).
La prescription est limitée à 1 mois de traitement. La délivrance doit être effectuée au plus tard 7 jours après la prescription.
Le plan de prévention des grossesses comprend la réalisation d'un test de grossesse avec dosage des béta-hCG plasmatiques :
- dans les 3 jours précédant la première prescription ;
- tous les mois dans les 3 jours précédant la prescription mensuelle ;
- 2 mois après la fin du traitement puis régulièrement pendant 2 ans après la dernière prise.
Des documents pour les médecins et les pharmaciens, ainsi qu'un carnet patiente ont été élaborés.
A ce jour, ces mesures mises en place il y a 1 an n'ont pas encore fait l'objet d'évaluation.
Pour mémoire
SORIATANE est indiqué dans les situations suivantes :
- formes sévères de psoriasis en monothérapie ou associé à la puvathérapie ;
- dermatoses liées à des troubles sévères de la kératinisation (telles que les ichtyoses graves, certaines kératodermies palmoplantaires, la maladie de Darier...).
- formes sévères de lichen plan en cas d'échec des thérapeutiques habituelles.
Pour aller plus loin
Trois publications scientifiques de l'ANSM sur la sécurité des produits de santé et un article sur la déontologie (ANSM, 3 avril 2015)
F.Raguideau et coll : Compliance with pregnancy prevention plan recommendations in 8672 French women of childbearing potential exposed to acitretin (Pharmacoepidemiology and Drug Safety, avril 2015)
Crijns I et coll. : Healthcare professional surveys to investigate the implementation of the isotretinoin Pregnancy Prevention Programme: a descriptive study (Expert Opinion on Drug Safety, janvier 2013)
Sur Vidal.fr
SORIATANE (acitrétine) : les mesures de minimisation du risque tératogène sont renforcées (27 février 2014)
SORIATANE, mise en place d'un programme de prévention de la grossesse (20 juillet 2012)
Pour aller plus loin
Consultez les monographies VIDAL
Consultez les VIDAL Recos
Sources
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