Les mini-stimulateurs sans sonde sont placés directement dans le ventricule droit
Chaque année, ce sont environ un million de stimulateurs cardiaques implantables ("pacemakers") qui sont posés à travers le monde, principalement chez des patients souffrant de bradycardie par bloc auriculo-ventriculaire (BAV) ou du fait d'une dysfonction sinusale.
La version "traditionnelle" de ces dispositifs consiste en un boîtier placé sous la peau au niveau de la clavicule, relié au cœur par un fil-sonde en plomb.
En juin 2014, les premières implantations de mini stimulateurs intraventriculaires ont fait la Une de la presse médicale. Depuis cette date, les résultats préliminaires de deux études sur ces dispositifs ont été publiés.
Des stimulateurs destinés à éviter les complications des stimulateurs "classiques"
Selon les études, entre 10 et 20 % des patients porteurs de stimulateurs cardiaques implantables ("classiques") présentent des complications : hématome et infections de la peau au niveau de la poche hébergeant le boîtier, rupture de la sonde, etc. De plus, la pose de ces dispositifs requiert une intervention chirurgicale sous anesthésie générale.
En implantant un stimulateur directement dans une cavité cardiaque, il serait possible de réduire l'impact médical (et esthétique) de ce type de traitement. L'enjeu financier est considérable, comme en témoignent la publication simultanée de résultats préliminaires par des promoteurs concurrents.
Des mini-stimulateurs directement implantés dans la paroi cardiaque
Aujourd'hui, deux mini-stimulateurs sans sonde ont fait l'objet d'une étude chacun :
- le mini-stimulateur Micra Transcatheter Pacing System (Medtronic), qui mesure 26 x 6,7 mm, pèse 2 grammes et se fixe à la paroi ventriculaire par 4 griffes en nititnol (alliage de nickel et de titane) ;
- le mini-stimulateur Nanostim LP (St Jude Hospital), qui mesure 42 x 6 mm et se fixe par un ressort "vissé" dans la paroi ventriculaire (étude LEADLESS II, Reddy VY et al. dans le New England Journal of Medicine).
Dans les deux cas, les mini-stimulateurs sont insérés via la veine fémorale jusque dans le ventricule droit.
Deux études inégales sur le plan de la puissance statistique
Publiée en juin 2015 dans The European Heart Journal, l'étude Micra Transcatheter Pacing System rapporte les résultats préliminaires d'une étude destinée à inclure 720 patients mais qui, au moment de la publication, n'en avait inclus que 140, dont seulement 60 avaient été suivis en termes de critères d'évaluation de l'efficacité et pour une durée inférieure à 3 mois... Les données relatives à la sécurité du dispositif ne portent donc que sur ces 140 patients (âge moyen : 79 ans, indication majoritaire : bloc auriculo-ventriculaire 66 %).
Publiée en août 2015 dans The New England Journal of Medicine, l'étude LEADLESS II concerne 300 patients suivis sur 6 mois après l'implantation et 226 suivis sur moins de 6 mois, à la fois en terme d'efficacité et de sécurité (âge moyen : 75 ans, indication principale : bloc auriculo-ventriculaire 56 %).
Le critère principal de sécurité est le même dans les deux études : nombre d'effets indésirables graves, dont ceux directement liés au mini-stimulateur.
En terme d'efficacité, le critère d'évaluation principal était :
- étude Micra : seuil de stimulation (valeur d'énergie électrique minimale à partir de laquelle le pacemaker enclenche la stimulation de la cavité concernée) inférieur ou égal à 2,0 V à 0,24 msec ;
- étude LEADLESS II : seuil de stimulation inférieur ou égal à 2,0 V à 0,4 msec et sensibilité minimale à l'amplitude de l'onde R supérieure à 5,0 mV (ou à sa valeur au moment de l'implantation).
Une efficacité en ligne avec les objectifs thérapeutiques souhaités
En termes d'efficacité, les deux études montrent des résultats favorables (seuils de stimulation inférieurs aux valeurs requises et dans les délais impartis) :
- dans l'étude Micra, le seuil de stimulation moyen était de 0,51 V à 0,24 msec et la sensibilité minimale de 9,2 +/- 2,9 mV ;
- dans l'étude LEADLESS II, le seuil de stimulation moyen était de 0,58 V à 0,4 msec et la sensibilité minimale de 11,7 +/- 4,5 mV. Dans cette étude, 90 % des participants ont atteint le critère principal d'évaluation d'efficacité.
Au vu des résultats, et en posant le principe d'une puissance délivrée constante sur la base de celle des premiers mois, les auteurs des études ont estimé la durée de vie probable de la batterie de ces mini-stimulateurs sans sonde :
- 12,6 +/- 2 ans pour le dispositif Micra
- 15 +/- 6 ans pour le dispositif Nanostim LP.
Un profil de sécurité acceptable mais améliorable
En termes d'effets indésirables, ces deux études rapportent des résultats similaires, avec un pourcentage de patients présentant des effets indésirables liés au dispositif inférieur à ceux constatés avec des pacemakers "classiques" (à pondérer avec la brièveté du suivi, en particulier pour Micra) :
- dans l'étude Micra, sur 3 mois, des effets indésirables ont été observés chez 18,6 % des patients, mais aucun n'était directement lié au mini-stimulateur. Il s'agissait essentiellement de troubles du rythme (BAV temporaire, tachycardie ventriculaire, bloc au niveau du faisceau droit, etc.) et de troubles du péricarde (péricardite et épanchement sans tamponnade).
- dans l'étude LEADLESS II, sur 6 mois, 6,7 % des patients ont présenté un effet indésirable lié au dispositif : perforation cardiaque (1,3 %), détachement du stimulateur (1,7 %) et seuil de stimulation trop élevé (1,3 %). Dans 4 cas, le stimulateur est passé dans l'artère pulmonaire et, dans 2 cas, dans la veine fémorale droite, sans conséquences graves.
Des progrès encore nécessaires pour convaincre les cardiologues
Si ces résultats semblent prometteurs, les auteurs de ces deux études soulignent les limites suivantes :
- ces dispositifs sont des stimulateurs monochambres qui ne concernent qu'environ 25 % des pacemakers posés chaque année (aux Etats-Unis) ;
- ils doivent pour l'instant être fixés à la paroi ventriculaire : la question d'un mode de fixation dans la paroi atriale se pose ;
- des interrogations demeurent sur la facilité de retrait de ces mini-stimulateurs après plusieurs années d'usage (dans l'étude LEADLESS II, un stimulateur a été retiré après un an d'usage, le plus long délai à ce jour) ;
- ces dispositifs ne permettent pas d'obtenir directement des données électrographiques comme les stimulateurs classiques, obligeant ainsi le patient à être hospitalisé régulièrement pour des examens approfondis. Des progrès restent à faire en termes d'enregistrement et de communication dispositif-à-dispositif de ces données par les mini-stimulateurs sans sonde.
Par ailleurs, le prix de ces dispositifs reste très supérieur à celui des stimulateurs cardiaques classiques.
En conclusion, des progrès restent à faire (notamment via un suivi prolongé permettant d'affiner ces résultats), mais ces premières données d'efficacité et de tolérance (moins de patients présentant de complications directes qu'avec les pacemakers "classiques") paraissent encourageantes.
Pour en savoir plus :
L'étude Micra
Ritter P et al. on behalf of the Micra Transcatheter Pacing Study Group. "Early performance of a miniaturized leadless cardiac pacemaker: the Micra Transcatheter Pacing Study", Eur Heart J. 2015 Jun 4. pii: ehv214.
L'étude LEADLESS II
Reddy VY et al. on behalf of the LEADLESS II Study Investigators. "Percutaneous Implantation of an Entirely Intracardiac Leadless Pacemaker", N Engl J Med. 2015 Aug 30.
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