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Insuffisance rénale aiguë : quelle prévention en médecine générale ?

De plus en plus fréquente dans le monde, l'insuffisance rénale aiguë (IRA) est grave par sa morbi-mortalité immédiate et par les séquelles rénales qu'elle induit.

La prévention de l'insuffisance rénale, thème principal de la Journée mondiale du rein le 10 mars 2016, passe par le repérage des situations à risque et l'instauration de mesures préventives.

Ainsi, en médecine générale
la prévention de l'IRA nécessite :

  • d'identifier les patients et les médicaments à risque,
  • de dépister tôt l'IRA et d'en identifier les causes,
  • d'évaluer la gravité et de réagir vite !


Cette démarche de prévention de l'IRA en soins primaires, résumée ici dans ses grandes lignes par le Pr Alain Baumelou, est par ailleurs traitée au sein de la VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë de l'adulte"synthèse des recommandations françaises et internationales, élaborée par notre Comité d’experts et adaptée à la pratique médicale (la consulter ici)
 

Alain Baumelou 10 mars 2016, modifié le 04 avril 2016 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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La prévention de l'insuffisance rénale aiguë en soins primaires repose sur les médecins généralistes (illustration).

La prévention de l'insuffisance rénale aiguë en soins primaires repose sur les médecins généralistes (illustration).


En 2016, la Journée mondiale du rein (10 mars 2016) est principalement dédiée à la prévention, prévention de l'insuffisance rénale chronique (IRC) certes, mais aussi et presque surtout prévention de l'insuffisance rénale aiguë (IRA). 

Au premier chef donc, la prévention de l'IRA (Cf. VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë de l'adulte") parce qu'elle est de plus en plus fréquente d'une part, et qu'elle fait le lit de l'IRC d'autre part.
Elle est fréquente même en médecine de soins primaires et surtout chez le patient âgé (J Am Soc Nephrol 2011).
Elle est grave du fait de ses morbidité et mortalité immédiates, notamment chez le sujet âgé, mais aussi par les séquelles rénales qu'elle induit et qui peuvent se traduire plus tard sous la forme d'une IRC (N Engl J Med 2014).
 

Arbre décisionnel - Insuffisance rénale aiguë : prévention
(extrait de VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë de l'adulte")




Les sujets âgés, principale population à risque d'IRA
Les sujets âgés constituent la principale population à risque d'IRA, du fait de l'âge en lui-même mais aussi des multiples autres comorbidités habituellement associées au grand âge, notamment le diabète, et par la polymédication, banale à cet âge.

Sont également à risque les patients souffrant de cirrhose (syndrome hépatorénal) et de myélome.

Certaines classes médicamenteuses sont liées au risque d'IRA 
L'usage de certaines classes médicamenteuses, communément utilisées chez les sujets âgés, est lié à l'IRA. Ce sont :

  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens, sélectifs ou non,
  • les diurétiques,
  • les antagonistes de l'angiotensine 2 (IEC, ARA2 et aliskiren),
  • certains antibiotiques par toxicité ou hypersensibilité,
  • et les produits de contraste iodés.

 
La néphropathie des anticoagulants : une IRA médicamenteuse moins connue
Une mention particulière doit être portée à une IRA médicamenteuse moins connue, sans doute sous-diagnostiquée et dont la fréquence augmente : la néphropathie des anticoagulants.

Elle a été initialement décrite chez des patients « sur-traités » par warfarine (INR > 3).
Le mécanisme en serait une déplétion en thrombine induite par l'anticoagulant.
Les études animales et des observations cliniques laissent à penser que l'effet pourrait être observé aussi avec les nouveaux anticoagulants oraux (J Thromb Haemost 2015).
 
Pour prévenir l'IRA : la dépister tôt
En pratique, c'est l'historique des créatininémies qui alerte.

Mais ce n'est pas si simple, car l'augmentation de la créatininémie est proportionnellement beaucoup plus faible que la baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG) : par exemple, une femme de 80 ans dont la créatininémie passe de 70 à 100 µmol/L a en fait un débit de filtration glomérulaire qui s'effondre de 70 à 45 mL/min !!

Et, dans le domaine de l'IRA, les estimations du DFG par les formules ne sont plus adaptées : l'équation de Cockcroft-Gault est trop imprécise, la formule MDRD (Modification of diet in renal disease), plus précise, a fait consensus jusqu'à 2009 mais on tend à lui préférer la formule CKD EPI, un peu plus précise notamment pour le dépistage de diminutions modérées du DFG (Cf. VIDAL Reco "Médicaments et fonction rénale / Evaluation du DFG" et Calculateurs MDRDs - CKD-EPI - Cockcroft sur le site de la Société francophone de néphrologie).

Des marqueurs précoces de l'atteinte tubulaire sont à l'étude, mais pas encore utilisables en routine.
 
Une fois le patient à risque d'IRA identifié, réagir rapidement !
Si la prescription d'un médicament néphrotoxique comporte plus de bénéfices que de risques :

  • s'assurer de l'absence de déshydratation préalable et, en sa présence, la corriger avant la prescription  ;
  • discuter l'arrêt momentané des antagonistes de l'angiotensine 2 ;
  • vérifier la créatininémie deux ou trois jours après le début du traitement.


Avant la prescription d'un produit de contraste iodé (scanner, coronarographie, et toute autre artériographie) chez un sujet à risque, il est recommandé d'assurer une expansion volémique par administration veineuse de serum salé ou bicarbonaté.
Aucune autre prévention médicamenteuse ne fait consensus.
 
Une fois l'IRA identifiée, identifier les causes et évaluer la gravité 
Il s'agit en premier lieu d'éliminer les causes évidentes :

  • en recherchant des signes d'hypovolémie ou de déshydratation extracellulaire orientant vers une insuffisance rénale fonctionnelle,
  • en faisant pratiquer une échographie rénale pour s'assurer de l'absence de dilatation des voies excrétrices.

Il s'agit également d'évaluer la gravité de l'IRA au moyen du score RIFLE ou Risk Injury Failure Loss ESRD (End Stage Renal Disease) qui définit les différents stades de sévérité d'IRA.
Celui-ci est détaillé dans la recommandation 
VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë de l'adulte".

En pratique, une augmentation de 200 % de la créatininémie (stade 3 de RIFLE), une oligurie, une acidose ou une hyperkaliémie sévères justifient une évaluation immédiate en service spécialisé (Nice Clinical Guideline 2013).

Pour être complet 
L'insuffisance rénale aiguë dont il est question ici est celle du soin primaire mais ce n'est pas la seule présentation : l'IRA du soin primaire n'a en effet rien à voir avec l'IRA du péri-opératoire et du polytraumatisme dont la morbidité et la mortalités sont encore plus lourdes, ni avec l'IRA survenant dans les pays émergeants dont la fréquence augmente (infections bactériennes, parasitoses, xénobiotiques de toutes sortes)
L'augmentation de fréquence de l'IRA dans toutes ses présentations inquiète l'Organisation Mondiale de la Santé.

Pour aller plus loin
Journée mondiale du rein
VIDAL Reco "Insuffisance rénale aiguë de l'adulte"
VIDAL Reco "Prescription et populations particulières : Médicaments et fonction rénale"
Anderson S et al. Acute kidney injury in older adults. J Am Soc Nephrol 2011 ; 22 : 28-38
Chawla LS et al. Acute kidney injury and chronic kidney disease as intercorrelated syndromes. N Engl J Med 2014 ; 371 : 58-66
Wheeler DS et al. Anticoagulation-Related Nephropathy. J Thromb Haemost 2015 Dec 16. Doi: 10.1111/jth 13229
Nice clinical guideline 169. August 2013, Acute kidney injury 

Sources

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