Le streptocoque pneumoniae, ou pneumocoque, est la bactérie la plus fréquemment responsable de pneumonies aiguës communautaires (illustration).
Les recommandations américaines de réduction de durée de l'antibiothérapie sont-elles pertinentes ?
En 2007, deux sociétés savantes américaines (the Infectious Diseases Societey of America et American Thoracic Society) ont émis des recommandations d'adaptation du traitement antibiotique des pneumonies aiguës communautaires (PAC).
Leurs recommandations portaient sur une durée d'antibiothérapie de 5 jours minimum. En l'absence de fièvre pendant les dernières 48-72 heures et en l'absence de complications ou de fragilité particulière (immunodépression sévère par exemple), elles recommandaient de stopper le traitement antibiotique.
L'essai clinique avec comparaison de 2 groupes vise à étayer, ou non, l'intérêt d'une telle réduction.
Plus de 300 patients diagnostiqués et hospitalisés dans 4 établissements au Pays basque espagnol
Cette étude, conduite par Ane Uranga, Pedro Espana, Amaia Bilbao et coll., a été effectuée dans 4 hôpitaux universitaires situés en Espagne, dans le Pays basque.
312 patients hospitalisés pour PAC (diagnostic posé sur une radiographie évocatrice et toux, fièvre, essoufflement et/ou douleur thoracique), non immunodéprimés, non trachéotomisés et non institutionnalisés, âgés en moyenne de 65 ans, ont été randomisés en 2 groupes :
- Groupe "intervention", dans lequel les médecins appliquaient les recommandations américaines : 5 jours en l'absence de fièvre depuis 48 heures ou de complications (pression artérielle systolique < 90 mmHg, fréquence cardiaque > 100 / minute, fréquence respiratoire > 24 / minute, et/ou saturation 02 < 90 %), davantage le cas échéant ;
- Groupe "contrôle" : prise en charge habituelle
Dans le groupe contrôle, la proportion de femmes était de 36,7% et de 37,7% dans le groupe d'intervention.
Les antibiotiques étaient choisis empiriquement, en fonction des recommandations (antibiothérapie probabiliste), dans les 2 groupes.
Evaluation : efficacité à J10 et J30, puis durée de traitement et ré-évaluation à J30
Le critère principal de l'étude était le succès ou la rémission clinique au cinquième jour d'antibiothérapie.
Les critères secondaires étaient la durée totale d'administration, le délai de résolution clinique, le retour au bien-être perçu et aux activités habituelles. Une radiographie pulmonaire de contrôle a été pratiquée à J30 et comparée à celle de l'admission hospitalière à J0 pour valider les impressions cliniques.
Douze patients ont été exclus pour violation de protocole : 6 car leur médecin traitant avait modifié et/ou allongé la prescription après le séjour hospitalier sans raison clinique valable d'après les auteurs ; et 6 parce que les médecins hospitaliers en charge des patients n'ont pas interrompu le traitement en dépit de la stabilité clinique le justifiant.
Résultats : un traitement logiquement beaucoup plus court dans le groupe "intervention"
Comme attendu, la durée de l'antibiothérapie a été plus courte dans le groupe "intervention" que dans le groupe "contrôle", avec respectivement une médiane à 5 jours (5 – 6,5 jours) contre une médiane à 10 jours (10 - 11 jours, p < 0,001).
La durée de 5 jours exactement s'est avérée suffisante pour 101 patients (70,1 %) du groupe intervention.
Une efficacité comparable dans les deux groupes à J10 et J30
La guérison ou la rémission clinique à J10 ont été obtenues dans 56,36 % des cas du groupe "intervention", contre 48,6 % des cas du groupe "contrôle" (p = 0,18 : différence non significative).
A J30, cette guérison clinique a été constatée chez 91,9 % chez les patients du groupe "intervention", et de 88,6 % chez les patients "contrôles". Ces différences ne sont pas davantage significatives (p = 0,33), pas plus que celles observées en matière d'effets indésirables.
Pas de différence non plus en termes d'amélioration, ou non, des symptômes et de l'imagerie
A J5 et J10, les résultats du questionnaire de sévérité pulmonaire (symptômes) ne différaient pas significativement dans les deux groupes.
De même, à J30, les radiographies pulmonaires étaient redevenues normales chez une large majorité de patients (81,2 % dans le groupe "intervention", 72,2 % dans le groupe "contrôle", p = 0,12).
Un nombre comparable de complications, mortelles ou non
Les décès, complications et rechutes à J30 ont été identiques dans les deux groupes : 3 décès chacun et 4 (groupe "intervention") à 6 rechutes (groupe "contrôle", p = à,53, NS).
Davantage de réhospitalisations dans le groupe "contrôle"
Ane Uranga et coll. ont été surpris par le constat d'un surcroît significatif de réhospitalisations dans le groupe contrôle (9, contre 2 seulement dans le groupe "intervention", p = 0,02).
Pour expliquer cette différence surprenante, ils évoquent le recours moins fréquent à l'assistance téléphonique dans le groupe "contrôle" (27,7 % contre 39.7 % dans le groupe "intervention" ; p = 0,03), ce qui conduirait mécaniquement à moins de réhospitalisations.
Une prescription majoritaire de fluoroquinolones
Le choix antibiotique à l'inclusion dans le protocole s'est porté à 80 % sur une quinolone (une attitude commune aux praticiens espagnols), ce qu'approuvent les auteurs en raison de la bactéricidie dose-dépendante des quinolones.
Ils ne se prononcent cependant pas sur la pertinence de ce choix dans d'autres pays, comme la France, qui privilégient le traitement par bêta-lactamines, car l'efficacité de ces dernières est temps-dépendante.
Dans cette étude, moins de 10 % des patients ont reçu une bêta-lactamine ou un macrolide, sans qu'il ne soit mentionné de différence d'efficacité dans les deux groupes (mais ce calcul a-t-il été effectué ?).
Le diagnostic étiologique (bactériologique) a pu être fait dans 26,5 % des cas du groupe contrôle et 20,5 % des cas du groupe intervention.
En conclusion : résultats encourageants d'une limitation du traitement antibiotique en cas de PAC non compliquée, mais plusieurs limites nécessitant d'autres explorations
Les auteurs concluent à la non infériorité du traitement court (5 jours minimum avec critère clinique d'arrêt) sur les stratégies à durée plus élevée.
Néanmoins cette étude comporte plusieurs limites : l'utilisation très majoritaire de quinolones, déjà évoquée ci-dessus, qui ne permet pas d'extrapoler ces réusltats à l'ensemble des antibiotiques utilisés (bêta-lactamines et macrolides en particulier).
De plus, le faible nombre de patients sévèrement atteints inclus dans l'étude anisi que l'exclusion de patients présentant des facteurs de risque de gravité (immunodépression, etc.) rendent difficiles l'extrapolation de ces résultats à tous les patients atteints d'une PAC.
Enfin, cette étude était localisée au Pays basque et mériterait donc d'être reproduite dans d'autres régions et pays.
Néanmoins, ces résultats confortent ceux d'une étude effectuée en Angleterre en 2010, comparant l'équivalence entre un traitement de 7 jours et un de plus de 7 jours en cas de PAC sévère chez 328 patients (Clin Microbiol Infect. 2011).
En savoir plus
L'étude objet de cet article :
Ane Uranga, Pedro Espana, Amaia Bilbao et al. Duration of Antibiotic Treatment in Community-Acquired Pneumonia. A Multicenter Randomized Clinical Trial
JAMA Intern Med. 2016;176(9):1257-1265.
Les deux recommandations américaines et l'étude anglaise citées
Mandell LA,Wunderink RG, Anzueto A, et al; Infectious Diseases Society of America; American Thoracic Society. Infectious Diseases Society of America/American Thoracic Society consensus guidelines on the management of community-acquired pneumonia in adults. Clin Infect Dis. 2007;44(suppl 2):S27-S72
Choudhury G, Mandal P, Singanayagam A et al. Seven-day antibiotic courses have similar efficacy to prolonged courses in severe community-acquired pneumonia—a propensity-adjusted analysis. Clin Microbiol Infect. 2011;17(12):1852-1858
Sources
Pour recevoir gratuitement toute l’actualité par mail Je m'abonne !
Commentaires
Cliquez ici pour revenir à l'accueil.