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Médicaments de l’asthme : ne pas les arrêter malgré le pictogramme "xxx + grossesse = danger", alerte la SPLF

Suite au décret du 17 octobre 2017, le pictogramme femmes enceintes "xxx  + grossesse = danger" a été apposé sur certaines boîtes des médicaments de l’asthme, en particulier celles des corticoïdes inhalés et des bronchodilatateurs de type bêta 2 mimétiques.
 
Or les femmes enceintes ne doivent surtout pas arrêter leur traitement de fond, alerte la société de pneumologie de langue française (SPLF).
 
La SPLF regrette donc cette apposition, effectuée malgré ses avertissements en amont, au diapason de l’Académie de médecine et du CRAT qui avaient également émis une alerte en février 2018.

 
La SPLF, dans un communiqué publié le 29 mai 2018, rappelle l’importance du traitement de fond de l’asthme, en particulier pendant la grossesse, où le risque d’exacerbations sévères, voire mortelles, est augmenté.
 
De plus, ce pictogramme a été appliqué sur ces boîtes (comme sur de multiples traitements) alors que les données d’éventuels risques pendant la grossesse de ces traitements viennent d’études pratiquées chez l’animal à fortes doses et per os, donc non extrapolables à l’homme.
 
La SPLF enjoint donc les patientes à ne pas tenir compte de ces pictogrammes et conseille aux médecins de les prévenir en leur expliquant la situation, tout en veillant à optimiser leur traitement de fond durant leur grossesse.  
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Malgré l'apposition du pictogramme d'alerte des femmes enceintes sur les boîtes de médicaments de l'asthme, la SPLF recommande de ne pas arrêter ces traitements (illustration).

Malgré l'apposition du pictogramme d'alerte des femmes enceintes sur les boîtes de médicaments de l'asthme, la SPLF recommande de ne pas arrêter ces traitements (illustration).

 
Des médecins interpellés par des patientes enceintes qui veulent arrêter leurs médicaments de l'asthme (ou l'ont déjà fait...)
Même si l'ensemble de la communauté médicale pneumologique est conscient de l'intérêt potentiel des deux pictogrammes femmes enceintes, la SPLF alerte sur l'apposition du pictogramme "xxx + grossesse = danger" sur des traitements de l'asthme, en opposition avec les recommandations de prise en charge de cette pathologie chez la femme enceinte.
 
En effet, depuis cette application du décret d'octobre 2017, des médecins sont interrogés par leurs patientes enceintes et asthmatiques, qui souhaitent arrêter ou ont déjà arrêté leur médicament après avoir vu ce pictogramme.  
 
Or l'asthme est la maladie la plus fréquente de la grossesse, et le risque d'exacerbation augmente
La SPLF rappelle que l'asthme, pathologie touchant plutôt des personnes jeunes, concernerait de 8 à 9 % des femmes enceintes françaises (extrapolation de données européennes, pas de données françaises), ce qui en fait la maladie la plus fréquente durant la grossesse.
 
De plus, les  exacerbations (crises d'asthme répétées et intenses, sans retour à l'état normal entre les crises et ne cédant pas aux bronchodilatateurs) sont plus fréquentes pendant la grossesse (Murphy VE et al. 2006 2).
 
Pour mémoire, les exacerbations  peuvent être potentiellement mortelles (900 décès par crise d'asthme par an en France), justifiant l'emploi de corticoïdes oraux malgré le surrisque de foetotoxicité associé à ces médicaments, incluant prématurité, petit poids de naissance, hypoglycémie, et insuffisance surrénalienne fœtales (d'où l'importance supplémentaire de maintenir un traitement efficace pour éviter les exacerbations).
 
D'autres risques pour la mère et le bébé en cas d'asthme non contrôlé
Un asthme non contrôle au cours de la grossesse augmente, outre le risque d'exacerbations, le risque d'hypertension gestationnelle, de pré-éclampsie, de diabète gestationnel, mais aussi le risque d'accoucher par césarienne ou de mortalité maternelle (Baghlaf H et al. 2017 3).
 
Le fœtus risque aussi  de souffrir d'hypoxie lors des périodes d'exacerbation. Les mères asthmatiques pendant leur grossesse ont plus de chance d'avoir des enfants de petit poids, avec des retards de croissance intra-utérin, un risque de prématurité et de malformations. Ce risque est d'autant plus élevé si l'asthme n'est pas contrôlé (Murphy VE et al. 2013 4).
 
De plus, les Françaises ont déjà tendance à diminuer leur traitement de fond pendant la grossesse par peur d'un risque tératogène
Une perte de contrôle de l'asthme surviendrait au cours de 40 à 50 % des grossesses, rappelle la SPLF.
 
Le principal facteur de risque de cette perte de contrôle est un arrêt fréquent du traitement de fond et un recours insuffisant aux corticoïdes oraux lors des exacerbations.
 
De fait, selon une étude observationnelle française (Beau AB et al. 2017 5), un tiers des patientes diminuent leur traitement de l'asthme au début de leur grossesse avec notamment une diminution de la prescription d'associations fixes au bénéfice d'une monothérapie par corticothérapie inhalée.
 
L'ampleur de ce phénomène, qui serait déjà liée à la crainte d'un effet tératogène des médicaments (Powell H et al. 2011 6), est probablement encore sous-estimée et concerne de plus en plus de femmes.
 
Les corticoïdes inhalés n'augmentent  pourtant pas le risque de malformations congénitales ni de complications maternelles
Les données publiées sur les corticoïdes inhalés et les béta2mimétiques de longue durée d'action sont nombreuses et rassurantes.
 
Ainsi, une étude canadienne prospective sur 7 376 grossesses a montré que la prise de corticoïdes inhalés pendant le premier trimestre de la grossesse, avec une dose moyenne supérieure à 125 microgrammes par jour d'équivalent fluticasone, n'était pas associée à une foetotoxicité (Cossette B et al. 2013 7).
 
D'autres études (suédoises, canadiennes, américaines) n'ont pas non plus montré de risque spécifique pour le fœtus, ni pour la mère, avec les corticoïdes inhalés.
 
Bronchodilatateurs de longue durée d'action : données nombreuses et rassurantes
Les bronchodilatateurs de longue durée d'action ne doivent jamais être prescrits dans l'asthme en l'absence de corticoïdes inhalés, rappelle le CRAT (centre de référence sur les agents tératogènes) 8.
 
Ces médicaments ne sont pas associés à des risques particuliers pour le fœtus, selon la même étude canadienne évoquée ci-dessus (Cossette B et al.2013 7).
 
Le CRAT mentionne d'ailleurs que "les données publiées sur les béta2mimétiques de longue durée d'action sont nombreuses et rassurantes".
 
Anti-leucotriènes et omalizumab : pas de surrisque foetal identifié
Les antileucotriènes peuvent être ajoutés aux corticoïdes inhalés +/- bronchodilatateurs de longue durée d'action pour contrôler l'asthme. Là encore, les données sur des centaines de grossesses de femmes asthmatiques, comparées à celles de centaines de milliers de femmes non asthmatiques, ne montrent pas de risque d'anomalie congénitale majeure (Bakhireva LN et al. 2007 9).
 
Concernant l'omalizumab, réservé aux formes sévères d'asthme allergique, l'analyse des données du registre EXPECT ne montre pas de surrisque fœtal associé à la prise de ce médicament (Namazy J et al. 2015 10).
 
Les données de sécurité sont rassurantes, confirmant qu'une stratégie active de prévention des exacerbations de l'asthme au cours de la grossesse est indispensable
La SPLF rappelle donc que la seule façon de limiter la survenue d'exacerbations pendant la grossesse est de prendre un traitement de fond qui, lorsqu'il est bien conduit, permet de contrôler la maladie et de réduire les risques de complications, sans risque particulier pour le fœtus et la mère
 
La SPLF souligne que cette analyse est partagée par l'ensemble de la communauté scientifique et médicale pneumologique, obstétricienne et par les spécialistes de la tératogénicité (CRAT). Elle se base sur toutes les recommandations nationales et internationales concernant la prise en charge de l'asthme au cours de la grossesse.
 
Le pictogramme "xxx + grossesse = danger" a donc été apposé sur les boîtes de médicaments de l'asthme pour de mauvaises raisons
La SPLF estime donc que l'apposition de ce pictogramme femmes enceintes va à l'encontre totale de cette stratégie de prise en charge et semble injustifiée voire dangereuse, compte tenu des données actuellement disponibles : seules des études animales ont montré un effet tératogène ou foetotoxique des traitements de l'asthme utilisés à forte dose et par voie systémique ; elles ne sont donc pas du tout extrapolables à l'homme, comme l'a d'ailleurs souligné l'Académie de médecine en février 2018 11.
 
Le groupe G2A (Asthme et Allergie) de la SPLF avait pourtant alerté l'ANSM et les laboratoires pharmaceutiques  
La SPLF rappelle avoir alerté l'ANSM et les laboratoires de l'absence de bénéfice attendu de l'apposition de ce pictogramme et, au contraire, des risques encourus : arrêt du traitement de fond et augmentation du risque d'exacerbations engendrant des risques avérés dans le monde entier pour le fœtus et pour la mère, directs ou indirects (corticoïdes oraux).
 
Les conseils aux patients et aux professionnels de santé en attendant un éventuel retrait du pictogramme
Comment vont réagir les autorités de santé face à cette alerte, suivant celle de l'Académie de médecine et du CRAT en février 2018 ? Va-t-on vers un statu quo ou un retrait du pictogramme sur ces boîtes dans l'intérêt de la santé des femmes enceintes et de leurs enfants à naître ?
 
En attendant, la SPLF recommande aux patientes de ne pas interrompre leur traitement et de consulter leur médecin pour plus d'informations. Elles peuvent aussi vérifier sur le site du CRAT l'innocuité de leur traitement.
 
Les professionnels confrontés à cette situation sont invités à prévenir les patientes en leur expliquant que la balance bénéfice risque" est très en faveur de la poursuite de ces médicaments" et que c'est surtout leur interruption qui expose à des risques pour la grossesse et le fœtus. Ils doivent aussi s'assurer, comme avant l'apposition de ces pictogrammes bien sûr, "de traiter l'asthme de façon optimale au cours de la grossesse en utilisant les traitements nécessaires de la même façon qu'en dehors de la grossesse".

Claire Lewandowski et Jean-Philippe Rivière
 
En savoir plus :
  1. Pictogramme femmes enceintes et traitement de l'Asthme la position de la SPLF, Cécile Chenivesse, Gilles Devouassoux, Arnaud Bourdin, Camille Taillé, Gilles Garcia pour le groupe G2A, SPLF, 29 mai 2018
  2. Asthma exacerbations during pregnancy: incidence and association with adverse pregnancy outcomes, Murphy VE et al.,Thorax. 2006 Feb;61(2):169-76
  3. Pregnancy outcomes among women with asthma , Baghlaf H et al. 2017 J Matern Fetal Neonatal Med. 2017 Nov 22:1-7.
  4. The risk of congenital malformations, perinatal mortality and neonatal hospitalisation among pregnant women with asthma: a systematic review and meta-analysis, Murphy VE et al. 2013 BJOG. 2013;120(7):812-22. doi: 10.1111/1471-0528.12224
  5. Prescription of asthma medications before and during pregnancy in France: An observational drug study using the EFEMERIS database, Beau AB et al., J Asthma. 2017 Apr;54(3):258-264.
  6. Management of asthma in pregnancy guided by measurement of fraction of exhaled nitric oxide: a double-blind, randomised controlled trial , Powell H et al. 2011 Lancet. 2011;378(9795):983-90.
  7. Impact of maternal use of asthma-controller therapy on perinatal outcomes, Cossette B et al., Thorax. 2013;68(8):724-30
  8. Antiasthmatiques et grossesse sur le site du CRAT, mise à jour en décembre 2017
  9. Safety of leukotriene receptor antagonists in pregnancy, Bakhireva LN et al. 2007 J Allergy Clin Immunol. 2007;119(3):618-25
  10. Effects of asthma severity, exacerbations and oral corticosteroids on perinatal outcomes, Namazy JA et al. 2013 Eur Respir J. 2013;41(5):1082-90
  11. Pictogrammes « Grossesse » sur les conditionnements de médicaments : une intention louable, des conséquences incertaines, Élisabeth ELEFANT, Laurent MANDELBROT, avec la collaboration de Gilles BOUVENOT , Académie de médecine, février 2018
Sur VIDAL.fr

Grossesse : les boîtes de médicaments à risque arborent le pictogramme "femmes enceintes"
 (octobre 2017)
 

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