Une course contre la montre pour trouver des traitements (illustration).
Le 30 janvier dernier, l'OMS déclarait que l'infection par le nouveau coronavirus (SARS-CoV2) détecté pour la première fois en Chine était devenue une urgence de santé publique à l'échelon mondial. Alors que le nombre de cas continue d'augmenter hors de Chine, la revue Nature (1) a rappelé quels sont les différents acteurs scientifiques œuvrant de concert pour réussir au plus vite à trouver des solutions thérapeutiques.
Quelles sont les premières recherches effectuées en cas d'épidémie virale ?
Face à l'émergence d'une épidémie comme celle du COVID-19 (nom de la pathologie liée au 2019-nCoV) ou du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), les épidémiologistes sont les premiers à intervenir pour comprendre comment se propage le virus, connaître le délai d'apparition de nouveaux cas, leur localisation, et en combien de temps les symptômes surviennent après la contamination.
Tout ceci aboutit à la création de modèles susceptibles de prédire l'évolution ultérieure de l'épidémie : une étape cruciale pour mettre en place des plans d'action adaptés et évaluer l'efficacité des premières mesures prises, comme l'isolement de patients, la mise en quarantaine, le port de masque, les mesures d'hygiène, etc.
Par ailleurs, c'est en examinant comment l'infection se propage que les épidémiologistes peuvent en déduire le mode de transmission. Ils recherchent également comment des sujets infectés, mais asymptomatiques, peuvent transmettre le virus.
Les généticiens s'attellent de leur côté à rechercher la source du virus. Lorsqu'une transmission par les animaux est suspectée, c'est l'analyse génétique effectuée sur ces animaux qui permet de déterminer quelle espèce a transmis le virus à l'homme.
Les virologistes travaillent quant à eux sur le virus lui-même, à partir d'échantillons biologiques. Cultures de cellules et études chez l'animal permettent d'examiner de façon précise le comportement viral. Il est ainsi possible de mesurer le temps de survie du virus, par exemple dans les gouttelettes projetées lors d'un éternuement ou d'un accès de toux. Les modèles animaux sont utiles pour voir comment l'infection peut se transmettre entre individus.
Le génome viral obtenu par séquençage apporte également des indices pour développer des tests diagnostiques. Quant à la structure des protéines virales et à la caractérisation des récepteurs que le virus utilise pour pénétrer dans les cellules, elle peut ouvrir la porte à des traitements spécifiques.
Quand tous les scientifiques du monde se sont donné la main
Concernant l'épidémie actuelle liée au SARS-CoV2, il faut saluer la réactivité hors normes de la communauté scientifique internationale et la collaboration de ses acteurs avec un partage rapide de toutes les données obtenues, qui ont été soutenues et coordonnées par l'OMS (2).
Pour exemple, après l'annonce officielle en Chine le 9 janvier 2020 de la découverte d'un nouveau coronavirus à l'origine de pneumonies, la séquence du génome du SARS-CoV2 était partagée, dès le 11 et 12 janvier, avec tous les acteurs scientifiques impliqués dans le monde.
En France, l'Institut Pasteur (3) a mobilisé très rapidement ses équipes. Le 24 janvier 2020, en fin de matinée, les échantillons des 3 premiers cas français suspectés d'être atteints de COVID-19 arrivent à l'Institut. La détection du nouveau coronavirus est alors effectuée. Ce même jour, le virus est mis en culture (4) sur des cellules spécifiques qui avaient été identifiées lors des épidémies de SRAS et MERS et soigneusement conservées. Le soir même, le séquençage du génome viral est lancé.
Le 30 janvier, le séquençage complet est obtenu (5) et divulgué, l'analyse des données ayant été faites au cours des nuits du 28 et 29 janvier.
Quels sont les traitements potentiellement actifs ?
En préambule de l'étape thérapeutique, le développement de tests diagnostiques a également fait l'objet de recherches actives par la communauté scientifique internationale. Selon une étude (6) publiée récemment, 38 laboratoires européens disposaient déjà fin janvier d'un test diagnostique.
La vaccination fait partie des armes classiques et efficaces pour prévenir et lutter contre les infections virales. Cependant, il s'agit d'une solution à long terme qui réclame un délai de plusieurs mois entre la conception du vaccin et sa production. C'est pourquoi de nombreux laboratoires dans le monde se sont précipités pour mettre au point des vaccins contre le SARS-CoV2. Différentes techniques (7) ont été utilisées, dans la mesure où on ne sait pas encore quel type de vaccin est le plus à même d'être efficace et/ou de pouvoir être produit en masse et/ou d'entraîner peu d'effets secondaires.
En Chine, des premiers essais chez l'homme devraient commencer en avril prochain (8). Mais de nombreuses autres équipes dans le monde sont également prêtes. Il s'agit soit de nouveaux vaccins, soit de vaccins inspirés d'approches déjà étudiées contre d'autres virus (Ebola, SRAS, MERS, etc.) , voire d'autres vaccins existant.
Une autre option, qui a déjà été tentée en Chine, est la sérothérapie (9) à partir de dons de plasma de patients affectés. Trouver les anticorps qui reconnaissent le virus n'est pas, le plus souvent, une étape difficile, mais leur production à grande échelle prend en général plusieurs mois.
Des équipes se sont également intéressées à l'utilisation d'antiviraux, des médicaments qui vont interférer avec la réplication virale. Cependant, le développement de ces molécules nécessite des années de travail. D'où l'idée de recourir à des antiviraux déjà existants ou en cours de développement pour d'autres infections. C'est le cas de la combinaison (10) lopinavir/ritonavir (KALETRA et génériques) utilisée dans les infections à VIH. Un autre antiviral, le remdesivir (non commercialisé), qui avait été étudié dans le traitement de l'infection à virus Ebola et dans le SRAS, est également en passe d'être testé dans le cadre d'essais cliniques (11). De plus, une équipe taïwanaise a annoncé avoir traité une patiente avec l'association de lopinavir/ritonavir et de l'antigrippal oséltamivir (TAMIFLU et génériques), mais il ne s'agit que d'une expérimentation ponctuelle (12).
Pour ce qui est des autres produits thérapeutiques pressentis pour avoir une activité anti-SARS-CoV2, la liste s'allonge régulièrement, mais les espoirs d'efficacité sont variables. Néanmoins, certains choix s'appuient sur des molécules ayant déjà été testées dans les autres infections à coronavirus, comme l'interféron ou les corticoïdes. La chloroquine, qui exerce une activité anti-inflammatoire et antivirale en sus d'être un antipaludéen, est aussi en lice (13). Ailleurs, on cite des traitements par cellules souches, des anticorps monoclonaux, des herbes chinoises, etc., mais certains ne sont pas toujours testés avec une grande rigueur, ce que l'OMS essaie d'éviter.
Quoi qu'il en soit la Chine a annoncé le lancement de plus de 80 essais cliniques (14), et d'autres pays se sont aussi lancés dans la course.
Pour en savoir plus
- Heidi Ledfor (vidéo). How scientists are fighting the coronavirus. Nature 2020.
- Communiqué de presse du 6 février 2020. Nouveau coronavirus : un forum de l'OMS pour faire progresser la recherche et l'innovation.
- Institut Pasteur. Coronavirus de Wuhan (SARS-CoV2)
- Communiqué du 30 janvier 2020. L'Institut Pasteur isole les souches du coronavirus 2019-NCOV détecté en France.
- Communiqué du 31 janvier 2020. L'Institut Pasteur séquence le génome complet du coronavirus de Wuhan, 2019-nCoV.
- Reusken CBEM et coll. Laboratory readiness and response for novel coronavirus (2019-nCoV) in expert laboratories in 30 EU/EEA countries, January 2020. Eurosurveillance.org
- De La Vega MA. Développement d'un vaccin contre le coronavirus : voici ce que font les scientifiques. The Conversation. 7 février 2020
- AFP. 21 février 2020. China says coronavirus vaccine trials to start around late April
- Agence France Presse. 17 février 2020. La Chine récupère des anticorps chez ceux qui se sont rétablis.
- Amy Maxmen. Slew of trials launch to test coronavirus treatments in China. Nature 2020 ; 578 : 347-348.
- News release. NIH clinical trial of remdesivir to treat COVID-19 begins. 25 février 2020
- Thailand sees apparent success treating virus with drug cocktail. MedicalXPress 2 février 2020.
- Gao J et coll. Breakthrough : Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies. Biosci Trends 2020. Publication avancée en ligne le 19 février.
- Amy Maxmen. More than 80 clinical trial launch to test coronavirus treatments. Nature.15 février 2020
Sources
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