Un risque appréhendé de façon différente selon les pays (illustration).
Bien que le port de masques par les professionnels de santé et les sujets ayant des symptômes fasse l'unanimité, on constate de nombreuses discordances dans le monde concernant l'usage de masques par la population générale. Pour exemple, le chirurgien général des États-Unis (administrateur de la santé publique) s'est opposé à ce que les personnes non infectées par le SARS-CoV-2 s'achètent des masques. La principale raison avancée est qu'il faut éviter une pénurie de masques pour le personnel soignant ; un autre argument est que les masques n'assurent aucune protection contre l'infection par le SARS-CoV-2.
Entre absence de preuve et preuve de l'absence
Cependant, comme le soulignent Shuo Feng et son équipe, il est essentiel de faire un distinguo "entre l'absence de preuve et la preuve de l'absence". Ainsi, il y a très peu de données qui montrent une efficacité des masques pour se protéger de l'infection dans la population générale. En revanche, ils assurent une protection des professionnels de santé qui soignent des malades atteints d'infections respiratoires. Il semble donc raisonnable de suggérer aux personnes "fragiles", non seulement d'éviter les foules, mais aussi d'utiliser un masque chirurgical lorsqu'elles doivent être exposées à des zones à risque. Cependant, on sait aujourd'hui que la COVID-19 peut être transmise avant le début des symptômes : il pourrait donc sembler logique, en théorie, que toute la population porte un masque… Mais, en pratique, cette stratégie conduit inéluctablement à une pénurie de masques, à une inflation de leurs prix, ces conséquences ayant un impact délétère sur l'approvisionnement des soignants.
Des réponses très diverses selon les pays
Face à ce dilemme, les états ont répondu de façon très différente (cf. Encadré 1). Ainsi, l'Allemagne et la Corée du Sud ont interdit l'exportation de masques de façon à pouvoir répondre à la demande locale. L'OMS a appelé à augmenter la production des équipements de protection, y compris des masques, de 40 %. La Thaïlande, la Chine et le Japon ont opté pour des masques de fortune ou la réutilisation de masques chirurgicaux. Pour les auteurs, ces derniers choix pourraient toutefois compromettre l'effet protecteur du masque et même accroître le risque d'infection. Quant à la Tchéquie, elle vient de demander le port d'un masque dans tous les espaces publics, selon la revue Science Mag.
Il est important d'ajouter que, dans les pays asiatiques, le port d'un masque est une pratique habituelle, contrairement aux pays européens et d'Amérique du Nord, ce qui peut, bien sûr, peser dans les stratégies de santé nationales.
En dehors des personnes ayant des symptômes respiratoires et de celles qui s'occupent des patients symptomatiques, Shuo Feng et coll. suggèrent qu'il pourrait être utile que les sujets asymptomatiques en quarantaine portent aussi des masques pour prévenir l'éventuelle contamination d'autres personnes, à l'instar des sujets âgés ou ayant des comorbidités. Les auteurs plaident donc pour une utilisation large des masques… à condition d'en avoir ! Ceci étant une problématique qui concerne quasiment toute la planète.
Encadré 1 - Différents exemples de recommandations pour la population générale
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Un sujet de recherche à part entière
Pour Shuo Feng et son équipe, il est donc temps d'initier des recherches dans ce domaine, notamment sur la durée de protection des masques, les techniques pouvant prolonger cette durée, le développement de dispositifs réutilisables, etc.
Taiwan est l'un des rares pays à avoir eu la clairvoyance de constituer des stocks importants de masques : une leçon sans doute à tirer… pour les futures pandémies.
Pour en savoir plus
Shuo Feng et coll. Rational use of face masks in the COVID-19 pandemic. Lancet Respiratory Medicine. 20 mars 2020.
Kelly Servick. Would everyone wearing face masks help us slow the pandemic ? Science Mag. 28 mars 2020.
Sources
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