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Surdosage en méthadone : l'ANSM encourage la détention de naloxone

Première substance impliquée dans le décès des usagers de drogues, la méthadone voit également son usage détourné (par injection ou obtention illégale) augmenter. Tels sont les constats du dernier compte-rendu du Comité permanent des stupéfiants, psychotropes et des addictions.

Dans ce contexte, l'ANSM* rappelle le risque de toxicité, de surdosage et d'usage détourné rapporté avec cet opiacé, et met en garde contre la banalisation de cette substance, notamment dans un contexte de consommation occasionnelle en milieu festif. 

Dans la lignée du ministère de la Santé, l'ANSM encourage également la diffusion de kits de naloxone (antidote des surdosages en opioïdes) prêts à l'emploi auprès des populations à risque de surdosage, afin de réduire le nombre des décès associés à la méthadone. 

*Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
David Paitraud 17 juillet 2020 Image d'une montre5 minutes icon Ajouter un commentaire
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Antalgiques, dépresseurs du système nerveux central et entraînant une sensation de bien-être et de relaxation, les opioïdes se caractérisent par un potentiel d’abus et de dépendance élevé (illustration).

Antalgiques, dépresseurs du système nerveux central et entraînant une sensation de bien-être et de relaxation, les opioïdes se caractérisent par un potentiel d’abus et de dépendance élevé (illustration).


Le 16 juillet 2020, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié le compte-rendu du Comité permanent des stupéfiants, psychotropes et des addictions qui s'était tenu le 6 février 2020. Au cours de cette séance, le dossier relatif à la primo-prescription de méthadone en ville (PPMV) a été discuté, alors que la Direction générale de la Santé (DGS) étudie cette année une proposition de décret modifiant les conditions de la PPMV : 
  • PPMV autorisé aux médecins :
    • dont les qualifications sont précisées par arrêté ministériel,
    • ou ayant suivi une formation spécifique et adaptée ;
  • et ayant conclu une convention avec un centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou un service hospitalier spécialisé. 

Actuellement, le traitement par méthadone est initié dans les centres de soins spécialisés en toxicomanie (CSST) et les établissements de soins (cf. Encadré 1). 

La méthadone (agoniste complet des récepteurs opiacés, récepteurs µ) est commercialisée en France en tant que traitement substitutif aux opiacés, chez des patients présentant une dépendance aux opiacés (cf. VIDAL Reco "Dépendance aux opiacés (traitement de substitution").  
Une spécialité à base de méthadone a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la douleur, mais elle n'est pas commercialisée à ce jour.

Encadré 1 - Prescription de la méthadone en France
METHADONE gélule METHADONE sirop
Prescription initiale réservée à certains spécialistes :
  • médecins exerçant dans les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ;
  • médecins exerçant dans les services hospitaliers spécialisés dans les soins aux toxicomanes.
  • médecins hospitaliers à l'occasion d'une hospitalisation, d'une consultation ou en milieu pénitentiaire.
 
Depuis la commercialisation en 2008 de la méthadone en gélule, cette substance fait l'objet d'un suivi national d'addictovigilance, dont un bilan réalisé en 2018 a mis en évidence : 
  • une augmentation des décès : le nombre de décès hors enquête DRAMES* (cf. ci-dessous) est passé de 4 à 7 cas par an entre 2008 et 2019 (multiplié par 1,8) ;
  • une augmentation des complications sanitaires graves nécessitant une prise en charge hospitalière : le nombre de cas a été multiplié par 12 en 11 ans (10 en 2008 et 123 en 2019) ;
  • et une augmentation de l'obtention illégale de ce médicament (multiplié par 4 entre 2008 et 2019).  

Selon l'étude DRAMES* portée par le CEIP-A**
  • l'incidence des décès liés à la méthadone est 8 fois plus élevée que celle rapportée avec la buprénorphine
  • 163 décès liés à la méthadone (soit 35 % des décès rapportés dans l'étude) ont été rapportés entre 2013 et 2018, sur 60 840 patients traités, (2,7 décès/1 000 patients) contre 35 pour la buprénorphine.
  • 1 111 décès ont été rapportés sur 10 ans avec la méthadone versus 370 avec la buprénorphine. 

Ces données montrent que la méthadone est la première substance impliquée dans les décès chez les usagers de drogues.
L'usage détourné de ce médicament augmente également, incluant une utilisation par voie parentérale (injection), son obtention illégale (don ou deal), ou sa consommation en milieu festif par des sujets naïfs aux opioïdes.

*DRAMES : décès en relation avec l'abus de médicaments et de substances - 2018
**CEIP-A : centre dévaluation et d'information sur la pharmacovigilance - addictovigilance


Usage détourné : ne pas banaliser l'utilisation de la méthadone
Dans ce contexte d'augmentation de l'usage détourné, l'ANSM rappelle que, comme tout médicament, la méthadone présente une toxicité propre pouvant conduire au décès :
  • effet dépresseur respiratoire et sédatif ; 
  • risque d'accumulation dans les graisses avec un relargage pouvant entraîner un surdosage à distance des premières prises ; 
  • effet cardiovasculaire ; 
  • effet hypoglycémiant dose dépendant ; 
  • effet sérotoninergique par inhibition de la recapture de la sérotonine. 

Les risques associés à la méthadone sont plus importants chez un sujet ne consommant pas ou peu d'opioïdes (dose létale 1 mg/kg), à l'initiation du traitement, après un arrêt même court ou une diminution des doses (sortie de prison, sortie de sevrage).

Naloxone en kit prêt à l'emploi : promouvoir sa détention dans les populations à risque
L'autre message de l'ANSM concerne la naloxone et vise à encourager la détention de cet antidote chez les patients à risque de surdosage en méthadone (cf. Encadré 2). La diffusion élargie des kits de naloxone est d'ailleurs un des objectifs précisés dans la feuille de route du ministère de la Santé pour diminuer la mortalité par overdose d'opioïde, publiée en juillet 2019 (cf. notre article du 5 septembre 2019). 

La naloxone est indiquée pour prendre en charge une overdose aux opioïdes, dont la méthadone.
Le nombre d'administrations de naloxone est passé de 5 à 55 cas par an (multiplié par 11), entre 2008 et 2019.

Depuis juin 2019, une spécialité à base de naloxone injectable prête à l'emploi (PRENOXAD en seringue préremplie : notre article du 5 juin 2019) est proposée sur le marché français. L'accès à cette spécialité est facilité puisqu'elle peut être obtenue sur prescription médicale ou sans ordonnance en pharmacie. 
Une autre spécialité à base de naloxone, NALSCUE 0,9 mg/0,1 mL solution pour pulvérisation nasale en récipient unidose, est disponible uniquement dans les établissements de santé et les centres spécialisés en addictologie. 

Encadré 2 - Messages clés de l'ANSM aux patients et professionnels de santé
Message aux patients, usagers de drogues et leur entourage :
  • avoir en permanence avec soi un kit de naloxone prête à l'emploi, 
  • ne jamais donner la méthadone à une autre personne, et la conserver dans un endroit hors de portée et de vue des enfants ;
  • ne pas consommer la méthadone en dehors de toute prescription ou pour un autre motif, 
  • ne pas consommer la méthadone avec d'autres substances telles que l'alcool, l'héroïne, d'autres opioïdes, la cocaïne, des anxiolytiques ou la prégabaline.
Message aux professionnels de santé :
  • encourager les patients et leur entourage à détenir un kit de naloxone prête à l'emploi.

Pour aller plus loin
L'ANSM rappelle les risques de la méthadone et l'importance de disposer de la naloxone - Point d'information (ANSM, 16 juillet 2020)

Sur VIDAL.fr
Surdosage ou overdose aux opioïdes : l'ANSM fait le point sur l'offre thérapeutique de la naloxone en France (5 septembre 2019)

 

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