#Santé publique #COVID-19

La COVID-19 six mois après : peut-on commencer à écrire l’histoire ?

Depuis mars 2020, l’évolution de l’épidémie COVID-19 a suscité bien des inquiétudes et des interrogations. Six mois après, voici une première synthèse de l’état de la pandémie en France. Mais toutes les conclusions qui s’ensuivent ne sont que transitoires. 
François Trémolières 08 septembre 2020 Image d'une montre8 minutes icon 12 commentaires
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Retour sur les premiers chapitres de l'épidémie (illustration).

Retour sur les premiers chapitres de l'épidémie (illustration).


À la fin du mois de février 2020 – il y a (seulement) six mois –, il n'y avait pas en France d'épidémie. Elle était annoncée, on pouvait la craindre, alors que les premiers cas en Chine dataient de moins de trois mois. Environ 90 000 cas avaient été signalés dans le monde, dont 80 000 en Chine, et 3 200 décès : 3 000 en Chine, 85 en Europe, dont 80 en Italie. Ces données italiennes inquiétaient, mais on ignorait absolument tout de ce qui allait se passer.
Certes "cela" semblait plus important que les références aux précédents coronavirus qui, s'ils avaient beaucoup fait parler d'eux, avaient provoqué un soufflé médiatique… vite retombé.
 
Retour sur les épidémies de SRAS et de MERS
Entre le 1er novembre 2002 et le 31 août 2003, le coronavirus du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) avait infecté 8 096 personnes dans une trentaine de pays, causant 774 décès (données OMS), essentiellement en Chine (avec une mortalité de l'ordre de 10 %). Épidémie modeste, justifiant des mesures pour contrôler l'extension certainement, d'autant que sa diffusion a semblé dès le début très rapide. La transmission est interhumaine, probablement par des gouttelettes de salive contaminées. En France, où il y eu 437 signalements, on n'a retenu que sept cas démontrés et un décès. Et si 77 contacts furent suivis, aucune transmission secondaire n'a été identifiée. Bref, rien qui justifie une panique. Dénommé aujourd'hui SARS-CoV-1, ce virus a disparu en pathologie humaine depuis 2004.
En avril 2012, une nouvelle infection à coronavirus, à dominante respiratoire est rapportée. Le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) est d'abord identifié en Arabie saoudite, puis dans plusieurs pays de cette région, mais aussi en Corée du Sud. Si la contamination interhumaine est effective, le virus ne se propage pas aisément en dehors de contacts étroits, lors de soins par exemple. Il semble aussi que le dromadaire est un hôte réservoir du MERS-CoV de l'infection chez l'homme. Deux ans plus tard, l'OMS relevait 937 cas dans le monde et 341 décès. Mais, contrairement au SARS-CoV-1, ce virus continue à circuler à l'état endémique et, au 31 janvier 2020, le nombre total de cas d'infections par le MERS-CoV, confirmés en laboratoire et notifiés à l'OMS, s'établit dans le monde à 2 519 (dont 19 cas en décembre 2019 et janvier 2020), et 866 décès associés (mortalité supérieure à 30 %). Quelques cas, ont été recensés en Europe, dont 2 importés en France en 2013.
 
Où en est la pandémie en France ?
Le rappel de ces deux petites épidémies est utile, montrant notamment que la performance des systèmes de surveillance dans le monde est assez remarquable, même si l'exhaustivité peut être mise en doute. Lorsque la contagiosité est modeste et bien contrôlée, il est clair qu'on peut enrayer l'épidémie. Dans ces deux infections, aucun traitement antiviral actif n'a été identifié. Des mises au point de vaccins furent lancée, sans issue à ce jour.
On peut craindre aussi que le caractère modeste, à l'échelon mondial, de ces deux épisodes n'ait laissé croire qu'il en serait de même pour le prochain coronavirus.
Il en est tout autrement pour l'infection à SARS-CoV-2 et, six mois après, on peut tenter un premier bilan de la COVID-19, bien que le nombre des questions soit presque infini.
Redisons que le 26 février 2020, il n'y avait pas en France d'épidémie. On ne relevait alors que 24 cas identifiés. Mais les chiffres augmentent alors très vite : le 8 mars, 949 cas sont confirmés, il y a 45 malades en réanimation et 11 décès sont survenus. La semaine suivante, la croissance est fulgurante : 5 433 nouveaux cas, 240 patients en réanimation et, dès le 15 mars,150 décès.
Le confinement obligatoire est annoncé lors de l'allocution du président Macron le 16 mars à 20 h. Il s'appliquera le mardi 17 mars 2020 à midi. Déjà, le samedi 14 mars le premier ministre avait arrêté "la fermeture effective de tous les lieux publics non indispensables à la vie du pays", en particulier tous les établissements scolaires. La décision française fait suite à la coordination européenne du 16 mars au matin entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, Charles Michel, la chancelière allemande, Angela Merckel, et le président français.
Le confinement avait débuté en Espagne 48 heures plus tôt où plus de 6 000 cas étaient déjà recensés et, dès le 10 mars en Italie, où il y avait ce jour 9 172 cas de contamination et 463 morts recensés.
On rappelle qu'en Chine le confinement avait débuté le 22 janvier dans trois villes de la province de Hubei : Wuhan, Huanggang et Ezhou. Le gouvernement chinois annonçait alors environ 2 000 cas, mais d'autres évaluations ultérieures ont avancé le chiffre de plus de 43 000 personnes contaminées (faculté de médecine de Hong-Kong).
À ce stade, on peut toujours "ergoter" sur une décision trop tardive du confinement. Aurait-on pu gagner 2, 3, 4 jours  Sûrement pas plus, mais disons qu'il s'agit là d'une polémique stérile.
Le confinement mis en place, il faudra attendre 4 semaines pour en percevoir les effets comme le montre le tableau I ci-dessous.

 
Tableau I - Nouveaux cas diagnostiqués, hospitalisés, admis en réanimation, décédés au cours des semaines 12 à 17 (confinement)
 
Au cours des 3 semaines qui suivent le confinement, 13 000 malades ont été admis en réanimation (plus de 600 en moyenne chaque jour), et près de 60 000 hospitalisés (jusqu'à 3 000 par jour).
Deux mois plus tard, lorsque le confinement est levé le 11 mai, les chiffres sont bien moins élevés comme l'illustre le tableau II ci-dessous.
                                            
Tableau II - Nouveaux cas diagnostiqués, hospitalisés, admis en réanimation, décédés au cours des semaines 19 à 24 (post-confinement)
 
La relation entre ce retournement de situation et ce confinement extrême peut difficilement être mise en doute (même si la science ne trouvera pas d'étude randomisée avec un bras comparateur – non confiné !). Des données hautement préoccupantes lorsque le nombre de patients présents dans les services de réanimation atteint 7 148 le 7 avril, et que le système hospitalier est au bord de la rupture. Le nombre de malades hospitalisés en réanimation va descendre en dessous de 1 000 le 9 juin, mais il aura fallu presque trois mois pour sortir de la panique.
 
L'évolution en France depuis le 11 mai
Depuis le déconfinement le 11 mai, le suivi hebdomadaire des données de l'épidémie en France examiné à la loupe.
Les figures 1 et 2 et le tableau III ci-dessous illustrent l'évolution semaine par semaine du nombre de nouveaux cas diagnostiqués, hospitalisés, admis en réanimation, depuis le 8 mars jusqu'au 8 septembre, soit pendant une période de six mois (à noter que, au 3 septembre, les données de la semaine 36 ne sont encore que prospectives et ne seront consolidées que le 10 septembre).
 
Figure 1 - Évolution des nouveaux cas hebdomadaires au cours des semaines 10 à 36 : nouveaux cas identifiés, nouveaux cas hospitalisés, nouveaux cas en réanimation

Figure 2 : Évolution des nouveaux cas hebdomadaires au cours des semaines 27 à 36 : nouveaux cas hospitalisés, nouveaux cas en réanimation
 
Tableau III : nouveaux cas diagnostiqués, hospitalisés, admis en réanimation, décédés au cours des semaines 32 à 36 (le temps du dérapage des nouveaux cas). 

Le nombre de nouveaux cas détectés chaque semaine s'est stabilisé autour de 3 000 (près de 500/jour) durant tout le mois de juin. À partir du début du mois de juillet, le nombre de nouveaux cas réaugmente petit à petit, mais de façon régulière, pour atteindre près de 25 000 la semaine du 15 août, et presque 45 000 en semaine 36.
Parallèlement, entre les semaines 27 (début juillet) et 32 (3 au 9 août), le nombre d'hospitalisation reste stable : 80 en moyenne par jour, et le nombre de patients admis en réanimation est compris entre 10 et 15 par jour.
Depuis le 10 août, ces données bougent, mais, après 4 semaines, l'augmentation des hospitalisations est sans commune mesure avec le nombre de nouveaux cas qui a été multiplié par un facteur 12. Le nombre d'hospitalisations est en moyenne de 125/j (multiplication par un facteur de 1,6) et en réanimation de 30/j (facteur 2 à 3). Pour la semaine 36, le nombre d'hospitalisations atteint 250/j et en réanimation un peu plus de 40/j.
Ce fait est aussi corrélé avec le nombre de recours aux consultations évaluées, que ce soit par les réseaux sentinelles, SOS médecin, ou les urgences des hôpitaux qui n'a augmenté que de façon très modérée (selon Santé publique France).

Une différence très importante entre le nombre de nouveaux cas et le retentissement de la maladie
Les raisons de cette incroyable différence entre la croissance (exponentielle) du nombre de nouveaux cas, et un retentissement somme toute faible sur le nombre de cas sévères, voire graves justifiant l'hospitalisation (en réanimation ou non), font l'objet de débats.
Aucun argument ne semble aujourd'hui permettre de répondre complètement aux questions posées. Les raisons avancées de cet écart sont nombreuses : différence entre le nombre de sujets testés il y 6 mois (autour de 100 000 par semaine à partir de la semaine 14, et les 700 000 tests hebdomadaires de ces dernières semaines) ; sujets infectés plus jeunes (c'est le groupe des 15/44 ans qui est le plus touché par cette augmentation, sept fois plus que les plus de 65 ans) ; moindre gravité de l'infection ? ; voire des mutations du virus qui sont régulièrement évoquées.
Malgré tout, il est un fait qui est pertinent, c'est qu'alors que le nombre de tests réalisés devient très important, la proportion de tests positifs atteint maintenant presque 5 % des tests réalisés, contre moins de 1,5 % au début du mois d'août. En termes d'incidence (nombre de nouveaux tests positifs pour 100 000 personnes sur les 7 derniers jours), ce taux était (en moyenne nationale) inférieur à 10 cas/100 000 habitants à la mi-juillet. Aujourd'hui, il est en moyenne de 54 cas/100 000 habitants, mais, suivant les départements, ce taux d'incidence oscille entre 10 et 177 cas/100 000 habitants. Trois départements ont des taux d'incidence supérieurs à 100 cas/100 000 habitants (se reporter au bulletin hebdomadaire de Santé publique France pour plus de précisions).
Il reste aussi la question des clusters. La presse évoque beaucoup leur grand nombre, leur mauvais suivi. En semaine 35 (24 au 30 août), il en a été dénombré près de 1 255 depuis le déconfinement ; il en reste 357 en cours d'investigation. Chaque cluster a touché entre 3 et plus de 20 cas.
Le suivi des sujets contacts de nouveaux cas a été réalisé dans près de 95 % des cas (selon Santé publique France). Même s'il semble en baisse ces trois dernières semaines, il reste supérieur à 90 %.

Faut-il craindre la répétition du scénario de mars dernier ?
Le scénario du mois de mars, où notre système hospitalier s'est retrouvé saturé, en panique en moins de trois semaines, peut-il se reproduire ?
Beaucoup d'arguments nous font penser que non. Outre la préparation de notre système hospitalier qui été considérablement améliorée, il est très vraisemblable que si le retour en masse des formes les plus graves avait dû se produire, il aurait déjà eu lieu, ou en tout cas aurait déjà commencé, ce qui, en ce début septembre, ne semble pas être le cas. Cependant, une extrême prudence reste de mise, et il faudra très probablement attendre le mois de novembre pour être pleinement rassuré.
Ne croyons pas que c'est terminé, il y aura des malades, il y aura des patients de réanimation, il y aura des morts, mais rien qui ressemble à une épidémie galopante mettant en danger et les gens et le système.
En annexe, il est clair que le maintien de mesures barrières sévères va rester de mise pour plusieurs mois.

Qu'en est-il dans le reste du monde ?
L'objectif n'est pas de se pencher sur l'épidémie à l'échelle mondiale ! Il y a suffisamment de données dans tous les médias.
Deux remarques cependant :
  • En termes de nouveaux cas, on observe une augmentation quotidienne majeure dans de nombreux pays, et si l'on en croit les données de l'université John Hopkins, en ce début septembre, l'Inde, les États-Unis et le Brésil sont les champions toutes catégories de nouveaux cas quotidiens (plus de 70 000 pour l'Inde, et plus de 40 000 pour les États-Unis et le Brésil). En Europe, l'Espagne surtout, puis la France, dépassent les 5 000 nouveaux cas/j. L'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni sont au-dessus de 1 000 cas/j.
  • Si le nombre de cas déclarés à travers le monde dépasse maintenant 25 millions, le nombre de décès risque d'atteindre le million dans les deux semaines qui viennent. Il est cependant difficile de valider l'exhaustivité de ces chiffres. Il est clair qu'un grand nombre de pays ne possèdent pas de systèmes d'information assez performants. 
 
Copyright©vidal.fr

Pour en savoir plus
Santé publique France. COVID-19. Point épidémiologique du 3 septembre 2020

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jp63 Il y a 4 ans 0 commentaire associé
Cette pandémie était annoncée depuis 15 ans par de nombreux scientifiques qui depuis les précédents épisodes de SRAS-Cov alertaient sur les capacités de ces coronavirus de passer de l’animal à l’homme et de représenter, en absence de vaccin, une véritable « bombe à retardement sanitaire ». Pendant les 14 ans précédents la Covid-19, plus de 8000 publications scientifiques ont été référencées par PubMed du NCBI sur les SRAS-Cov, dont 1700 sur les recherches de vaccins. Certains candidats vaccins issus des meilleures recherches en vaccinologie, après avoir été étudiés chez l’animal, étaient sur le point d’être testés en phase I chez l’homme. Mais le contrôle des épisodes SRAS ayant fait passer cet objectif dans un rang moindre de priorité (et absence de crédits), le développement de vaccins n’a pas eu de suite.. L’erreur (la faute ?) des organismes de santé a été de ne pas soutenir la conception et la production de ces vaccins, malgré les
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