#Santé #Nutrition et équilibre alimentaire

Régime sans gluten : indispensable pour les uns, inutile pour le plus grand nombre

Le régime sans gluten est indispensable dans la maladie cœliaque et l'allergie au blé, possiblement utile dans l'hypersensibilité au gluten, mais inutile en dehors de ces situations. Des notions à bien connaître car il peut aussi avoir des conséquences délétères.
 
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Le gluten est un complexe protidique qui regroupe les protéines de blé insolubles dans l'eau (illustration).

Le gluten est un complexe protidique qui regroupe les protéines de blé insolubles dans l'eau (illustration).

Résumé
Les pratiques alimentaires évoluent au fil du temps en fonction de la disponibilité et des technologies alimentaires, mais aussi du fait de nouveaux paradigmes sociétaux et de santé.
De nouvelles valeurs individuelles façonnées par une réflexion écologique et éthique, mais aussi par certaines croyances ou idéologies, influencent le comportement alimentaire.

De surcroît, la perte de transmission des repères alimentaires propre à notre époque s'exprime par des choix, qui sont parfois en contradiction avec une approche diététique adaptée à l'être humain.

Or l'adhésion à une multitude de régimes comportant des exclusions volontaires sans justification médicale peut avoir des conséquences délétères, même si la plupart des personnes qui les adoptent sont des sujets jeunes et en bonne santé : carences diverses, troubles du comportement alimentaire, résistance à l'amaigrissement.
Ainsi en est-il des régimes "sans" : sans viande, sans lait, sans blé, sans aliment cuit, sans gluten, voire, sans rien (jeûne partiel, alterné, voire total !).

Le régime sans gluten est particulièrement emblématique des nouvelles tendances alimentaires du fait de son ambiguïté :  indispensable dans la maladie cœliaque, dont il est le seul traitement, et dans l'allergie au blé, possiblement utile dans l'hypersensibilité au gluten (une entité mal définie) et totalement inutile dans toutes les autres situations (1). Les personnes qui le suivent sont pourtant de plus en plus nombreuses et stimulent l'activisme et le savoir-faire de l'industrie agro-alimentaire qui propose aujourd'hui un nombre croissant de produits sans gluten accessibles dans de nombreux points de vente… pour le plus grand bénéfice des quelques malades qui peuvent ainsi améliorer leur ordinaire !
 
Qu'est-ce que le gluten ?
Le gluten est un complexe protidique qui regroupe les protéines de blé insolubles dans l'eau, parmi lesquelles les prolamines qui correspondent à la fraction alcoolo-soluble et représentent 50 % des protéines totales des céréales.

Ces prolamines sont les gliadines du blé, les sécalines du seigle, les hordénines de l'orge et les avénines de l'avoine. Les trois premières sont potentiellement toxiques pour la muqueuse intestinale. En revanche, les avénines, qui représentent 15 % des protéines totales de l'avoine, ne seraient pas toxiques.

La région N-terminale de la fraction
alpha de la gliadine A comporte plusieurs séquences peptidiques ; celles-ci deviennent immunogènes en réagissant sélectivement avec la transglutaminase tissulaire qui transforme les résidus glutamine en acide glutamique. Le complexe gluten/transglutaminase stimule de façon répétitive les lymphocytes T CD4+ de la muqueuse intestinale chez certains patients porteurs d'un phénotype HLA DQ2 ou DQ8, à la faveur de facteurs environnementaux (viroses intestinales, tabagisme, augmentation de la perméabilité intestinale), qui interviennent en altérant la perméabilité intestinale. Ce qui déclenche le processus immunitaire à l'origine des lésions intestinales caractéristiques de la maladie cœliaque.

En pratique boulangère, le gluten est indispensable pour la panification. Ses propriétés de viscosité sont également mises à profit lors de la transformation d'un grand nombre d'aliments n'en contenant pas à l'état natif. 

Les indications médicales du régime sans gluten
  • La maladie cœliaque 
La maladie cœliaque est une entéropathie inflammatoire chronique auto-immune provoquée par un antigène alimentaire, la gliadine du gluten. Le processus d'auto-immunité à l'origine de la maladie cœliaque est très particulier et l'antigène responsable, la gliadine, bien identifié. La maladie cœliaque est donc une intolérance vraie au gluten, qui aboutit à la destruction de l'épithélium de l'intestin grêle avec une atrophie villositaire. Elle affecte environ 1 % de la population générale, mais il est probable que de nombreuses formes frustes sont méconnues et que la prévalence réelle dépasse 2 %.  

Les symptômes sont variables d'un sujet à l'autre : troubles digestifs avec douleurs abdominales, diarrhée, selles grasses, amaigrissement, asthénie, anémie ferriprive ou vitaminique, ostéoporo-malacie, etc. Les formes peu symptomatiques sont fréquentes.

Le diagnostic de la maladie cœliaque est posé grâce à la combinaison d'arguments cliniques, biologiques et des biopsies endoscopiques de l'intestin grêle proximal. La maladie est marquée par des anticorps anti-transglutaminases de classe IgA et l'appartenance au phénotype HLA DQ2 ou DQ8. Le diagnostic définitif est confirmé endoscopiquement par la régression de l'atrophie villositaire intestinale et/ou la disparition des symptômes cliniques, après l'éviction de tout aliment contenant du gluten, seul traitement efficace du fait de l'absence d'une autre solution thérapeutique (2).  

 
  • L'allergie au blé
Bien plus rare que la maladie cœliaque (moins de 0,4 % de la population générale), elle se manifeste par des signes digestifs (nausées, vomissements, diarrhée) survenant peu après l'ingestion, pouvant être associés à des manifestations extra-digestives d'apparition brutale telles que rhinorrhée, œdème de Quincke, éruption urticarienne, hypotension artérielle.
 
  • L'hypersensibilité au gluten non cœliaque
L'intolérance au gluten non cœliaque est une entité individualisée récemment. Son diagnostic ne repose pas sur des critères objectifs. Il s'agit presque toujours d'un auto-diagnostic — porté souvent par excès — par des sujets ayant des symptômes digestifs non spécifiques apparentés au syndrome de l'intestin irritable (inconfort abdominal, troubles du transit), et parfois généraux (asthénie, douleurs musculaires, céphalées, dépression, etc.), et qui décrivent une amélioration après l'éviction du gluten (3). Sa prévalence serait de l'ordre de 1 à 5 %.

Dans une étude randomisée à double insu, menée chez des sujets dits "hypersensibles", l'éviction du gluten n'a entraîné l'amélioration des symptômes que chez 8 % des sujets, les troubles réapparaissant le plus souvent après la réintroduction de sucres fermentescibles (qui fermentent dans l'intestin) [4]. En fait, l'hypersensibilité au gluten non cœliaque est une entité floue qui, si elle existe, ne concerne qu'une très faible proportion des sujets autodéclarés comme "sensibles au gluten". Dans le doute, un test d'éviction/réintroduction du gluten peut être tenté sous couvert d'une surveillance médico-diététique, en veillant à ne pas "tomber dans le panneau" d'un effet placebo habituellement transitoire. En 2016, un consensus d'experts a émis des recommandations et des critères diagnostiques en insistant sur le fait qu'il ne s'agit ni d'une réaction auto-immune, ni d'une réaction allergique (5). 

L'éviction du gluten : un régime contraignant
Le régime sans gluten se résume à l'éviction totale et sans concession des céréales contenant du gluten - seigle, blé (y compris l'épeautre et le kamut), orge – de leurs produits dérivés comme la bière, obtenue à partir de l'orge maltée, et des innombrables aliments transformés qui en contiennent, souvent en dehors de toute logique (certaines charcuteries et viandes hachées, terrines et pâtés, plats cuisinés, etc.).

Les céréales ne contiennent pas toutes du gluten, loin de là. Ainsi l'avoine ne contient pas de gluten, mais elle est souvent contaminée lors de sa manipulation en minoterie. Quelques rares sujets atteints de maladie cœliaque sont également intolérants à l'avidine (prolamine de l'avoine).

Le riz, le maïs, le millet et le quinoa sont des céréales pouvant être consommées sans restriction. Il en est de même des farines de châtaigne, de pois chiches ou de manioc. Quant au sarrasin, communément appelé blé noir, il ne contient pas de gluten puisqu'il s'agit d'une herbacée et non d'une céréale.

L'application du régime est facilitée par l'étiquetage qui doit mentionner obligatoirement la présence de blé et de gluten dans la liste des ingrédients d'un produit manufacturé. L'étiquetage de sécurité ou de précaution mentionne volontiers la présence "possible" de gluten ou le fait qu'un produit réputé ne pas contenir de gluten a été fabriqué dans un atelier utilisant du gluten.

Ces mentions visent à avertir les personnes allergiques, les sujets intolérants pouvant consommer du gluten à l'état de traces. Un logo validé par l'AFDIAG, l'Association française des intolérants au gluten (cfFigure 1), facilite le choix des aliments manufacturés qui sont vignettés pour donner droit à une participation financière de la part des assurances sociales chez les sujets dont le diagnostic de maladie cœliaque a été dûment établi. L'exercice est plus difficile, voire impossible, pour les aliments artisanaux qui ne sont pas soumis à ce type d'étiquetage ou pour certaines préparations proposées en restauration.

 
Figure 1 - Logo apposé sur les aliments certifiés sans gluten par l'Association française des Intolérants au gluten
 
Une image contenant texte, clipartDescription générée automatiquement

À titre indicatif, les principaux aliments naturels autorisés sont : légumes frais ou secs, fruits, lait, œufs, viandes grillées, poissons, pommes de terre, maïs, riz, sarrasin, châtaigne, quinoa.

Le niveau de l'exclusion dépend de de l'indication. Strict et ne souffrant aucun écart en cas de maladie cœliaque ou d'allergie au blé, il l'est beaucoup moins en cas d'hypersensibilité au gluten où le patient peut déterminer le seuil de tolérance assurant le confort digestif recherché.

Il n'y a évidemment pas de commune mesure entre le régime sans gluten strict, seul traitement de la maladie cœliaque, ou de l'allergie au blé, et le régime sans gluten à la mode dont l'objectif affiché est le "bien-être". Dans le premier cas de figure, il s'agit d'un exercice difficile et contraignant nécessitant un accompagnement médical et diététique pour pallier les carences et les déséquilibres, et améliorer la qualité de vie fortement impactée par ce régime (6). Dans le second, il s'agit d'un choix volontaire sans justification médicale.


Pour conclure
L'exemple du régime sans gluten, dont l'intérêt médical est totalement démontré dans la maladie cœliaque de l'adulte et de l'enfant et dans les très rares allergies au blé, souligne la futilité des régimes "sans" qu'adoptent les sujets en bonne santé pour des motifs non médicaux.

Même si ces régimes d'exclusion exposent à peu de risques pour la santé, ils ont des retentissements sur la vie sociale, altèrent la qualité de vie et favorisent l'expression de troubles du comportement alimentaire dont l'une des formes, la plus représentative aujourd'hui, est l'orthorexie (obsession de manger des aliments sains ou supposés l'être). En dehors de la maladie cœliaque, ces régimes, inutiles, ne doivent pas être encouragés.

©vidal.fr

 
Pour en savoir plus
  1. Lebwohl B, Ludvigsson JF, Green PH. Celiac disease and non-celiac gluten sensitivity. BMJ 2015 ; 351 h4347. 
  2. Rubio-Tapia A, Hill ID, Kelly CP et al. ACG clinical guidelines: diagnosis and management of celiac disease. Am J Gastroenterol 2013 ; 108 : 656-676. 
  3. Fasano A et al. Non celiac gluten sensitivity. Gastroenterology 2015 ; 148 : 1195-1204. 
  4. Biesiekierski JR et al. No effects of gluten in patients with self-reported non-celiac gluten sensitivity after dietary reduction of fermentable, poorly absorbed, short chain carbohydrates. Gastroenterology 2013 ; 145 : 320-328. 
  5. Catassi C, Alaedini A , Bojarski C et al. The overlapping area of non celiac gluten sensitivity and wheat-sensitive bowel syndrome : an update. Nutrients 2017 ; 9 : 1268. 
  6. Vici G, Belli L, Biondi M et al. Gluten free diet and nutrient deficiencies: A review. Clin Nutr 2016 ; 35 : 1236-1241. 
Sources

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