#Médicaments #Santé publique #Données épidémiologiques #Etude

VIH : augmentation soutenue des prescriptions de PrEP, mais mitigée pour le recours au dépistage

Selon le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE, l'utilisation de la prophylaxie préexposition (PrEP) au VIH en France a repris de manière soutenue. En revanche, Santé publique France note, pour sa part, une hausse mitigée des recours au dépistage du VIH.

David Paitraud 01 décembre 2022 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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La prophylaxie préexposition s'adresse à des personnes non infectées, mais hautement exposées au VIH

La prophylaxie préexposition s'adresse à des personnes non infectées, mais hautement exposées au VIH

Résumé

À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le groupement d'intérêt scientifique EPI-PHARE et Santé publique France publient respectivement des données actualisées relatives à la prévention et au dépistage du VIH en France : 

  • actualisation du suivi de l'utilisation de la prophylaxie préexposition (PrEP) au VIH en France, intégrant les données recueillies au second semestre 2021 et au premier semestre 2022 : les données indiquent une reprise « soutenue » de l'utilisation de la PrEP, et une augmentation marquée des prescription de TRUVADA et ses génériques en ville, notamment par les médecins généralistes. En revanche, le recours à la PrEP dans certaines populations restent encore limité ; 
  • données de dépistage du VIH en 2021 : Santé publique France note une hausse du taux de dépistage en 2021 par rapport à 2020. Malgré cette reprise, le niveau de dépistage enregistré en 2021 n'atteint pas celui de 2019, c'est-à-dire avant la Covid-19. Face à ce constat, l'Agence nationale de santé publique relance sa campagne de sensibilisation destinée à lever les freins à ce dépistage.

À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE a publié son rapport de suivi sur l'utilisation de la prophylaxie préexposition (PrEP) en France, intégrant les données du second trimestre 2021 et du premier semestre 2022. De son côté, Santé publique France a publié un Bulletin épidémique hebdomadaire (BEH) spécial VIH, dans lequel elle relaie les données de dépistage du VIH recueillies en 2021.

Prévention du VIH : une reprise confirmée du recours à la PrEP en France

Selon le dernier rapport du GIS EPI-PHARE publié le 29 novembre [1, 2], les données de remboursement de TRUVADA ou génériques seuls (cf. Encadré) arrêtées au 30 juin 2022 montrent une reprise de l’utilisation de la PrEP en France. 

Pour rappel, le suivi d'utilisation de la PrEP est réalisé depuis 2017 à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). Il intègre l'ensemble des personnes de 15 ans et plus (âge minimum de remboursement) ayant eu au moins un remboursement d'une boîte de TRUVADA ou génériques seul, non associé à d'autres antirétroviraux, entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2022. Ce travail s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 [3].

Encadré - La PrEP VIH en synthèse

La PrEP est un traitement antiviral prophylactique destiné à réduire le risque d'infection par le VIH par voie sexuelle chez des sujets à haut risque de contamination (à partir de 12 ans) [cf. VIDAL Reco « VIH (infection par le) »], en association à des pratiques sexuelles à moindre risque.

La PrEP repose sur l'association emtricitabine/ténofovir disoproxil fumarate (TRUVADA 200 mg/245 mg comprimé pelliculé et génériques). 

La prise en charge par l'Assurance maladie est de 100 % chez les patients de 15 ans et plus. 

Une reprise confirmée après une chute en 2020

La reprise de l'utilisation de la PrEP observée au premier semestre 20222 confirme la dynamique amorcée en 2021, alors que l'année 2020 (année du confinement sanitaire lié à la pandémie de Covid-19) a été marquée par une chute des initiations et des renouvellements de ce traitement préventif. 

Au total, 42 583 personnes ont eu recours à la PrEP, en initiation ou en renouvellement, au premier semestre 2022 versus 30 376 au premier semestre 2021, « soit une augmentation de 40 % au cours de la dernière année ». Les utilisateurs enregistrés en 2022 (42 583) représentent 66 % de la totalité des personnes ayant bénéficié d'une PrEP depuis 2016 (64 821). Les renouvellements de traitement représentent près de trois quarts des prescriptions (cf. Figure 1). 

Concernant les initiations seules, elles ont augmenté de 39 % par rapport à fin juin 2021 (9 356 au premier semestre 2022 contre 7 223 au premier semestre 2021) ; au total, 64 821 personnes de 15 ans et plus ont ainsi bénéficié d'une initiation de PrEP en France entre janvier 2016 et juin 2022 (cf. Figure 1).

Figure 1 - Nombre d’utilisateur.trice.s d’une PrEP par TRUVADA ou génériques en initiation et en renouvellement en France
chaque semestre entre le 1er Janvier 2016 et le 30 Juin 2022 (source : rapport EPI-PHARE)

La PrEP s'inscrit dans les pratiques de médecine libérale et générale

Depuis le 1er juin 2021, la primo-prescription est possible par tout médecin (cf. notre article du 1er juin 2021), y compris par les médecins généralistes.

L'analyse des données au 30 juin 2022, soit un an après l'élargissement de la primo-prescription, montrent que les initiations d'une PrEP augmentent en ville, en particulier par les médecins généralistes :  

  • au premier semestre 2022, près de 3 800 primo-prescriptions ont été effectuées par des prescripteurs libéraux (dont 88 % par des médecins généralistes), ce qui représente 41 % de l’ensemble des initiations de PrEP sur cette période. En comparaison, les prescripteurs libéraux ne représentaient que 19 % des initiations au premier semestre 2021 ;
  • la part des médecins libéraux dans les prescriptions de renouvellement de PrEP a également augmenté, passant de 26 % au premier semestre 2021 à 37 % au premier semestre 2022.

Concernant le bon usage de la PrEP, les données montrent : 

  • un respect des recommandations de surveillance rénale : le contrôle de la fonction rénale tel que recommandé dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de TRUVADA a été effectué à l'initiation de la PrEP chez 68 % des patients, sur la période 2016-2022. Cependant, les auteurs rapportent une diminution progressive de la fréquence de ce contrôle ; au premier semestre 2022, le contrôle de la fonction rénale à l'initiation de la PrEP n'a été réalisé que chez 62 % des utilisateurs ; 
  • un respect des contre-indications avec les médicaments néphrotoxiques : les traitements néphrotoxiques lors de la mise sous PrEP restent peu fréquents ; 16% lors de la dernière année, 17 % sur l'ensemble de la période de suivi (2016-2022).

Une légère évolution des profils d'utilisateurs

Sur la période totale de suivi (2016-2022), les utilisateurs de la PrEP restent principalement des hommes (97 %), âgés de 36 ans en moyenne, résidant en Île-de-France ou dans une grande métropole.

Les profils d'utilisateurs tendent cependant à évoluer, lentement, d'après les données recueillies au cours des derniers mois :

  • la part des femmes est en légère augmentation, mais elle reste marginale (4 % au premier semestre 2022 versus 2 % au premier semestre 2021) ;
  • la part des personnes de 25 ans ou moins augmente légèrement (24 % au premier semestre 2022 contre 21 % au premier semestre 2021) ;
  • la part des bénéficiaires de la CMU complémentaire a atteint 8,5 % au premier semestre 2022, contre 7 % jusqu'au second semestre 2020. Cette proportion reste faible ; 
  • la part des personnes résidant dans des communes de plus petite taille ou en zone rurale a augmenté ; de façon concomitante, on note une diminution de la part des personnes résidant dans des zones urbaines de 200 000 habitants et plus. Ainsi, la part des utilisateurs résidant à Paris et en petite couronne a poursuivi sa baisse, au profit de certaines régions (notamment Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire) et de la grande couronne parisienne. 

Modalités d'utilisation sur le long terme

En juillet 2022, le GIS EPI-PHARE a publié une étude mettant en avant l'importance de l'observance sur l'efficacité de la PrEP. Cette efficacité s'élève à 93 % si l'observance est bonne, mais s'effondre à 18 % en cas de sous-consommation de la PrEP ou d'interruption de ce traitement prophylactique (cf. notre article du 19 juillet 2022).  

Selon le nouveau rapport publié le 29 novembre 2022, le taux de maintien de la PrEP d'un semestre à l'autre atteint 90 % depuis le second semestre 2020 (contre 80 % auparavant). Cependant, ce taux de maintien semble s'être tassé au second semestre 2021 (semestre le plus récent pour lequel les auteurs disposaient d'informations complètes sur les délivrances dans les 6 mois suivant l'initiation, au moment de la rédaction du rapport) : 

  • le nombre moyen de délivrances de PrEP dans les 6 premiers mois suivant l’initiation est légèrement en baisse ;
  • un quart des utilisateurs (26 %) n'a eu aucun renouvellement dans les 6 mois suivant l'initiation (contre 21 % au cours du premier semestre 2021).

Dépistage du VIH en France : en amélioration, sans atteindre les seuils antérieurs à la pandémie

Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) [4, 5] du 29 novembre 2022 consacre trois articles à l'infection par le VIH, dont le dépistage. Les données de dépistage décrites proviennent du Système national des données de santé (SNDS) et concernent les bénéficiaires de 15 ans et plus. 

Données de dépistage VIH en 2021 et profil des personnes dépistées

Les principaux enseignements de cette analyse sont les suivants :

  • en 2021, le taux de dépistage du VIH s'élevait à 70,7 pour 1 000 habitants (1 000 personnes de 15 ans et plus). Ce taux est meilleur qu'en 2020, mais il a perdu 4 % par rapport à 2019 (taux avant pandémie) [cf. Figure 2] ;
  • le taux de dépistage du VIH, comme les taux de dépistage d'autres infections sexuellement transmissibles (IST), est plus élevé chez les femmes (63 % des sérologies réalisées). Du reste, la baisse du taux de dépistage est plus marquée chez les hommes ;
  • la majorité des dépistages était réalisée chez les 26-49 ans. Entre 2019 et 2021, la baisse du taux de dépistage a été plus marquée chez les moins de 26 ans.

Figure 2 - Taux de dépistage des infections à VIH (pour 1 000 personnes de 15 ans et plus), France, 2014-2021

Santé publique France relance sa campagne pour promouvoir le dépistage VIH

Bien qu'ayant augmenté par rapport à 2020, le taux de dépistage du VIH n'a donc pas retrouvé le niveau de 2019, témoignant d'une rupture dans la dynamique de dépistage en France suite à la pandémie de Covid-19 (le taux de dépistage avait augmenté régulièrement entre 2014 et 2019). 

Devant ce constat, Santé publique France a annoncé la rediffusion de la campagne « Vivre avec le VIH, c'est d'abord vivre », destinée à inciter au dépistage et à lever les freins structurels, organisationnels ou émotionnels. Cette campagne est diffusée dans la presse et sur les réseaux sociaux.

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