De 15 à 20 minutes d'exposition au soleil par jour.
La vitamine D3 ou cholécalciférol OH est en réalité une hormone issue principalement de la photosynthèse.
Ses métabolites actifs sont indispensables à l’absorption du calcium et à la minéralisation osseuse.
Le dosage de vitamine (OH)D3, trop largement prescrit, n’est utile que pour diagnostiquer une carence responsable de rachitisme chez l’enfant et d’ostéomalacie chez l’adulte.
La supplémentation indiquée chez les sujets à risque d’ostéopathie fracturaire peut se faire sans le support du dosage.
La vitaminothérapie est également indiquée dans l’insuffisance rénale chronique et l’hypoparathyroïdie.
La vitamine D est une vitamine liposoluble indispensable à l’absorption du calcium alimentaire et qui participe au maintien de l’homéostasie du calcium et du phosphore, et à la minéralisation des tissus (os, cartilage et dents) pendant et après la croissance.
Elle occupe une place à part dans le petit monde des vitamines. Tout d’abord parce que ce n’est pas une vitamine, mais une hormone. Ensuite parce que son apport alimentaire est accessoire puisqu’elle est très majoritairement synthétisée au niveau de la peau sous l’influence des rayons ultraviolets (cf. Encadré 1).
- L’exposition au soleil : 15 à 20 minutes en fin de matinée ou dans l’après-midi suffisent ; - La consommation d’aliments riches en vitamine D contribue à hauteur de 15 à 30 % des besoins : poissons gras, produits laitiers enrichis en vitamine D, jaune d’œuf, abats (notamment le foie) et dans une moindre mesure le beurre et la viande. La référence nutritionnelle pour la population (RNP) est de 15 microgrammes par jour (µg/j) pour les adultes alors que les apports des Français seraient < 5 µg/j. |
Sa carence reste un problème de santé publique dans les pays où l’exposition solaire est insuffisante. Les supplémentations aux âges précoces et avancés de la vie ne souffrent d’aucune discussion et permettent de lutter contre le rachitisme, l’ostéomalacie et, accessoirement, l’ostéoporose.
Cependant, la mise au point du dosage plasmatique du métabolite hépatique de la vitamine D, la 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D], a conduit à établir des normes discutables à l’origine de supplémentations parfois abusives.
Parce que la vitamine D (qui devrait plutôt être désignée sous le nom de cholécalciférol) possède des récepteurs dans plusieurs tissus extraosseux, de nombreux travaux observationnels et expérimentaux ont en effet contribué à promouvoir son dosage et à favoriser les supplémentations quasi systématiques pour prévenir diverses pathologies chroniques.
Par ailleurs, rappelons que pour être active, la vitamine D alimentaire ou issue de la photosynthèse doit être transformée en 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D] au niveau hépatique, puis en 1,25 dihydroxyvitamine D dans le rein, ce qui suppose un état fonctionnel satisfaisant de ces organes (cf. Figure).
Figure - Métabolisme de la vitamine D3 (cholécalciférol) de la photosynthèse à la conversion en métabolites actifs
La vitamine D2 ou ergocalciférol provient de quelques végétaux et suit le même chemin métabolique.
Quid de la vitaminothérapie D préventive ?
En ces temps où il existe une véritable « vitamino D mania », il n’est pas vain de s’interroger sur la juste place de la prévention. Si la carence profonde en vitamine D, responsable de rachitisme chez l’enfant, d’ostéomalacie chez l’adulte et de douleurs musculaires diffuses, justifie l’administration de vitamine D, qu’en est-il d’autres situations cliniques qui ont été associées à un déficit vitaminique ?
Que penser des indications non-« classiques » de supplémentation visant à prévenir des maladies chroniques sur la foi d’études observationnelles et expérimentales ayant suggéré l’existence d’effets potentiellement préventifs de la vitamine D sur l’incidence des maladies cardiovasculaires, du diabète, du déclin cognitif lié à l’âge, des pathologies infectieuses et même de certains cancers… non confirmés par les études d’intervention. À ce jour, il n’a pas été mis en évidence de bénéfice de la supplémentation en vitamine D par rapport à un placebo dans ces situations.
Que penser également des effets de la vitamine D sur le risque fracturaire en l’absence de facteurs de risque ? Il a ainsi été rapporté qu’une supplémentation en vitamine D d’au moins 20 µg/j (800 UI), habituellement associée à du calcium, réduisait le risque de fractures non vertébrales chez les patients de plus de 65 ans [1] et de chutes chez les personnes de plus de 70 ans. Mais, plus récemment, il a été au contraire mis en évidence que la supplémentation en vitamine D ne diminuait pas le risque de fracture chez des adultes et des sujets âgés non à risque [2].
L’un des arguments majeurs pour justifier une supplémentation en vitamine D est fourni par les résultats des dosages plasmatiques de la 25(OH)D [3]. Malheureusement, il est difficile d’établir des recommandations précises sur cette base, car les dosages sont conditionnés par la période de prélèvement, estivale ou hivernale, par la zone géographique d’ensoleillement, sans omettre le fait qu’ils varient d’un laboratoire à l’autre.
Il reste qu’un statut vitaminique D optimal est nécessaire en cas de risque d’ostéopathie fracturaire (cf. Tableau 1) ou dans quelques situations à risque de complications par déficit en vitamine D (cf. Tableau 2).
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Qu’est-ce qu’un « statut optimal » en vitamine D ?
Le statut vitaminique D normal défini par la concentration sérique de 25(OH)D est difficile à préciser puisqu’il est susceptible de varier en fonction de l’ensoleillement (été/hiver) et de la latitude. Mieux vaudrait parler de valeurs « souhaitables » ou « recommandées » plutôt que de valeurs « normales » ou « de référence ».
Les experts ont néanmoins fixé des seuils à partir desquels apparaissent des effets délétères en se fondant, chaque fois que cela était possible, sur des études d’intervention.
La concentration maximale de 25(OH)D à ne pas dépasser est située entre 50 et 60 ng/mL, taux suffisamment éloigné de la concentration maximale associée à une possible intoxication à la vitamine D (150 ng/mL).
Les valeurs seuil de carence et de déficit retenues sont fondées sur des avis de groupes d’experts [4] :
- la carence est définie par une concentration < 10 ng/mL
- les valeurs seuils définissant un déficit étant moins consensuelles, il est important de faire la différence entre les recommandations qui concernent la population générale et celles qui concernent la prise en charge des sujets à risque d’ostéopathie : le seuil est < 20 ng/mL pour les premiers et de < 30 ng/mL pour les seconds.
Si le débat demeure entre les experts, le seuil de 20 ng/mL paraît raisonnable faute de quoi plus de 80 % de la population « normale » française se retrouverait déficitaire ! À titre indicatif, environ 40 % des Français ont une concentration de 25(OH)D inférieure à 20 ng/mL et 80 % inférieure à 30 ng/mL.
Lorsqu’il y a un doute, le bilan biologique peut être complété par les dosages de la calcémie, de la phosphorémie, de la parathormone et des phosphatases alcalines.
En pratique, il est inutile de doser la 25(OH)D chez les personnes qui n’ont pas de pathologie directement en liaison avec le métabolisme phosphocalcique ou osseux et chez des sujets adultes exempts de toute pathologie hépatique, rénale ou intestinale qui s’exposent normalement au soleil.
La multiplication des dosages de vitamine D non argumentés par une situation à risque ou une pathologie a conduit la Haute Autorité de santé à restreindre considérablement les indications du dosage de la vitamine D (cf. Encadré 2). Il n'y a pas d'indication pour ce dosage dans les bilans systématiques. En cas de risque avéré, une supplémentation en vitamine D peut aussi être prescrite sans le support d’un dosage comme dans l’ostéoporose avérée, l’ostéomalacie, l’insuffisance rénale de grade 3 et, bien sûr, dans l’hypoparathyroïdie, mais mieux vaut évaluer le risque par un dosage initial.
En dehors de ces six situations, il n’y a pas d’utilité prouvée à doser la vitamine D. Une supplémentation en vitamine D peut ainsi être instaurée et suivie sans dosage de la vitamine D. |
Modalités de la supplémentation préventive chez l’adulte
L’offre de la supplémentation en vitamine D est diverse :
- administration quotidienne de petites doses de vitamine D (parfois sous forme d'une association calcium-vitamine D) ;
- ou bien administration intermittente possible en raison de la demi-vie longue de la 25(OH)D (mensuelle, trimestrielle ou semestrielle) à des doses comprises entre 50 000 et 200 000 UI de vitamine D3.
L’administration intermittente est préférable, car elle favorise l’observance et maintient un taux vitaminique plus stable.
La prescription d’une supplémentation calcique quotidienne est nécessaire si les apports calciques alimentaires sont insuffisants.
Exemple de protocole de correction d’un déficit en vitamine D
À titre d’exemple, il est possible de suivre le protocole de correction d’un déficit en vitamine D en assurant un apport calcique ≥ 1 g/j, selon le résultat du dosage de vitamine (d’après [5]).
- Taux sériques < 20 ng/mL (population générale) ou < 30 ng/mL chez les personnes à risque :
- 50 000 UI/semaine pendant 4 à 8 semaines ;
- 50 000 UI/semaine pendant 4 à 8 semaines ;
- Protocole d’entretien après correction du déficit :
- 50 000 UI par mois pendant 3 à 6 mois ;
- 50 000 UI par mois pendant 3 à 6 mois ;
- Nouveau dosage 1 semaine après la fin du traitement ;
- Dose réajustée selon le nouveau résultat du dosage de vitamine D après 3 à 6 mois :
- de 50 000 UI à 100 000 UI/mois ;
- de 50 000 UI à 100 000 UI/mois ;
- Si vitamine D > 60 ng/mL, espacer les doses : 50 000 UI tous les 2 mois ;
- Intensification de la supplémentation :
- sujet à peau très foncée,
- absence d’exposition estivale,
- obésité,
- régime carencé (vegan).
La supplémentation chez l’enfant
Il est recommandé de procéder à une supplémentation quotidienne en vitamine D chez l’enfant sain de 0 à 18 ans autant pour prévenir le rachitisme, maladie historiquement liée au paupérisme et au déficit d’ensoleillement dans les villes industrielles, que pour assurer une croissance osseuse optimale.
Les nouvelles recommandations préconisent une dose supérieure à 400 UI sans dépasser 800 UI/j. Ces doses sont doublées chez l’enfant âgé de 2 à 18 ans présentant un apport alimentaire limité en vitamine D (alimentation végétalienne) ou une biodisponibilité diminuée (obésité, par exemple).
En cas de non compliance à la supplémentation quotidienne les experts préconisent, chez les enfants âgés de 2 à 18 ans, une supplémentation trimestrielle en vitamine D3 à hauteur de 50 000 UI ou une supplémentation en deux prises (en automne et en hiver) de 80 000 à 100 000 UI [6].
Vitaminothérapie D à visée thérapeutique [7]
La carence en vitamine D provoque une altération de la minéralisation des os du fait d’une absorption réduite du calcium et du phosphore alimentaires et nécessite une vitaminothérapie curative. Elle se manifeste par :
- le rachitisme chez les enfants : le rachitisme carentiel survient à des concentrations sériques de 25(OH)D inférieures à 10 ng/mL ;
- l'ostéomalacie (décalcification osseuse) chez les adultes : cette ostéopathie métabolique étendue à l’ensemble du squelette correspond à un défaut de minéralisation osseuse conduisant à une accumulation de tissu ostéoïde. Le tissu osseux devient fragile et le risque de fracture important. L’ostéomalacie se manifeste par des douleurs osseuses diffuses et une difficulté à la marche liée à une faiblesse musculaire.
D’autres pathologies relèvent aussi d’un traitement par la vitamine D :
- le rôle de la vitamine D est clairement établi dans les complications osseuses de l’insuffisance rénale chronique où la prévalence du déficit en vitamine D est particulièrement élevée. L’ostéodystrophie rénale qui correspond à un remodelage osseux élevé et à une ostéomalacie fréquente chez les sujets dialysés en raison de la mauvaise absorption calcique par déficit de la 1α-hydroxylation rénale de la vitamine D est la conséquence de profondes perturbations du métabolisme phosphocalcique. La prévention, à un stade précoce d’insuffisance rénale, et le traitement visent à maintenir l’absorption calcique en administrant de la vitamine D ou ses dérivés 1α-hydroxylés (cf. Tableau 3) et à réduire l’absorption du phosphore alimentaire par des chélateurs.
- l’hypoparathyroïdie : le traitement classique de l’hypoparathyroïdie consiste en une supplémentation vitamino-calcique, l’injection de parathormone recombinante n’étant à envisager qu’en cas de mauvais contrôle sous traitement conventionnel. Les formes actives de vitamine D, 1,25(OH)2D3 ou 1α(OH)D3 sont à privilégier [8].
Vitamine D | Doses habituelles |
Calcitriol 1,25(OH)2D3 | 0,25 - 2 µg 1 à 2x/j |
Alpha-calcidol 1α(OH)D3 | 0,5 - 4 µg 1x/j |
Vitamine D3 cholécalciférol (solution buvable) | 25 000 - 100 000 U/j |
Vitamine D2 ergocalciférol (solution buvable) | 50 000 - 200 000 U/j |
Toxicité de la vitamine D
La mise à disposition de dosages de la vitamine D en routine a suscité un engouement qui s’est traduit par une surprescription de ces dosages en corollaire avec la surprescription de vitamine D.
L’intoxication à la vitamine D, vitamine liposoluble, est secondaire à une supplémentation quotidienne à des doses trop élevées (notamment des posologies excessives ou des erreurs de prises de gouttes).
Elle se manifeste par une hypercalcémie entraînant une altération de l’état général (anorexie, fatigue, perte de poids), des nausées, une polyurie, une constipation, des céphalées, un syndrome dépressif, des calcifications rénales (néphrocalcinose) et vasculaires. Sévère et durable, elle conduit à une insuffisance rénale irréversible.
N.B. : L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec la teneur de ce texte.
Lorsqu'un traitement de carence en vitamine D est indiqué, le dosage de contrôle est indispensable car il permet d'adapter la posologie de la supplémentation au besoin du patient. Le contrôle du taux de vitamine D corrigé du patient permet de s'assurer qu'il est bien dans la fenêtre thérapeutique et qu'il ne présente pas d'hypervitaminose.
Un autre point essentiel est que la prescription de la supplémentation en vitamine D doit s'accompagner d'une bonne hydratation. Dans la bonne pratique il faut mentionner la mention " bien s'hydrater" sur l'ordonnance de la supplémentation en vitamine D.
Les besoins en vitamine D sont variables d'un individu à l'autre. Le poids, la masse osseuse, l'exposition solaire sont des facteurs de variabilités entre les individus. Ces variables influencent les besoins en vitamine D. La posologie doit être adaptée à chaque individu et le contrôle du dosage est indispensable.
Réponse du Pr Schlienger
Bonjour
Il est effectivement souhaitable mais non indispensable de doser la vitamine D lors de la substitution d’une carence caractérisée, mais le risque de surdosage est exceptionnel si on s’en tient aux posologies citées dans le tableau 1. Il n' y a pas de mesures d’hydratation au-delà de ce qui est habituellement conseillé pour tout un chacun. En cas de doute, un dosage de la calcémie est utile.
Les variables citées, à l’exception de l’ensoleillement et du statut enfant/adulte n’ont que peu d’impact sur les besoins en vitamine et donc sur la posologie. L’hypervitaminose redoutée est surtout la conséquence d’automédication et d’erreur de posologie (risque particulier des gouttes chez la personne âgée). Là aussi le dosage de la calcémie peut servir d’alerte ou de guide.
cordialement.
Avec respect et humilité vous exposez ici une contre vérité. La vitamine D n'est pas trop largement dosée et bien au contraire ! La carence en vitamine D est en lien direct avec le développement de nombreuses pathologies osteoarticulaires de l'enfant et de l'adulte et elle provoque une immunodépression. Le traitement des carences spécialement en vitamine D est un objectif majeur de santé publique. Pour l'amélioration des pratiques et une prise en charge pertinente des patients le dépistage de la carence en vitamine D doit être largement indiqué et proposé aux patients. Avec éthique le développement d'une méthode de dosage non invasive de la vitamine D est un enjeu majeur pour la recherche biomédicale.
Avec respect et cor
Réponse du Pr Schlienger
Bonjour
En accord avec l’expertise de la HAS je maintiens que le dosage de la vitamine D est galvaudé et qu’il n’a pas sa place dans un bilan de dépistage. Il n’y a à ce jour aucune démonstration de l’intérêt d’un dépistage. Les études randomisées contrôlées effectuées dans divers domaines notamment cardiovasculaire ou métabolique ne sont pas parvenues à montrer un effet significatif sur la morbi-mortalité, l’incidence du diabète ou des maladies infectieuses. En revanche la prophylaxie a fait ses preuves dans les situations à risque que sont la petite enfance et l’enfance, les grossesses multiples, les maladies malabsorptives, l’insuffisance rénale (la vitamine D est un traitement incontournable de l’IR sévère et contribue à prévenir l’hyperparathyroïdie secondaire) et l’anhélie (personnes âgées institutionnalisées). L’effet sur l’immunomodulation est une donnée expérimentale qui n’a pas trouvé d’application en clinique de routine. A titre d’exemple, l’emploi de la vitamine D pour prévenir les formes graves de Covid s’est avéré être un échec.
cordial
Bonjour,
En préambule, il est écrit : "Le dosage de vitamine (OH)D3, (...), n’est utile que pour diagnostiquer une carence responsable de rachitisme chez l’enfant et d’ostéomalacie chez l’adulte." Or, plusieurs lignes plus bas, vous écrivez également : "Exemple de protocole de correction d’un déficit en vitamine D À titre d’exemple, il est possible de suivre le protocole de correction d’un déficit en vitamine D en assurant un apport calcique ≥ 1 g/j, selon le résultat du dosage de vitamine (d’après [5])."... donc il serait cohérent de préciser que ce dosage est également utile dans la conduite du traitement.
Bien cordialement.
Réponse du Pr Schlienger
Bonjour
Dont acte. Mon message est de rappeler que le dosage de la vitamine D est rarement justifié en dehors de risques et de pathologies spécifiques. Ceci dit une surveillance de la vitaminémie peut être admise dans un protocole de supplémentation, mais la calcémie suffit bien souvent à se faire une opinion si, l’on craint un surdosage.
cordialement