#Santé #Nutrition et équilibre alimentaire

Nutrition et ostéoporose : premières recommandations françaises

Des recommandations qui permettent de répondre précisément aux interrogations des patients en matière de nutrition pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose viennent d'être publiées.

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Deux à trois produits laitiers par jour et des apports protéiques suffisants.

Deux à trois produits laitiers par jour et des apports protéiques suffisants.

Résumé

Le régime méditerranéen, des protéines de haute qualité (1-1,2 g/kg/j) et du calcium (2-3 produits laitiers/j) sont recommandés.

Les régimes occidentaux déséquilibrés, végétaliens (végans), et hypocaloriques chez des personnes non obèses, sont déconseillés. Ils nécessitent, le cas échéant, le calcul des apports calciques quotidiens et une supplémentation si besoin.

Le café (3 tasses par jour) et le thé ne semblent pas délétères (possible effet bénéfique osseux du  thé).

Une consommation quotidienne de sodas, ou d'alcool en grande quantité, est néfaste pour la santé osseuse.

Le soja (phytoestrogènes) et les préprobiotiques sont intéressants, mais les études manquent.

La nutrition joue un rôle important dans la prévention et le traitement de l’ostéoporose.

Le Groupe de recherche et d'information sur les ostéoporoses (GRIO) et la Société française de rhumatologie (SFR) viennent d’élaborer les premières recommandations nutritionnelles françaises concernant l’ostéoporose. 

À partir des problématiques de pratique quotidienne les plus fréquentes et en s’appuyant sur la littérature scientifique (études mesurant l’impact nutritionnel sur la densité minérale osseuse [DMO] et le risque fracturaire, et méta-analyses), un groupe d’experts (dix rhumatologues, deux nutritionnistes, un gériatre, un patient partenaire) a sélectionné quinze questions qui ont donné lieu à quinze recommandations nutritionnelles pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose (méthodologie de la Haute Autorité de santé [HAS]). Les recommandations ou assertions qui suivent (à recommander/à éviter) ont été obtenues avec les niveaux de preuve suivants : 

  • présomption scientifique (B) ;
  • faible niveau de preuve (C) ;
  • ou par consensus formalisé (en cas de carence bibliographique).

Alimentation et nutriments à recommander

Régime méditerranéen

Le régime méditerranéen, encore appelé régime crétois, consiste en un apport en fruits et légumes, légumineuses, céréales, huile d’olive, produits laitiers (1-2/j), poisson, viande de façon occasionnelle. Ce régime varié et équilibré est bon pour la santé, car il est notamment riche en antioxydants, en fibres, en oméga-3, essentiels au bon fonctionnement cardiovasculaire et mental.

Une méta-analyse (351 625 personnes) a confirmé les bénéfices osseux du régime méditerranéen : augmentation de la DMO au rachis lombaire, au col fémoral, à la hanche totale et baisse du risque de fracture de hanche (- 21 %) si l'adhésion à ce régime est élevée [1].

Deux à trois produits laitiers par jour

Les recommandations nutritionnelles françaises du Programme national nutrition santé 2019-2023 (PNNS-4) sont de deux produits laitiers par jour (lait, yaourt, fromage blanc).

Les apports calciques préconisés en 2021 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sont de 950 mg par jour (apport nutritionnel conseillé  [ANC]) chez l’adulte de 25 à 65 ans.

Le groupe de travail recommande deux à trois produits laitiers journaliers, ce qui permet un apport en calcium (Ca++) d’environ 1g/j (150-200 mg/portion), mais aussi un apport en protéines et en nutriments (phosphore, vitamines, préprobiotiques, lipides…). Par ailleurs, le lactosérum (petit-lait) est riche en leucine.

Les principales sources alimentaires de calcium sont les produits laitiers (fromages à pâte pressée cuite, lait, yaourt, fromage blanc), les légumineuses, les fruits à coque (amandes), les fruits de mer, les produits céréaliers et certains légumes (choux, blettes, épinards…).

Le calcium des produits laitiers est inclus dans une matrice nutritionnelle (« effet matrice ») favorisant son absorption et qui a ses propres effets bénéfiques sur l’os (protéines, vitamines D, K…).

Une méta-analyse récente a montré l’effet bénéfique de la consommation de produits laitiers sur la DMO (rachis, col fémoral, hanche totale) [2]. De plus, une étude interventionnelle randomisée, prospective, en maison de retraite, a montré une baisse :

  • de l’incidence des fractures : - 33 % (toutes fractures) et - 46 % (fractures de hanche) ;
  • des chutes (- 11 %) ;

dans le groupe de résidents ayant augmenté leurs apports calciques en consommant en moyenne 3,5 produits laitiers/jour (au lieu de 2) comparativement aux résidents n'ayant pas modifié leur alimentation. Les résultats semblent plus marqués avec les produits fermentés (yaourt, fromages) [3].

Il n’y a pas de publication ayant évalué les laits de brebis ou de chèvre.

Avec un apport de 1g de Ca++/j, le profil lipidique est favorable, il n’y a pas d’effet délétère cardiovasculaire, voire un effet bénéfique (en particulier avec les produits laitiers fermentés).

Un apport de 800-1 200 mg de calcium par jour n’entraîne pas de surrisque lithiasique.

La consommation en fromage doit rester modérée, car les fromages sont caloriques et salés, l'excès de sel favorisant la fuite urinaire calcique

L’intérêt des eaux minérales riches en calcium

Les eaux minérales riches en calcium (250-300 mg Ca++/L) offrent un apport calcique intéressant. La biodisponibilité du calcium dans les eaux minérales est équivalente à celle du calcium des produits laitiers (en particulier les eaux riches en bicarbonates). Mais, attention aux apports sodés (risque d’hypercalciurie). Et, contrairement aux produits laitiers, les eaux minérales ne contiennent pas de protéines. Chez les patients atteints d'ostéoporose, ou dans le cadre de la prévention de l'ostéoporose, le groupe d’expert recommande les eaux minérales riches en calcium si la consommation quotidienne de produits laitiers n'est pas suffisante pour atteindre des niveaux optimaux d'apport calcique.

Des apports protéiques suffisants

Les apports protéiques de l’adulte doivent être suffisants (0,83 g/kg/j), car ils sont bénéfiques à la santé osseuse et musculaire (rôle de l’IGF1 [Insulin-Like Grow factor1]). Pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose, après la ménopause et chez les personnes âgées, un apport de 1 à 1,2 g/kg/j est préconisé en privilégiant les protéines animales de haute qualité, c’est-à-dire riches en leucine (produits laitiers, viande, poisson, œufs : 20-30 g/repas) et le soja.

Les protéines ont un effet bénéfique sur la DMO rachidienne, avec une baisse du risque fracturaire à la hanche chez les personnes âgées ostéoporotiques (de - 11 à - 16 %) si l’apport calorique est adapté et le taux de calcium /vitamine D satisfaisant.

Une alimentation acidifiante (riche en protéines animales) ne modifie pas le pH systémique. La production endogène acide n’a pas d’impact osseux. Un taux élevé en protéines entraîne une hypercalciurie par élévation concomitante des apports calciques et de leur absorption intestinale sans affecter la balance calcique. En l’absence d’insuffisance rénale, de carence vitamino-calcique, il n’y a pas de lien entre acidose et ostéoporose.

Alimentation et boissons à éviter

Régime occidental déséquilibré

Un régime occidental déséquilibré (Western Diet) est principalement caractérisé par un apport important en boissons gazeuses, sucres, céréales raffinées, viande rouge, produits transformés. Il est carencé en fruits, légumes, poissons et produits laitiers.

Une méta-analyse (122 061 personnes) a confirmé que pour ce type de régime, la DMO est plus basse et le risque fracturaire plus élevé chez les hommes (augmentation de 10 %) comparativement à un régime méditérranéen [4].

Régimes végétalien (végan) et végétarien

Le régime végétarien exclut les aliments issus de la chair animale, mais pas les produits laitiers et les œufs (contrairement au régime végétalien).

Une méta-analyse (37 134 participants - sans ajustement sur le poids, les apports calciques et protéiques) a confirmé que la DMO est plus basse (rachis et col fémoral) et le risque fracturaire plus élevé chez les végétariens (augmentation de 25 % du risque de fracture de hanche) et les végans (augmentation du risque fracturaire de 44 %) que chez les omnivores. Dans cette même étude, la DMO était plus basse chez les végétaliens que chez les végétariens [5].

Dans d’autres travaux, après ajustement des apports calciques, protéiques, seuls les végans avaient un risque fracturaire augmenté. Une supplémentation vitamino-calcique permet de limiter ce surrisque.

Une mesure précise des apports calciques quotidiens (GRIO : outil de calcul en ligne) est donc recommandée en cas de régimes d’exclusion (cf. Schéma). Une alimentation quotidienne enrichie en calcium, éventuellement au moyen d'une eau minérale riche en calcium ou une supplémentation médicamenteuse calcique peuvent être proposées en cas de carence calcique.

Schéma - Exemples d'apports calciques (GRIO)

Régime hypocalorique

Un régime hypocalorique chez une personne qui n’est pas en surpoids n’est pas recommandé à cause de la perte osseuse que ce régime peut induire.

Quand une restriction calorique est envisagée en cas de surpoids, il est nécessaire de surveiller les apports vitamino-calciques et l’activité physique.

Sodas, alcool

La consommation quotidienne de sodas (1-2/j) est néfaste pour la santé osseuse. De même une consommation importante et quotidienne d’alcool est délétère pour l'os. Elle est associée à une DMO plus basse, à un risque fracturaire et à un risque de chutes plus élevés.

Un impact osseux non démontré

Café, thé

Il n’y a pas d’effet délétère osseux du café à doses modérées (3 tasses/j).

Pour le thé, les résultats récents semblent en faveur d’un effet bénéfique (polyphénols/catéchines) en termes de DMO et de réduction du risque fracturaire.

Phytoestrogènes (aliments, compléments à base de soja)

Le soja (haricots, produits dérivés : yaourt, tofu, jus de soja…) est une source majeure d’isoflavones (famille des phytoestrogènes ou estrogènes végétaux), comparables à l’estradiol.

Les apports alimentaires en soja semblent avoir un bénéfice osseux chez les femmes asiatiques dans des conditions de consommation habituelles pour cette population.

En Occident, les données sont encore insuffisantes et les différences importantes entre les femmes asiatiques et occidentales excluent la possibilité d’une transposition des effets de l’une à l’autre de ces populations pour proposer une supplémentation (alimentation à base de soja ou de compléments alimentaires de soja) en préventif ou curatif.

Par ailleurs, l’Anses a récemment rappelé que l’apport en phytoestrogènes :

  • aliments à base de soja (tonyu, miso, tofu, jus, yaourts, desserts au soja) ;
  • compléments alimentaires (phytoestrogènes purs ou extraits de plantes en contenant) ;
  • et aliments enrichis ;

doit être prudent (limiter la consommation quotidienne à 1 mg/kg de poids corporel), et déconseillé aux femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein.

Préprobiotiques

Le rôle du microbiote sur la santé osseuse est probable. La recherche foisonne, mais la diversité des préprobiotiques rend la littérature éparse. Les prébiotiques (oligosaccharides) peuvent avoir un effet bénéfique (et modeste) sur la balance calcique, mais les études sont insuffisantes pour évaluer l'impact osseux. Certains probiotiques pourraient avoir un effet bénéfique sur l’absorption calcique et diminuer (modestement) la perte osseuse ; il semble cependant prématuré de les proposer.

Aliments enrichis en vitamine D

Le recours à une supplémentation médicamenteuse en vitamine D est souvent nécessaire (l’alimentation ne couvrant que 20 % des besoins recommandés). La littérature concernant l’impact des aliments enrichis en vitamine D sur la DMO et sur les fractures est cependant limitée.

Boissons végétales enrichies 

La biodisponibilité du calcium issu des sources végétales est moins satisfaisante que celle provenant des produits animaux (calcium complexé aux acides phytiques ou oxaliques). De plus, les boissons  végétales (« jus ») ont une composition nutritionnelle différente de celle du lait : moins de calcium (si jus non enrichis) et moins de protéines (excepté le jus de soja). Au total, il n’y a pas d’arguments permettant de recommander la consommation de ces boissons pour la santé osseuse. 

Supplémentation vitaminique autre que la vitamine D 

Il n’existe pas de preuve solide.

Substituts hyperprotéinés / suppléments hypercaloriques

Leur utilisation n’est pas recommandée, sauf en cas de dénutrition ou de difficultés d’équilibre nutritionnel. 

 

Sources

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