L'anémie chez le sujet âgé est fréquente et augmente la morbi-mortalité.
L’impact d’une prise quotidienne d’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire en prévention secondaire ou primaire sur le risque d’anémie chronique et de carence en fer a été peu étudié, notamment à long terme et chez les personnes âgées. Or ces dernières sont particulièrement concernées par le risque d’anémie qui est augmenté dans cette population et le plus souvent en rapport avec une carence en fer (de 15 à 20 % des cas), la présence de comorbidités (notamment une insuffisance rénale) ou une inflammation (dans le cadre d’une maladie chronique par exemple).
D’où l’intérêt d’une analyse post-hoc de l’essai ASPREE (ASPirin in Reducing Events in the Elderly [1]) qui a étudié l’association entre une prise d’aspirine à dose antiagrégante (100 mg/jour), comparativement à un placebo, et la survenue d’une anémie (hémoglobine < 130 g/L chez l’homme et < 120 g/L chez la femme) chez des patients d’au moins 70 ans en bonne santé. L’hémoglobinémie était dosée tous les ans et la ferritinémie à l’inclusion puis trois ans après le tirage au sort.
Pour rappel, l’essai ASPREE est un large essai de prévention primaire en double aveugle, randomisé, contrôlé, mené aux États-Unis et en Australie, chez plus de 19 000 participants en bonne santé, non institutionnalisés, âgés d’au moins 70 ans ( > 65 ans ou plus pour les sujets d’origine hispanique ou afro-américaine).
Une ferritinémie et un taux d’hémoglobine plus bas sous aspirine que sous placebo
L’analyse a porté sur 18 153 personnes (9 047 dans le groupe aspirine). Le suivi médian était de 4,7 ans et près de 80 % des sujets ont été suivis pendant trois ans.
L'incidence de l’anémie était de 51,2 événements pour 1 000 années-personnes dans le groupe aspirine versus 42,9 événements pour 1 000 années-personnes dans le groupe placebo (Hazard Ratio : 1,20 ; intervalle de confiance à 95 % (IC95% [1,12-1,29]). La probabilité de présenter une anémie dans les cinq ans était de 23,5 % (IC95% [22,4%-24,6%]) chez les patients sous aspirine et de 20,3 % (IC95% [19,3%-21,4%]) sous placebo.
Dans le groupe placebo, l’hémoglobine a diminué de 3,6 g/L en moyenne sur cinq ans. La baisse du taux d’hémoglobine sous aspirine était plus marquée, de + 0,6 g/L (IC95% [0,36 g/L-1 g/L).
À trois ans, les sujets sous aspirine avaient plus souvent une ferritinémie < 45 µg/L que ceux sous placebo (13 % versus 9,8 %). La ferritinémie était globalement plus basse de +11,5 % (IC95% [9,3%-13,7%]) dans le groupe aspirine.
Ce travail ne fournit pas de données sur les causes de l'anémie. Cependant, cette dernière n’était pas liée aux épisodes d’hémorragies sévères.
Au total, dans ce travail, la prise d’aspirine à faible dose, chez les personnes âgées, en bonne santé, est associée à une augmentation du risque d’anémie et de baisse de la ferritinémie indépendamment d'une hémorragie symptomatique.
Une surveillance régulière de l'hémoglobine pourrait être judicieuse chez les seniors de plus de 65 ans, en bonne santé, prenant au long cours des petites doses quotidiennes d’aspirine afin de dépister une anémie et/ou une carence en fer.
[1] McNeil JJ et al. Effect of Aspirin On All-Cause Mortality in the Healthy Elderly. N Engl J Med., 2018; 379: 1519-1528. doi: 10.1056/NEJMoa1803955
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