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Fluoropyrimidines : rechercher un déficit en DPD avant de commencer le traitement

Les autorités de santé rappellent que le déficit en DPD, évalué par la mesure de l'uracilémie, doit être connu avant d'instaurer un traitement par fluoropyrimidines (5-FU ou capécitabine), conformément aux conditions de prescription et de délivrance.

David Paitraud 28 septembre 2023 Image d'une montre9 minutes icon Ajouter un commentaire
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En cas de déficit partiel en DPD, la posologie initiale des fluoropyrimidines doit être adaptée.

En cas de déficit partiel en DPD, la posologie initiale des fluoropyrimidines doit être adaptée.

Résumé

La direction générale de la Santé (DGS) a adressé un message DGS-Urgent aux professionnels de santé pour rappeler :

  • la relation entre le taux de l'enzyme dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) et le risque de toxicité associé aux fluoropyrimidines (spécialités à base de 5-fluorouracile ou de capécitabine) ; 
  • l'obligation de dépister un déficit en DPD par la mesure de l’uracilémie, avant d'instaurer une chimiothérapie comportant une fluoropyrimidine ;
  • la nécessité de mesurer le taux de DPD chez les patients ayant commencé un traitement par fluoropyrimidine, si cette recherche n'a pas été faite ;
  • l'obligation pour le prescripteur de mentionner sur l'ordonnance « résultats uracilémie pris en compte ». Cette mention est obligatoire pour toute délivrance d'un médicament de 5-FU ou de capécitabine ;
  • en l'absence de la mention « résultats uracilémie pris en compte » sur l'ordonnance, le médicament ne peut pas être délivré. Le pharmacien hospitalier ou d'officine (la capécitabine est disponible en ville) doit prévenir le prescripteur.

Ce rappel intervient alors que, selon l'enquête nationale de pharmacovigilance sur les fluoropyrimidines et trois autres études françaises, le respect des conditions de prescription et de délivrance (CPD) de ces médicaments apparaît insuffisant. Plus précisément, les données montrent que le dosage de l'uracilémie est de plus en plus pratiqué, mais pas systématiquement avant le début du traitement, alors que les CPD en vigueur conditionnent la prescription d'un médicament de 5-fluorouracile ou de capécitabine à la prise en compte des résultats de ce test. 

Dans un message DGS-Urgent du 21 septembre 2023 [1], la direction générale de la Santé (DGS) rappelle aux prescripteurs et aux pharmaciens les conditions de prescription et de délivrance (CPD) des chimiothérapies à base de fluoropyrimidines (5-fluorouracile et capécitabine - cf. Encadré 1), qu'elles soient utilisées seules ou en combinaison avec d’autres anticancéreux.

Encadré 1 - Spécialités de fluoropyrimidines injectables disponibles en France
Spécialités de 5-FU (5-fluorouracile)
Spécialités de capécitabine 

N.B. : La capécitabine est une prodrogue du fluorouracile. 

La recherche d'un déficit en DPD obligatoire avant d'instaurer le traitement 

Parmi les événements indésirables rapportés avec les fluoropyrimidines, certains sont directement liés à un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD). Cette enzyme intervient dans les mécanismes de dégradation des fluoropyrimidines. 

Le déficit peut être partiel (3 à 5 % des patients) ou total (entre 0,01 % et 0,5 % des patients).

Depuis 2018, la recherche systématique du déficit en DPD est recommandée chez tous les patients dont l'activité en DPD n’est pas connue et devant recevoir une chimiothérapie contenant des fluoropyrimidines (cf. notre article du 13 février 2018). Ce dépistage s'appuie sur la mesure de l'uracilémie [2] : 

  • une uracilémie ≥ 150 ng/mL est évocatrice d'un déficit complet en DPD ;
  • une uracilémie comprise entre 16 ng/mL et 150 ng/mL est évocatrice d'un déficit partiel en DPD.

Ce dépistage est devenu obligatoire en France en 2019 avec la mise en place de nouvelles modalités de prescription et de délivrance (CPD) de ces médicaments (cf. notre article du 9 mai 2019) : 

  • le prescripteur mentionne « Résultats uracilémie pris en compte » sur l'ordonnance ;
  • le pharmacien s'assure de la présence de cette mention avant toute dispensation. La dispensation ne peut aboutir en l'absence de précision concernant le test. 

Pour aider les professionnels de santé à la mise en œuvre de ces mesures de réduction des risques, des pop-up d'alerte ont été développés dans les logiciels métiers (cf. notre article du 29 septembre 2021).

Des données de pharmacovigilance confortent cette recherche

Un récent rapport de l’enquête de pharmacovigilance sur les fluoropyrimidines (cf. Encadré 2) [3, 4] confirme l'intérêt de rechercher un déficit en DPD pour prévenir les effets indésirables toxiques de ces médicaments. Depuis 2020, aucun cas « évitable » de décès ou de mise en jeu du pronostic vital n’a été identifié chez des patients traités par une fluoropyrimidine et non dépistés pour le déficit en DPD. 

En outre, ce rapport souligne l'augmentation importante du nombre de tests de dépistage d'un déficit en DPD au cours des dernières années, de l'ordre de 65 000 par an en 2021 et 2022 contre environ 6 500 tests annuels avant février 2018. 

Encadré 2 - Méthodologie de l'enquête nationale de pharmacovigilance sur les toxicités graves des fluoropyrimidines en lien avec un déficit en DPD

L'enquête de pharmacovigilance sur les fluoropyrimidines a pour objectif de suivre l’évolution de la notification d’effets indésirables de type « toxiques » ayant un critère de gravité (mise en jeu du pronostic vital ou décès), et imputables aux fluoropyrimidines dans un contexte de déficit en DPD.

Un ensemble de données est pris en compte dans le rapport de l'enquête : 

  • les données de vente des spécialités de 5-fluorouracile et de capécitabine via le groupement d'intérêt scientifique GIS EPI-PHARE ;
  • les données sur la recherche du déficit en DPD au niveau national via les réseaux de laboratoires de biologie médicale ;
  • les données de remboursement de capécitabine (seul à être remboursable en ville) et de test d'uracilémie, à partir du Système national des données de santé (SNDS) ;
  • et les données de pharmacovigilance (cas graves de décès ou mise en jeu du pronostic vital) transmis par les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022.

Le cinquième rapport publié le 26 septembre inclut également une analyse de synthèse des cas notifiés depuis la mise en place du dépistage systématique en 2019.

Un respect insuffisant des règles de prescription et de délivrance

Néanmoins, si le recours au test d'uracilémie s'est largement développé depuis quatre ans, les conditions de prescription et de délivrance (CPD) des médicaments à base de fluorouracile semblent encore insuffisamment respectées. Les données suivantes suggèrent en effet que la recherche d'un déficit en DPD intervient tardivement, c'est-à-dire après l'initiation du traitement, contrairement à ce qui est prévu par les CPD mises en place en 2019 :

  • selon les données de remboursement issues du SNDS [4] : certains patients ont effectué le dosage de l’uracilémie soit le jour de la dispensation de capécitabine, soit postérieurement à cette dispensation ;
  • selon les résultats de trois études monocentriques françaises [5, 6, 7] mesurant l'application de l'obligation de dépistage du déficit en DPD : le dosage de l'uracilémie semble effectué chez la quasi-totalité des patients concernés, mais pas systématiquement avant le traitement conformément aux recommandations : « la part de patients chez qui le résultat du test d'uracilémie est disponible avant la première dose de traitement varie de 21 % à 72 % selon les centres, sur des données disponibles entre 2019 et 2021 ».

Dans son message du 21 septembre 2023, la DGS rappelle que « depuis avril 2019, l'obtention du résultat du dépistage d'un déficit en DPD par la mesure de l’urcilémie (phénotypage) est réglementairement obligatoire avant toute initiation d’un traitement par fluoropyrimidines ». Cette obligation s'applique :

  • aux nouveaux patients, avant instauration d’une première chimiothérapie comportant une fluoropyrimidine ;
  • aux patients ayant déjà été traités par fluoropyrimidine, mais chez lesquels une recherche de déficit en DPD n’a jamais été entreprise.

Ce que doivent faire le prescripteur, le dispensateur et l'équipe soignante

Avant de prescrire un traitement comportant du 5-fluorouracile ou de la capécitabine, le prescripteur doit avoir préalablement :

  • soit pris connaissance des résultats de l'uracilémie. La prise de sang doit être réalisée rapidement afin que les résultats d'uracilémie parviennent au clinicien au plus tard dans les 7 à 10 jours ; 
  • soit vérifié l’absence de déficit en DPD déjà connue pour un patient, d'où l'importance d'enregistrer le résultat de l'uracilémie dans le dossier du patient.

Contre-indication ou adaptation de la dose

En cas d’uracilémie supérieure ou égale à 150 ng/mL (déficit complet en DPD), le traitement par fluoropyrimidines est contre-indiqué, compte tenu du risque de toxicité très sévère, engageant le pronostic vital ou d'évolution fatale. Cependant, « en l’absence d’alternative thérapeutique, le recours aux fluoropyrimidines ne peut être envisagé qu'à dose extrêmement réduite et sous surveillance très étroite », précise la DGS.

En cas d'uracilémie comprise entre 16 ng/mL et 150 ng/mL (déficit partiel en DPD), et sur la base d’un dialogue entre le laboratoire et l'équipe médicale, la posologie initiale des fluoropyrimidines doit être adaptée en tenant compte du niveau d’uracilémie mesuré, en plus des autres facteurs de risque de toxicité déjà pris en compte (protocole de traitement, âge, état général du patient, etc). Un réajustement thérapeutique doit être envisagé dès le deuxième cycle de chimiothérapie en fonction de la tolérance au traitement et/ou du suivi thérapeutique pharmacologique s’il est disponible.

En l’absence de données sur l’adaptation posologique à réaliser chez les patients avec un déficit en DPD et traités par une fluoropyrimidine, un suivi pharmacologique et thérapeutique est recommandé dès la première administration.

Pas de mention de l'uracilémie sur l'ordonnance, pas de médicament

Quel que soit le résultat de l'uracilémie, le prescripteur doit inscrire la mention « résultats uracilémie pris en compte » sur l'ordonnance de 5-FU ou de capécitabine pour permettre sa délivrance en pharmacie.

Un médicament contenant du 5-FU ou de la capécitabine ne peut être délivré que si :

  • la prescription est établie par un médecin hospitalier spécialiste en oncologie ou en hématologie, ou compétent en cancérologie ;
  • et que la mention « résultats uracilémie pris en compte » figure sur l'ordonnance.

En l’absence de mention sur l'ordonnance, le pharmacien doit prévenir le médecin prescripteur que le traitement ne peut pas être dispensé.

Recommandations aux services hospitaliers utilisateurs de fluoropyrimidines

Les services utilisateurs de fluoropyrimidines (5-FU et capécitabine) doivent actualiser les protocoles de chimiothérapie en y intégrant :

  • la nécessité de réaliser une uracilémie chez tous les patients dont le déficit en DPD n’est pas connu ;
  • et impérativement avant la première dose.

Les personnes de l’équipe soignante en charge de l’administration du médicament de 5-FU ou de capécitabine doivent également vérifier qu’une mesure de l’uracilémie a été réalisée et que les résultats ont été pris en compte par le prescripteur (mention « résultats uracilémie pris en compte » sur l’ordonnance).

Mesure de l'uracilémie : réduction du délai entre le prélèvement et la centrifugation

La Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé les conditions de prise en charge de l'acte de dépistage d'un déficit en DPD par mesure de l'uracilémie pour y inclure la modification relative au délai entre le prélèvement de sang et la centrifugation [2] : 

  • la conservation du prélèvement sanguin est désormais limitée à 1 heure à température ambiante (versus 1h30 en 2019) et à 4 heures à +4 °C

La centrifugation doit être réalisée de préférence à +4 °C. Le plasma doit être congelé immédiatement. 

Pour rappel, la technique de dosage est une chromatographie en phase liquide à haute ou ultra-haute performance.

 

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