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Cystites récidivantes : vers un vaccin thérapeutique ?

Vers un vaccin pour réduire le fardeau des infections urinaires récidivantes chez la femme ? Une étude clinique contrôlée confirme l’intérêt de la stimulation immunitaire dans cette maladie invalidante.

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Les cystites récidivantes ont un impact important sur la qualité de vie.

Les cystites récidivantes ont un impact important sur la qualité de vie.xx

Résumé

Les cystites récidivantes (plus de 4 épisodes en 12 mois) font peser un lourd fardeau sur la qualité de vie des patientes qui en souffrent. Leur prévention secondaire repose aujourd’hui sur un traitement anti-infectieux au long cours, mais des solutions moins génératrices d’effets indésirables sont activement recherchées.

La piste d’un renforcement immunitaire des voies urinaires et de la vessie fait l’objet de travaux depuis au moins les années 1980, à l’aide de préparations contenant des bactéries inactivées ou des fragments de leurs protéines membranaires. Récemment, un essai clinique randomisé contrôlé et en double aveugle a confirmé les résultats d’au moins cinq études non randomisées ou observationnelles : le vaccin thérapeutique MV-140 réduit significativement le nombre médian de récidives dans les 9 mois suivant le traitement et augmente significativement le pourcentage de patientes indemnes de cystites pendant la période de suivi. Son efficacité post-traitement semble supérieure à celle des anti-infectieux (à confirmer dans une étude adéquate).

Les cystites récidivantes, définies en France comme 4 infections urinaires ou plus en 12 mois [1], mais comme 3 infections ou plus ailleurs en Europe [2], sont relativement fréquentes. Sur les 11 % de femmes qui ont chaque année une infection urinaire aiguë sans complication, un quart développent une récidive dans les 6 mois suivants [3]. À terme, ces infections récidivantes ont un impact sur la qualité de vie : les femmes qui en souffrent signalent un risque plus élevé de dépression, de stress, d'anxiété, mais également de dysfonctionnement sexuel et d’impact négatif sur la vie professionnelle [3].

Les facteurs de risque des cystites récidivantes varient selon l’âge de la patiente (cf. Tableau) :

Tableau - Facteurs de risque des cystites récidivantes selon l'âge de la patiente [2]

Femmes jeunes et préménopausées Femmes ménopausées et femmes âgées
Rapports sexuels
Utilisation de spermicide
Nouveau partenaire sexuel
Mère ayant des antécédents d'infection urinaire
Antécédents d'infection urinaire pendant l'enfance
Antécédents d'infection urinaire avant la ménopause
Incontinence urinaire
Vaginite atrophique due à une carence en estrogènes
Cystocèle (descente de la vessie contre la paroi du vagin)
Augmentation du volume d'urine post-mictionnelle
Sondage urinaire et détérioration de l'état fonctionnel chez les femmes âgées en institution

Une prévention secondaire fondée sur un traitement anti-infectieux

La prévention secondaire des cystites récidivantes repose sur la prescription d’anti-infectieux au long cours [1], avec des conséquences non négligeables en termes d’effets indésirables et un possible impact sur l’apparition de souches bactériennes résistantes.

D’autres mesures peuvent être envisagées, avec un niveau de preuve plus faible [1] :

  • apports hydriques suffisants, mictions non retenues et régularisation du transit intestinal (Grade IVC) ; 
  • arrêt des spermicides le cas échéant (Grade IIIC) ;
  • canneberge (cystites à E. coli) à la dose de 36 mg par jour de proanthocyanidine (Grade IVC) ; 
  • application locale d’estrogènes chez les femmes ménopausées, après avis gynécologique (Grade IVC). 

Depuis des années, d'autres solutions, en termes de prévention secondaire, sont activement recherchées, dont la possibilité de renforcer l’immunité des voies urinaires.

Un immunomodulateur historique qui ne fait pas l’unanimité

Parmi les pistes immunomodulatrices dans la prévention secondaire des cystites récidivantes, il existe depuis 1988 un mélange lyophilisé de protéines membranaires provenant de 18 souches différentes d'E. coli (OM-89, URO-VAXOM) qui a montré une certaine efficacité dans quelques petits essais randomisés contrôlés par un placebo [4]. Ce mélange accroît les réponses immunitaires humorales et cellulaires en stimulant les macrophages et les lymphocytes et en augmentant les taux d'anticorps IgA/IgG circulants.

Disponible dans une trentaine de pays et figurant dans les recommandations de la European Association of Urology [2], OM-89 n’a jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché en France.

MV-140, un vaccin thérapeutique étudié depuis plus dix ans

Autre piste immunomodulatrice, MV-140 (UROMUNE) est une suspension de 4 espèces bactériennes entières inactivées par la chaleur, à quantités égales : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniæ, Enterococcus fæcalis et Proteus vulgaris. Ce vaccin thérapeutique est administré quotidiennement par voie sublinguale : deux sprays de 100 µL chacun sous la langue pendant 3 mois (parfois 6 mois dans certaines études).

Étudié depuis une dizaine d’années, MV-140 induit la production d'anticorps et active les cellules dendritiques stimulant ainsi la production de lymphocytes T helper Th1 et Th17 et d'interleukine-10, dans la vessie et dans les ganglions lymphatiques régionaux [5]. De plus, il semble que ce mélange sollicite également l’immunité innée et renforce sa réactivité non spécifique face aux stimuli bactériens.

Depuis 2013, MV-140 a fait l’objet de nombreuses études cliniques non randomisées ou observationnelles, en Espagne et au Royaume-Uni. Une revue systématique récente [6] a identifié 19 essais portant sur MV-140 dans la prévention des cystites récidivantes. Cinq répondaient aux critères d'analyse critique retenus dans cette revue : étude menée chez la femme, définition standardisée de la cystite récidivante, au moins un paramètre de résultat incluant le taux d'absence de récidive après la vaccination.

Des résultats préliminaires intéressants

L’analyse de deux études comparant les effets de MV-140 à ceux de l'administration d'anti-infectieux au long cours montre que, lors du suivi (en général 12 mois), l’absence de récidive après traitement est plus fréquente chez les femmes ayant reçu le vaccin quotidiennement pendant 3 mois (35 % à 58 % des patientes selon l’étude) que chez celles ayant reçu une prophylaxie anti-infectieuse pendant 6 mois (0 % d’absence de récidive). Le premier essai a porté sur 319 femmes (159 traitées par MV-140) [7], et le second sur 669 femmes (360 traitées par MV-140) [8]. De plus, trois études observationnelles non contrôlées menées chez des femmes souffrant de cystites récidivantes ont montré des taux d'absence de récidive chez les patientes traitées par MV-140 allant de 33 % à 78 % sur une période de suivi de 9 à 24 mois [9, 10, 11].

En avril 2023, les résultats préliminaires d’une étude canadienne de 67 femmes ont été présentés au congrès de l’American Urological Association [12] avec des résultats similaires.

À noter, dans un travail mené chez des femmes et des hommes âgés, en moyenne, de 80 ans et plus [13], les résultats ont été significativement meilleurs lorsqu’un second traitement de 3 mois a été administré 18 mois après le premier. Dans cette étude, 9 mois après la fin du second traitement, 60 % des participants n’avaient pas développé de récidive.

Malheureusement, jusqu’à récemment, il manquait une étude randomisée et contrôlée pour confirmer ces résultats intéressants.

Pour la première fois, une étude randomisée, contrôlée et en double aveugle

Dans un essai multicentrique, randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo [14], 240 femmes souffrant de cystites récidivantes ont reçu MV-140 pendant 3 ou 6 mois, ou un placebo pendant 6 mois, dans un rapport de 1:1:1. Le critère d'évaluation principal était le nombre de récidives au cours des 9 mois suivant les 3 mois de traitement. Les deux principaux critères d'évaluation secondaires étaient le pourcentage de femmes n'ayant pas eu de récidive au cours de ces 9 mois et le délai d'apparition de la première récidive après traitement.

Il a été mis en évidence que MV-140, administré pendant de 3 ou 6 mois, réduisait de manière significative le nombre médian de récidives pendant les 9 mois de suivi : de 3,0 (placebo, IC95 0,5-6,0) à 0,0 (les deux groupes traités, 0,0-0,0 ; p<0,001). Une augmentation significative du taux d'absence de récidive a été constatée : 56 % (44-57) et 58 % (44-67) chez les sujets ayant reçu MV-140 pendant 3 ou 6 mois, respectivement, contre 25 % (15-35) dans le groupe placebo (p<0,001).

Après 3 mois de traitement, le délai médian avant l'apparition de la première récidive était de 275 jours (87-275 et 77-275, respectivement) dans les groupes MV-140 3 mois et 6 mois, contre 48 jours (17-189) dans le groupe placebo.

Un profil d’effets indésirables rassurant

Les données relatives aux effets indésirables de MV-140 sont issues des essais cliniques, mais également d’un vaste programme européen d’accès compassionnel [15] qui a enrôlé plus de 22 000 patientes (plus de 1,5 million de doses administrées).

Dans l’étude randomisée contrôlée mentionnée précédemment [14], 81 effets indésirables ont été constatés dans le groupe placebo et, respectivement, 76 et 48 dans les groupes MV-140 3 mois et 6 mois. Les événements les plus fréquents (≥ 5 % des participantes) ont été les candidoses buccales, les vaginites et les infections pulmonaires. Dans les autres études, ont été signalés : picotements des lèvres et sécheresse buccale, glossite, prurit, nausées, exacerbation de l’asthme, gastrite, etc. sans que l’imputabilité du vaccin MV-140 ne puisse être confirmée.

Dans le programme d’accès compassionnel, une quinzaine de rapports d’effets indésirables notables ont été déposés [3].

Conclusion

Après dix années de données intéressantes, mais méthodologiquement discutables, une première étude clinique de bonne qualité a enfin été menée sur ce vaccin thérapeutique dans la prévention des cystites récidivantes. À noter, MV-140 est produit par un laboratoire pharmaceutique espagnol de taille modeste (Inmunotek), ce qui explique en partie la lenteur de son développement.

Les cystites récidivantes font peser un lourd fardeau sur la qualité de vie des patientes qui en souffrent et il est temps de pouvoir leur proposer une alternative aux traitements anti-infectieux au long cours. Espérons que nous n’aurons pas à attendre dix années de plus pour que d’autres études randomisées contrôlées viennent confirmer ou infirmer la première.

Des essais cliniques sont prévus pour évaluer l'efficacité et la sécurité de MV-140 chez les personnes âgées en institution, les enfants souffrant d'infections urinaires aiguës et les patients adultes de cystites aiguës compliquées (par exemple, ceux qui sont porteurs d'un cathéter ou en cas de vessie neurogène).

 

Sources

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