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Déficit énergétique : amateurs ou élites, de nombreux sportifs à risque

Le REDs, ou syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport, peut avoir des répercussions négatives sur la santé et les performances des sportifs. Décryptage d’un syndrome qui menace le fonctionnement physiologique et psychologique des pratiquants.

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Fatigue, contre-performances, blessures à répétition... sont des signes avant-coureurs du REDs.

Fatigue, contre-performances, blessures à répétition... sont des signes avant-coureurs du REDs.m-gucci / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

L’étiologie sous-jacente du syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport (REDs) est la faible disponibilité énergétique (LEA) qui survient lorsque des sportifs ne parviennent pas, consciemment ou non, à atteindre un apport alimentaire adéquat pour soutenir les fonctions physiologiques de l’organisme.

L'exposition aiguë à une LEA provoque, en plus des baisses de niveaux de performances, des effets délétères sur la santé qui peuvent impacter toutes les étapes ultérieures de la vie sportive. Pour cette raison, il est essentiel que les médecins et les équipes de soutien des athlètes connaissent ce syndrome pour une prise en charge adaptée.

La détection précoce des athlètes à risque de LEA est impérative.

L’activité physique présente de nombreux bienfaits, mais, en parallèle, une augmentation de symptômes cliniques préoccupants impacte la qualité de vie des sportifs. Les appellations caractérisant ces troubles ont fait du chemin depuis la « triade féminine ».

De la triade athlétique à la déclaration de consensus du CIO

Depuis 1992, la « triade de l’athlète féminine » décrit les répercussions préjudiciables d’une pénurie calorique chez les sportives. En 2007, son diagnostic exigeait trois atteintes distinctes, mais interreliées :

  • une faible disponibilité énergétique ;
  • une déminéralisation osseuse ;
  • un dysfonctionnement menstruel.

Puis, en 2014, le Comité international olympique (CIO) a retenu un terme plus inclusif, car ces déficits concernent les hommes comme les femmes : le syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport, désigné par l'acronyme REDs (Relative Energy Deficiency in Sport).

En 2023, la déclaration de consensus du CIO, publiée dans le British Journal of Sports Medecine [1, 2], a réactualisé le REDs comme un « syndrome d’altération du fonctionnement physiologique et/ou psychologique causé par l’exposition problématique à une faible disponibilité énergétique. Les conséquences néfastes comprennent, sans s’y limiter, une altération du métabolisme énergétique, de la santé musculo-squelettique, de l’immunité, des troubles cardiovasculaires et hématologiques, gastro-intestinaux… qui, tous, peuvent entraîner une altération du bien-être, un risque accru de blessures et une diminution des performances sportives ».

De la dépense énergétique à la disponibilité énergétique

Au-delà des calories nécessaires aux activités musculaires, des apports alimentaires supplémentaires sont indispensables au fonctionnement de base du corps humain. La dépense énergétique des athlètes est donc supérieure à l'énergie utilisée pendant l’exercice.

La disponibilité énergétique (EA pour Energy Availability) correspond à la différence entre l’apport énergétique journalier (repas, collation, grignotage…) et la dépense énergétique de l’exercice physique. Ce solde énergétique « disponible » sert au bon fonctionnement de l’organisme de la vie quotidienne. Elle est exprimée par rapport à la masse corporelle non grasse, car c’est le tissu le plus actif sur le plan métabolique.

La disponibilité énergétique se calcule avec l'équation simplifiée (cf. Encadré) :

Encadré - Équation simplifiée de l'EA

EA [disponibilité énergétique ; kcal/kg de masse maigre (FFM)/jour] =

{EI [apport en énergie (kcal)] - EEE [dépense énergétique de l'exercice (kcal)]} / FFM [masse sans graisse (kg)/jour]

_______________________

EA = Energy Availability

EI = Energy Intake = calories consommées

EEE = Exercice Energy Expenditure

FFM = Free Fat Mass = masse sans graisse, communément appelée masse maigre

Chez les adultes, une disponibilité énergétique de 188 kJ (45 kcal)/kg/FFM/jour est jugée suffisante pour assurer des fonctions physiologiques saines.

De la faible disponibilité énergétique au REDs

Quand l’énergie disponible résiduelle est insuffisante (Low Energy Availability [LEA]) pour maintenir les processus physiologiques d’« entretien ménager » (travail cardiaque, rénal, cycle menstruel pour les femmes…), le corps passe en mode « éco ». Il réduit l’allocation d’énergie des systèmes non essentiels à la survie immédiate (métabolisme osseux, fonction de reproduction…) [3]).

  • Les conséquences physiologiques sont bénignes et rapidement réversibles si la LEA dite adaptable est légère et/ou transitoire.
  • Cependant, si le déficit énergétique est prolongé et/ou sévère, la LEA devient problématique et expose le sportif au syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport (REDs). Celui-ci, puissant facteur de stress, déclenche des réactions hormonales et métaboliques pouvant entraîner des dommages irréparables. La LEA pourrait être l'un des indicateurs les plus solides du risque de blessure chez les athlètes.

Qui est à risque de syndrome de déficit énergétique relatif dans le sport ?

Le « s » en lettre minuscule indique que ce syndrome impacte à la fois les pratiquants compétiteurs ou de loisir, femmes ou hommes, valides ou para-athlètes et tous les groupes d’âge.

Malgré une prévalence fluctuant entre 15 et 80 %, il n’existe pas encore de test de diagnostic unique validé.

La sous-consommation alimentaire peut être intentionnelle ou non intentionnelle

La LEA intentionnelle est la restriction consciente et délibérée de nourriture en inadéquation avec les engagements sportifs, à la différence de la LEA non intentionnelle.

La chasse au « fameux » rapport poids/puissance, la quête « esthétique », variables déterminantes de performance, conduisent certains sportifs à limiter délibérément leurs apports alimentaires.

Les sports sensibles au poids (course à pied, escalade), à catégories de poids (sports de combat, aviron), à jugement esthétique (patinage artistique, gymnastique), font souvent le lit du REDs. Les athlètes féminines d'endurance présentent un risque élevé de LEA.

Les sujets « perfectionnistes » sont aussi plus prédisposés, tout comme ceux exposés à la pression de leur milieu sportif et familial, des médias sociaux et de la culture sportive.

Tout athlète cherchant à manipuler intentionnellement l'EA afin d'atteindre un physique spécifique pour le sport nécessite une surveillance médicale, y compris le recours à un diététicien du sport.

Sans le rechercher, d’autres sportifs peuvent se retrouver en LEA par méconnaissance.

Le manque d’appétit causé par le stress des compétitions, les difficultés à bien manger en voyage, la pratique d’un sport à très fortes dépenses énergétiques, des considérations « éthiques » restrictives (véganisme…), une insécurité alimentaire (précarité financière)… peuvent aggraver la maladie.

Les troubles alimentaires souvent en cause

Les troubles de l'alimentation comprennent une gamme de désordres alimentaires (orthorexie, prise de laxatifs…), qui peuvent ne pas être suffisamment graves pour répondre aux critères des troubles du comportement alimentaire spécifiques (boulimie, anorexie), comme définis par le DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Mais ils exposent tous aux risques d’une faible disponibilité énergétique.

Nouvelles données dans la déclaration de consensus des REDs

De nouveaux éléments ont émergé en 2023, sur différentes thématiques.

L’impact additionnel d’un apport insuffisant en glucides

La faible disponibilité énergétique est la principale composante du REDs, mais les régimes hypoglucidiques en majorent les effets délétères. Ceci s’observe quand l’accent est mis sur les protéines (régime hyperprotéiné), les lipides (régime cétogène, Low CarbHigh Fat [LCHF]), ou en l’absence de ravitaillements glucidiques au cours de longues séances d’entraînement… Même les régimes normocaloriques, mais pauvres en glucides, s’accompagnent de perturbations hormonales et de moins bonnes performances sportives.

L'existence de seuils 

L’existence de seuils (EA < 30 kcal/kg/FFM/jour : LEA clinique, 30 < EA <45 kcal/kg/FFM/jour : EA « infraclinique ») est largement débattue, car il n'y a pas de consensus sur les méthodes de mesure de chaque composant. 

Les erreurs de différenciation entre le REDs et le syndrome de surentraînement

Le REDs et le surentraînement (cf. notre article du 7 mai 2024) partagent plusieurs symptômes semblables, comme la fatigue chronique, qui peut avoir pour origine une anémie ferriprive, une carence en vitamine B12, ou une activité excessive. Ce chevauchement souligne l’importance de corriger en première intention les déficiences nutritionnelles avant de diagnostiquer le syndrome de surentraînement. Seul un bilan médical complet permettra de mieux appréhender ce tableau clinique.

Signes avant-coureurs du REDs

Malgré le maintien, voire l'amélioration des résultats sportifs pendant un certain temps, peut apparaître une série de signes bénins, de fatigue inexpliquée… Normalisés, il est peu probable qu’ils sonnent l’alarme. Le REDs négligé passe alors inaperçu jusqu’à l’apparition de contre-performances, de blessures à répétition (fractures de fatigue), de perturbations endocriniennes (chute des estrogènes et de la testostérone), de la réduction des synthèses protéiques

La gravité des troubles diffère selon la durée de l'exposition au REDs et les caractéristiques individuelles.

Modèles conceptuels du REDs

Le danger du REDs ne réside pas seulement dans ses symptômes, mais aussi dans l’incapacité à les identifier comme des symptômes.

Cette pathologie est encore méconnue. Ses signes cliniques peuvent être très variés et parfois très discrets. D’où l’importance, pour toutes les personnes en lien avec le sportif, d’en connaître ses différentes manifestations, afin de mieux les identifier et prévoir un traitement adapté. La vigilance est essentielle, même dans des sports qui ne sont pas traditionnellement considérés comme faisant partie des catégories à risque.

Les conséquences potentielles des dérèglements causés par le REDs sur la santé sont décrites dans le modèle conceptuel ci-dessous [1].

Les REDs peuvent également affecter les performances sportives des athlètes. Leurs effets potentiels sont illustrés dans le modèle suivant [1] :

Infographies des deux modèles réalisées par le Studio graphique de VIDAL d'après [1].

Une prise en charge complexe et multidisciplinaire

La difficulté est le repérage des signes avant-coureurs et leur traduction en termes de diagnostic tant les symptômes s’expriment différemment.

Le CIO a créé un nouvel outil d’évaluation des risques : le IOC REDs CAT2 [1, 2]. Ce modèle en trois étapes facilite la prise de décision des cliniciens :

  • Étape 1 : Dépistage initial du REDs grâce à des questionnaires spécifiques (par exemple, le LEAF-Q  pour Low Energy Availability in Females Questionnaire [45] ; les sportives sont classées comme à risque de LEA selon leur score LEAF-Q) et entretiens cliniques pour chaque système corporel. Les athlètes jugés à risque dès cette étape devraient être amenés à l’étape suivante.
  • Étape 2 : Évaluation de la gravité et des risques au vu des caractéristiques de l’exposition du sportif à la LEA, grâce à un système d’indicateurs et de stratification à quatre niveaux de feux de signalisation (vert, jaune, orange et rouge). Chacun est associé à des recommandations particulières.
  • Étape 3 : Diagnostic final par un médecin expert et mise en œuvre d’un traitement individualisé avec l’aide d’une équipe multidisciplinaire collaborative (entraîneurs, psychiatres/psychologues et diététiciens-nutritionnistes du sport).

Le premier défi porté par le CIO repose sur la prévention primaire avec la promotion de saines habitudes alimentaires et la sensibilisation du milieu sportif aux méfaits, parfois irréversibles, des REDs. En cas de complications, une des bases du traitement du REDs est la restauration d’une disponibilité énergétique optimale afin de mettre l’athlète en sécurité pour sa santé. Une vision globale du parcours du sportif, une réévaluation de l’intensité de son entraînement, de son échelle de valeurs et d’accomplissement est tout autant indispensable.

Afin de prévenir une exposition aiguë et à long terme d’une LEA qui conduit à une myriade de séquelles métaboliques et physiologiques, les médecins doivent évaluer, avant le début de la saison, les sportifs ou individus actifs suspectés de déficit énergétique relatif.

Pour aider au diagnostic médical, les cliniciens ont à leur disposition l’outil d’évaluation clinique créé par le CIO, IOC REDs CAT2 [1]. Une fois le diagnostic posé, ils auront à traiter, rééduquer et surveiller le retour au jeu en toute sécurité du sportif. Le diététicien nutritionniste peut également servir de soutien auxiliaire dans le traitement du REDs, qui passe par la restauration de la disponibilité énergétique du sportif.

Enfin, les praticiens devraient plaider en faveur de l’intégration de programmes éducatifs sur le REDs dans le milieu sportif afin de promouvoir une meilleure connaissance de cette pathologie encore méconnue.

Sources

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