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Éviter les épices en cas de pathologie hémorroïdaire : quelles preuves ?

Les aliments épicés sont classiquement déconseillés en cas de maladie hémorroïdaire. Mais y a-t-il des données scientifiques qui accréditent cette recommandation ? Une revue de la littérature internationale apporte des éléments de réponse.

Audrey Soulabaille 19 septembre 2024 Image d'une montre4 minutes icon Ajouter un commentaire
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La définition d’une alimentation épicée est souvent floue.

La définition d’une alimentation épicée est souvent floue.tuahlensa / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Compte tenu de sa fréquence en population générale et de son impact majeur sur la qualité de vie des patients qui en sont atteints, la maladie hémorroïdaire constitue un sujet animant souvent le grand public.

Pour rappel, la maladie hémorroïdaire désigne une affection symptomatique liée aux hémorroïdes, structures fibro-vasculaires, formant un réseau de vaisseaux artériels et veineux, naturellement présent au niveau du canal anal.

On distingue :

  • les hémorroïdes externes (réseau hémorroïdaire externe) situées sous la peau de l'orifice de l'anus, souvent douloureuses en cas de thrombose (cf. Figure 1A) ;
  • les hémorroïdes internes (réseau hémorroïdaire interne), situées plus profondément et plus haut sous la muqueuse du canal anal, qui peuvent provoquer prolapsus (cf. Figure 1B) et saignements (cf. Figure 1C).

Figure 1 - Thrombose hémorroïdaire externe (A), prolapsus (B) et saignement (C) sont les principales complications de la maladie hémorroïdaire

Bien que la prévalence de cette maladie soit mal connue, elle est estimée entre 5 et 40 % de la population générale, affectant significativement la qualité de vie des patients et constituant de ce fait un sujet majeur [1].

Les médecins, généralistes ou spécialistes, sont souvent interrogés sur les causes possibles et les potentiels facteurs déclenchants, tels que les troubles du transit, l'alimentation, et notamment la consommation d'épices. Cette dernière est en général déconseillée car les épices, matières organiques d'origine végétale odorantes ou piquantes, augmenteraient l’inflammation et les symptômes de la maladie hémorroïdaire. Mais qu’en est-il des données de l’Evidence Based Medecine ? Une revue récente de la littérature internationale, présentée par Vincent de Parades au cours de la dernière édition des Journées francophones d'hépatogastroentérologie et d'oncologie digestive (JFHOD), répond à cette question.   

Des résultats contradictoires

Les études existantes montrent des résultats contradictoires. Par exemple, des auteurs marseillais ont trouvé une consommation plus élevée de piment et de poivre chez les patients souffrant d'hémorroïdes, mais avec des limites méthodologiques [2]. D'autres travaux, dont un mené en Turquie, pays davantage réputé pour son alimentation épicée comparativement à la France, ont également suggéré un lien, mais sans preuve solide compte tenu de leur caractère rétrospectif [3].

À l'inverse, certaines études telles que celle menée par Labidi A et al. en Tunisie ont montré que les patients hémorroïdaires consommaient moins fréquemment du poivre et/ou du piment rouge comparativement aux témoins [4].

Les difficultés à établir un lien de cause à effet entre la consommation d'épices et la maladie hémorroïdaire proviennent de la définition imprécise de ce qu'est une alimentation « épicée ». Non seulement il existe une multitude d’épices différentes, mais ce terme peut aussi être utilisé pour désigner des herbes aromatiques et certains condiments donnant odeur et saveur aux aliments.

Les études ne précisent souvent pas la quantité, la fréquence ou le type d'épices consommées rendant les résultats difficiles à interpréter.

Les épices peuvent être classées selon différents critères notamment :

  • leur(s) principe(s) actif(s) (alcaloïdes, phénols et polyphénols, flavonoïdes, terpènes et terpénoïdes, huiles essentielles…) ;
  • leurs effets pharmacologiques éventuels (anti-inflammatoires, antimicrobiens, antioxydants, digestifs, analgésiques…) ;
  • leur famille botanique ;
  • leur origine géographique…

De plus, la distinction entre consommation ponctuelle et chronique n'est pas toujours faite, ce qui pourrait influencer aussi les effets observés.

Les mécanismes d'action restent flous et nécessitent davantage de recherche pour comprendre leur impact sur les hémorroïdes.

  • En particulier, trois substances présentes dans les épices auraient des propriétés bénéfiques anti-inflammatoires, antioxydantes et antimicrobiennes [5] :
    • la curcumine (pigment majeur du curcuma, aussi appelé safran des Indes, et presque toujours utilisé dans les préparations de curry) ;
    • la pipérine (principal composant piquant présent dans le poivre noir qui augmente significativement l’absorption de la curcumine) ;
    • la capsaïcine (principe actif des piments responsable d’une saveur très poivrée et agressive).

À l’inverse, certaines épices (comportant aussi de la curcumine et de la capsaïcine) pourraient être en cause par le biais de leur rôle sur la sensibilité viscérale, les spasmes sphinctériens et la modulation du microbiote.

Au cas par cas

En conclusion, la littérature sur le lien entre épices et maladie hémorroïdaire est limitée et souvent de faible niveau de preuve. La pratique clinique suggère un lien entre épices et hémorroïdes, mais les données restent insuffisantes à l’heure actuelle.

Chaque patient est unique, et il est donc conseillé de n'éviter les épices que si elles aggravent clairement les symptômes.

Sources

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