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Une médiane de 8 médicaments par ordonnance chez les plus de 90 ans : comment simplifier ?

Selon une étude française, plus de trois quarts des patients de plus de 90 ans ont 5 médicaments et plus sur leur ordonnance, et un tiers d’entre eux 10 médicaments et plus. Avec l'avancée en âge, une diminution de la prescription de certains traitements est rapportée.

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Au-delà de 5 médicaments, le risque d’évènements indésirables augmente significativement.

Au-delà de 5 médicaments, le risque d’évènements indésirables augmente significativement.Oleg Elkov / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

Une étude de cohorte, effectuée à partir des données de 2022 du Système national des données de santé (SNDS), a permis d’inclure 696 498 patients de 90 ans et plus affiliés au régime général d’Assurance maladie français.

Les ordonnances comportent :

  • une médiane de 8 médicaments ;
  • 5 médicaments ou plus (polymédication) dans plus des trois quarts des cas (77,7 %) ;
  • 10 médicaments ou plus (hyperpolymédication) dans un tiers des cas (32,8 %).

Les 8 classes médicamenteuses les plus prescrites sont les suivantes :

  • les antihypertenseurs : 73,8 % ;
  • les antalgiques : 58,8 % ;
  • les antithrombotiques : 55,3 % ;
  • la vitamine D : 51,1 % ;
  • les psychotropes : 42 % ;
  • les inhibiteurs de la pompe à protons : 36,7 % ;
  • les médicaments de la constipation : 25 % environ ;
  • les hypolipémiants : aux alentours de 20 %.

Les prescriptions diminuent légèrement avec l’âge, surtout en ce qui concerne les médicaments à visée préventive, alors que ceux à visée symptomatique ont tendance à augmenter.

Les sujets résidant en Ephad ont davantage de médicaments et sont plus susceptibles de consommer des psychotropes.

Les auteurs proposent des pistes de déprescription dans ce groupe de population très âgé ayant une espérance de vie plus ou moins courte. 

L’allongement de l’espérance de vie a conduit à une forte augmentation des personnes de 90 ans et plus : 21 millions en 2020 et 76 millions estimés en 2050 dans le monde selon l’Organisation des Nations unies [1]. Cette population cumule différentes pathologies chroniques, avec des modifications pharmacocinétiques liées à l’âge, justifiant souvent des prescriptions médicamenteuses complexes. Que comportent ces ordonnances ? Combien de médicaments ? Quelles classes médicamenteuses ? Cette étude de cohorte française effectuée à partir des données de 2022 du Système national des données de santé (SNDS) apporte plusieurs éléments de réponse [2].

Au total près de 700 000 patients de 90 ans et plus affiliés au régime général d’Assurance maladie français ont été inclus.

Les trois quarts de la cohorte :

  • étaient des femmes ;
  • avaient entre 90 et 94 ans (2,9 % plus de 100 ans) ;
  • vivaient à domicile.

Les comorbidités étaient principalement :

  • une hypertension artérielle traitée : près de 8 cas sur 10 (77 %) ;
  • une maladie cardiovasculaire : 1 cas sur 2 (50,4 %) ;
  • une démence : près de 1 cas sur 5 (17,7 %).

Durant l’année 2022, un tiers des participants ont été hospitalisés au moins une fois et 18 % sont décédés.

Le top 8 des classes médicamenteuses

Pendant le premier trimestre, presque tous les sujets de la cohorte prenaient au moins un médicament (93,8 %) [2].

Les ordonnances comportaient :

  • une médiane de 8 médicaments ;
  • 5 médicaments ou plus (polymédication) dans plus de trois quarts des cas (77,7 %) ;
  • 10 médicaments ou plus (hyperpolymédication) dans un tiers des cas (32,8 %).

En termes de polymédication, ces chiffres sont tout à fait comparables à ceux obtenus dans une étude italienne récente [3].

Dans le top 8 des classes médicamenteuses les plus prescrites :

  • les antihypertenseurs : 73,8 % ;
  • les antalgiques : 58,8 % ;
  • les antithrombotiques : 55,3 % (dont un tiers d’antiplaquettaires) ;
  • la vitamine D : 51,1 % ;
  • les psychotropes : 42 % ;
  • les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) : 36,7 % ;
  • les médicaments de la constipation (25 % environ) ;
  • les hypolipémiants (aux alentours de 20 %).

Selon le sexe et le lieu de résidence

L’étude de sous-groupes montre que les femmes sont plus fréquemment traitées que les hommes (94,4 % versus 92,3 %). Elles reçoivent plus souvent des antalgiques, de la vitamine D, des psychotropes et des hormones thyroïdiennes. En revanche, les hommes sont plus fréquemment traités par des antithrombotiques et des hypolipémiants.

Les résidents en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont également plus souvent un traitement médicamenteux que ceux vivant à domicile (97 % versus 92,9 %), et notamment des psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs, antipsychotiques) et/ou un traitement contre la constipation.

Des prescriptions qui diminuent avec l’âge

Les prescriptions semblent légèrement diminuées avec l’âge : la proportion de patients ayant reçu au moins un médicament est de 94,1 % chez les 90-94 ans, 93 % chez les 95-99 ans, et 90,6 % chez les centenaires. Cette constatation est valable pour la majorité des classes thérapeutiques et en particulier pour les hypolipémiants : 24,1 % chez les 90-94 ans versus 6,1 % chez les centenaires.

Comme le soulignent les auteurs, ces résultats peuvent être liés à l'arrêt par le médecin de médicament(s) potentiellement nocif(s), inapproprié(s), ou plus nécessaire(s), ou encore à un « effet du survivant en bonne santé ».

À noter que certains traitements symptomatiques, à l’inverse, augmentent tels que les médicaments de la constipation : plus de 30 % chez les centenaires versus 25 % environ chez les 90-94 ans.

Quels leviers pour la déprescription ?

Déprescrire n’est pas chose facile et nécessite « dialogue et confiance entre les professionnels de santé et les patients » (cf. notre podcast du 28 novembre 2024).

Ici, plusieurs pistes sont discutées par les auteurs.

Réévaluation régulière des médicaments

Ils insistent en premier lieu sur l'importance d'une réévaluation régulière des prescriptions, à chaque consultation :

  • le délai d’efficacité est-il compatible avec l’espérance de vie des patients (4-5 ans à 90 ans, 3 ans à 95 ans, 2 ans à 100 ans [4] ? Au-delà d’un certain âge, les traitements préventifs à « bénéfice différé », comme les antihypertenseurs, les antithrombotiques, ou les statines, peuvent en effet ne plus être pertinents.
  • les symptômes sont-ils toujours présents en cas de traitement à visée symptomatique (principalement IPP, psychotropes, médicaments de la constipation) ?
  • quel est le rapport bénéfice/risque ?

Dans ce cadre, les auteurs rappellent que les antiplaquettaires, dont l’intérêt est largement démontré en prévention secondaire des événements cardiovasculaires, ne sont pas recommandés en prévention primaire chez les sujets de plus de 70 ans en raison des risques élevés de saignement et des bénéfices cardiovasculaires limités [5].

Ils soulignent également qu’il n’y a pas de données sur les bénéfices d’un traitement antihypertenseur en termes de prévention cardiovasculaire et cérébrovasculaire après l’âge de 90 ans.

Concernant les médicaments symptomatiques, les auteurs pointent du doigt le taux élevé d’IPP prescrits dans plus de 6 ordonnances sur 10 en cas d’hyperpolymédication.

Les anxiolytiques et les antidépresseurs sont également largement prescrits en particulier chez les sujets institutionnalisés (respectivement 47,7 % et 42,6 %). La « juste prescription » des psychotropes (cf. notre article du 3 octobre 2024) est délicate, d’autant plus que les traitements de substitution sont peu nombreux et/ou pas simples à mettre en œuvre [6].

Des objectifs thérapeutiques moins stricts

L. Kanagaratnam et al. [2] suggèrent aussi d'adopter des objectifs moins rigoureux, notamment pour la gestion de l'hypertension artérielle et du diabète, afin de minimiser les risques d'effets secondaires et d'améliorer la qualité de vie.

Des outils pour déprescrire

Enfin, il existe différents outils pour aider les cliniciens à déprescrire dont certains sont plus particulièrement destinés aux patients âgés et fragiles avec une espérance de vie limitée comme STOPPFrail (Screening Tool of Older Persons Prescriptions in Frail adults with limited life expectancy) [7].

Le site ameli.fr propose également une « boîte à outils pour la déprescription ». 

 

Sources

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