
Pour les handicaps visibles et non visibles.Nataliia Kozak / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images
Qu’il s’agisse de personnes en situation de handicap physique, psychique, sensoriel ou mental, l’accueil des patients à besoins spécifiques en cabinet de ville nécessite une adaptation des locaux, des équipements, de la communication, du savoir-faire et du savoir-être.
Pour respecter les obligations légales et aller au-delà, les professionnels de santé disposent de soutiens financiers, d’expertise et d’outils pour les aider à prendre conscience des besoins propres à leur cabinet et à mettre en pratique les recommandations.
On compte près de 12 millions de personnes en situation de handicap aujourd’hui en France [1]. Et pourtant, sur les 156 000 personnes avec un handicap ayant contribué au baromètre des soins Handifaction en 2024, 24 % ont déclaré ne pas pouvoir accéder aux soins dont elles ont besoin [2].
Une mission essentielle des médecins libéraux
Rappelons tout d’abord que depuis le 11 février 2005, la loi fixe, pour les locaux des professionnels de santé ouverts aux patients, des critères légaux d’accessibilité aux personnes en situation de handicap [3].
Le cadre légal d’un côté, le terrain de l’autre
La loi intègre essentiellement des critères d’accessibilité physique de type absence de marches, présence d’un ascenseur, largeur des portes permettant le passage d’un fauteuil roulant... Plus encore, elle généralise ce principe d’accessibilité à tous les types de handicaps, qu’ils soient physiques, sensoriels, psychiques ou mentaux.
Pour répondre à cet enjeu d’amélioration de l’accueil et de la prise en charge des personnes en situation de handicap, la commission handicap du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a lancé une vaste enquête visant à mesurer les pratiques quotidiennes des médecins en matière de gestion des situations de handicap [4]. « D’un côté il y a les lois, de l’autre la réalité du terrain, établit le Dr Claire Siret, présidente du Conseil départemental de Seine-et-Marne de l’ordre des médecins et de la commission handicap du Cnom. Il est ressorti de ces échanges un énorme manque de moyens, de temps, de formation et d’information. »
Bien qu’encore insuffisants, les premiers résultats montrent que 41 % des professionnels interrogés par le Cnom déclarent avoir déjà apporté des modifications concernant l’accessibilité au handicap à leur cabinet. « Aujourd’hui il n’y a plus de délais de tolérance, l’obligation s’impose à tous, rappelle le Dr Siret. De plus en plus de locaux sont adaptés, notamment dans les structures importantes comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). »
Un combat éthique pour tous les handicaps
La mise en accessibilité des locaux de santé n’est pas seulement une question légale. Elle relève d’une prise de conscience sociétale et d’un combat éthique. Pour le Dr Siret, « l’accessibilité doit devenir naturelle, normale, inclusive. Elle ne doit plus être une exception ».
Un engagement pour tous les types de handicaps, pas uniquement pour les handicaps moteurs. Il existe en effet les handicaps visibles et reconnus, auxquels s’ajoutent les handicaps sensoriels, mentaux, psychiques et cognitifs, mais aussi ceux qui touchent à la souffrance psychologique, à l’infirmité invisible… « Nous avons pu constater avec l’enquête que pour le moment, l’attention s’est principalement portée sur l’accessibilité aux handicaps moteurs, pointe la présidente de la section Santé publique du Cnom. Beaucoup de choses restent à faire pour les autres types de handicap. »
L’accessibilité des locaux, mais aussi du savoir-faire
En effet, lorsque l’on parle d’accessibilité, on ne parle pas seulement d’accessibilité des locaux et des équipements, mais également d’accessibilité du savoir-être et du savoir-faire pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap sensoriel, mental, psychique et cognitif.
De la prise de rendez-vous à la consultation et au soin, tout doit être spécifiquement pensé et adapté : prévoir un créneau plus long, proposer si nécessaire une consultation d’habituation aux soins (consultation blanche, sans soin), limiter le temps passé en salle d’attente… Pour des patients à besoins spécifiques, et en particulier pour les patients dyscommunicants, il est important d’adapter le mode de communication et de s’assurer d’obtenir l’adhésion du patient sans forcer le soin. Des outils de communication simples et imagés [5], la présence de l’aidant, l’explication de tous les gestes et parfois une consultation organisée en deux temps sont des clés pour une consultation réussie.
En pratique : comment rendre son cabinet accessible ?
C’est dans la prise de conscience du besoin d’adaptation que réside la première étape. Cela semble évident, mais ce n’est pas toujours le cas.
S’informer et mobiliser les équipes
« Les patients en situation de handicap ne se déplacent pas dans les cabinets qui ne sont pas accessibles. Les professionnels de santé se rendent donc pas nécessairement compte des besoins. Pas de patient handicapé, pas de problèmes, donc pas de nécessité de les résoudre », regrette le Dr Adrien Dumas, généraliste, leader de la MSP des Longues allées, à Saint-Jean-de-Braye (45). Ce médecin, ancien chef de clinique des universités a rapporté qu’au sein de son établissement 94 % des professionnels pensaient que la MSP, installée dans les locaux d’une ancienne clinique, était adaptée à l’accueil des personnes en situation de handicap. En réponse à un appel à projet de l’agence régionale de santé (ARS), la MSP a reçu une ergothérapeute qui a réalisé un audit d’accessibilité et établi des recommandations d’aménagements, allant bien au-delà des impératifs réglementaires.
Dresser un état des lieux de l’accessibilité du cabinet
« La lecture du rapport a agi comme une vraie prise de conscience, observe le Dr Dumas. Nous avons constaté que même quand les normes légales étaient respectées, beaucoup de choses pouvaient être améliorées. »
La visite d’un ergothérapeute sur le terrain met en lumière les obligations légales, mais agit également comme un révélateur qui va bien plus loin, notamment en ce qui concerne l’accessibilité aux handicaps moins visibles, non moteurs. Ce type d’état des lieux aurait tout intérêt à se généraliser. « Mieux encore, l’expertise d’un ergothérapeute pourrait être l’un des items du cahier des charges à présenter lors des projets d’ouverture des MSP, propose le Dr Dumas. Car il est beaucoup plus facile pour les professionnels de santé d’anticiper l’accessibilité en amont, que de commander de nouveaux travaux pour une porte qui s’ouvrirait dans le mauvais sens. »
Mettre en pratique les actions les plus simples
« Quand on parle de mise aux normes d’un cabinet, on pense immédiatement à un gros chantier, mais en réalité la plupart des ajustements peuvent être faits facilement, sans engager de budget conséquent », assure le responsable de MSP.
Balisage d’un espace dédié aux fauteuils en salle d’attente, lumière tamisée pour les personnes malvoyantes ou avec un handicap sensoriel, affichage en FALC (facile à lire et à comprendre), boucles magnétiques pour les personnes malentendantes, tablettes à fixer sur les bureaux pour permettre aux personnes en fauteuil de déposer des documents médicaux ou de rédiger un chèque… « Dans les toilettes de la MSP par exemple, les portes se refermaient automatiquement, rendant leur accès difficile pour les personnes en fauteuil. Il a suffi de retirer les vérins pour les rendre accessibles aux patients à mobilité réduite », illustre le Dr Dumas. Autant d’ajustements peu coûteux en temps et en argent, qui améliorent pourtant de façon significative l’accessibilité d’un cabinet.
Programmer et mettre en œuvre les recommandations
« Bien entendu, poursuit le Dr Dumas, des équipements comme les pèse-personnes adaptés aux patients en fauteuil, ou en situation d’obésité, représentent un investissement plus important. Mais il est toujours possible de différer la dépense, de demander des aides financières ou de mutualiser les moyens. » À la maison de santé des Longues allées, seules quelques tables d’examens sont électriques et assez larges pour accueillir certains patients en situation de handicap. Les professionnels de santé changent donc de salle d’examen quand ils reçoivent un patient qui en a besoin.
Les aides disponibles pour faciliter l’accueil
Les mises aux normes demandent des investissements et des moyens financiers dont certains professionnels de santé ne disposent pas.
Les aides financières
Pour l’accessibilité physique du cabinet, il existe des aides financières, mais encore faut-il les connaître. Parmi ces aides, on retiendra notamment le Fonds territorial d’accessibilité (FTA) ainsi que les subventions éventuelles des collectivités locales.
La valorisation du temps consacré au handicap
« Il est souvent difficile pour les professionnels de santé de parler d’argent, reconnaît le Dr Siret, mais les consultations dédiées aux personnes en situation de handicap durent plus longtemps quand elles sont bien conduites, et les médecins doivent être rémunérés pour ce travail. » Une valorisation financière des actes est prévue dans certains cas : consultation blanche, consultation pour les enfants à besoins spécifiques, consultation dédiée au premier certificat médical de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Les aides humaines
Un médecin seul peut mener à bien une consultation avec un patient en situation de handicap, mais il pourra être confronté à des difficultés pour mobiliser le patient de son fauteuil jusqu’à la table d’examen par exemple ou encore pour communiquer avec un enfant présentant un trouble du neurodéveloppement. « Ce type de consultation nécessite souvent l’intervention d’un tiers, alerte la présidente de la commission handicap du Cnom. Mais les professionnels de santé ne peuvent pas toujours se reposer sur l’aidant familial ou sur l’aidant de soin qui n’est pas dans son rôle et à qui l’on demande déjà beaucoup. Aider les médecins à accueillir les patients dans de bonnes conditions, c’est aussi leur donner les moyens humains de le faire. »
La valorisation de l’accessibilité du cabinet pour les patients
Pour valoriser l’accessibilité d’un cabinet ou tout simplement pour informer les patients en situation de handicap de la capacité du cabinet à les accueillir ou non, les professionnels de santé sont invités à renseigner l’annuaire officiel de l’accessibilité des cabinets, hébergé sur Santé.fr [6]. « L’important n’est pas d’être totalement aux normes. Même pour les cabinets qui ne sont pas accessibles, il est important d’être recensé comme tel pour éviter aux patients de se trouver en difficulté en arrivant aux portes du cabinet », assure le Dr Adrien Dumas. Les médecins peuvent également renseigner les critères d’accessibilité de leur cabinet médical sur les sites de prise de rendez-vous en ligne.
HandiConnect.fr : des outils à la disposition des professionnels de santé
La synthèse des réglementations et des bonnes pratiques pour accueillir un patient en situation de handicap en cabinet de ville est publiée par HandiConnect.fr sous forme de deux fiches-conseils destinées aux professionnels de santé :
- Accueillir un patient en situation de handicap (consultation ou soin) ;
- Accueil d’un patient en situation de handicap : aides financières et valorisation des actes.
« Les médecins sont tous volontaires à prendre en charge les patients en situation de handicap, c’est évident, certifie le Dr Siret. Mais parfois, ils se heurtent à la complexité de cette prise en charge, sont découragés par le contexte politique et renoncent. » De petits aménagements, pourtant grandement facilitants pour les personnes en situation de handicap, peuvent être mis en œuvre aisément. Pour les plus gros chantiers, ne baissez pas les bras, les associations de patients, de santé et les institutions de service public sont là pour vous aider.
[1] Le handicap en chiffres - édition 2024. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 2025
[2] Baromètre national de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, Handifaction, Assurance maladie, 2025
[4] Accueil et prise en charge des patients en situation de handicap : résultats de l’enquête, commission handicap du Conseil national de l’ordre des médecins, 2025
[5] SantéBD, des bandes dessinées pour comprendre la santé avec des images et des mots simples
[6] Annuaire de l’accessibilité des cabinets, Santé.fr, en partenariat avec l’association APF France handicap
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