Mise à jour :  : avril 2024

Sommaire

 

Les pénuries de médicaments (tensions d'approvisionnement, ruptures d'approvisionnement, ruptures de stock) sont devenues un sujet de préoccupation récurrent pour le public, les professionnels de santé et les pouvoirs publics, au cours des dernières années.

En 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) répertoriait 3892 signalements de risques de rupture et 988 signalements de ruptures d'approvisionnement (soit 4925 signalements au total) pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (voir définition infra). Ce nombre a crû fortement au cours des dernières années. Les principales classes thérapeutiques concernées au cours des dernières années sont les médicaments du système cardiovasculaire, du système nerveux central, les anti-infectieux, les médicaments du système digestif et du métabolisme. Les anti-cancéreux sont également concernés.
 
Ce phénomène n'est pas spécifiquement français et touche la plupart des pays européens. Les pénuries résultent de facteurs ou de combinaisons de facteurs multiples qui peuvent être de nature industrielle (défaut d'approvisionnements en matières premières ou en articles de conditionnement, problèmes de qualité...), réglementaires (renforcement des exigences des autorités publiques liées à la fabrication), logistiques (délocalisation des lieux de fabrication des matières premières et/ou des produits finis), économique (pression sur le prix des produits les plus anciens, caractère restrictif des appels d'offre publics...), liées à une grande variabilité dans le temps de la demande selon les zones géographiques(1)...
 
Pour pallier les impacts négatifs de cette situation, outre des mesures industrielles de soutien ou de relocalisation de la production, les pouvoirs publics ont défini puis renforcé le cadre juridique de la gestion des pénuries, et adopté une feuille de route 2024-2027 visant à garantir la disponibilité des médicaments(2).

Ruptures d'approvisionnement et ruptures de stock(3)

La rupture d'approvisionnement se définit comme l'incapacité pour une pharmacie d'officine ou une pharmacie à usage intérieur (hôpital) de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures, après avoir effectué une demande d'approvisionnement auprès de deux entreprises exerçant une activité de distribution de médicaments (grossiste ou répartiteur). Ce délai de 72 heures peut être réduit à l'initiative du pharmacien en fonction de la compatibilité avec la poursuite optimale du traitement du patient.
La rupture de stock se définit comme l'impossibilité pour le fabricant ou l'exploitant de fabriquer ou d'exploiter un médicament.
La rupture d'approvisionnement peut être imputable notamment à une rupture de stock, mais peut éventuellement avoir d'autres causes (mauvaise répartition des stocks sur le territoire national par exemple).

Les obligations générales des entreprises relatives à l'approvisionnement des médicaments en France(3)

La loi prévoit que les titulaires d'autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national de manière à couvrir les besoins des patients en France. De la même manière, ils doivent approvisionner tous les grossistes-répartiteurs, afin de leur permettre de faire face à leurs obligations de service public.
Les entreprises doivent prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. En cas de rupture de stock, elles doivent permettre la mise à disposition des informations dont elles disposent pour les pharmaciens de la chaîne du médicament (officine, hôpital et grossistes-répartiteurs).
Pour cela, elles doivent disposer de centres d'appel d'urgence permanents ou d'un système équivalent permettant un contact direct, accessibles aux pharmaciens de la chaîne de distribution. Ces centres doivent permettre la dispensation de la spécialité manquante dès que la rupture d'approvisionnement est effective ou, de manière anticipée, lorsque la rupture est confirmée par le grossiste-répartiteur ou le dépositaire.
Afin de prévenir ou limiter les ruptures d'approvisionnement, les entreprises pharmaceutiques responsables de la mise sur le marché d'un médicament doivent constituer un stock de sécurité destiné au marché national. Ce stock peut être situé sur le territoire français ou sur celui d'un autre État membre de l'Union européenne. La localisation de ce stock doit être communiquée à l'ANSM.
L'importance de ce stock de sécurité varie en fonction de l'importance thérapeutique du médicament concerné et de son caractère plus ou moins irremplaçable. Pour les médicaments autres que les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM - voir infra), le stock doit correspondre à la couverture d'une semaine des besoins, calculés sur la base du volume des ventes en France de la spécialité au cours des douze derniers mois hors situations exceptionnelles(4).
Ce stock de sécurité peut être porté à un mois pour certains médicaments contribuant à une politique de santé publique définie par le ministre chargé de la santé.

Des obligations renforcées pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM)

Qu'est-ce qu'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur ?

Le code de la Santé publique définit les médicaments ou classes de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) comme les médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie(5).
La liste des classes thérapeutiques contenant des MITM est fixée par un arrêté. Cela ne signifie pas que toutes les spécialités appartenant à ces classes sont des MITM. Il appartient à chaque industriel exploitant d'identifier les spécialités figurant dans son portefeuille qui relèvent des MITM et doivent faire l'objet d'un plan de gestion des pénuries (voir ci-dessous). L'ANSM peut compléter cette liste si un MITM n'y figure pas(6).
La liste des MITM devrait être publiée sur le site de l'ANSM au plus tard le 31 décembre 2024.

Une obligation de stockage renforcée pour les industriels(4)

Le stock de sécurité, défini comme le stockage du nombre d'unités de produit fini d'une spécialité prêtes à être distribuées sur le territoire français, doit permettre la couverture de deux mois des besoins nationaux, calculés sur la base du volume des ventes en France de la spécialité au cours des douze derniers mois hors situations exceptionnelles.
Cette durée de stockage peut être réduite sur décision du directeur général de l'ANSM, à la demande de l'entreprise, dans quelques cas : lorsque la durée de conservation de la spécialité est incompatible avec un stockage de 2 mois ; lorsque le médicament est produit pour chaque patient ou fabriqué à partir de produits d'origine humaine ; en raison de la saisonnalité des besoins de la spécialité ; lorsqu'il s'agit d'un gaz à usage médical.
Le directeur général de l'ANSM peut également décider d'un allongement du délai de stockage lorsque la spécialité a fait l'objet de risques de ruptures ou de ruptures de stock réguliers dans les deux années précédentes nécessitant ainsi qu'un stock supérieur à deux mois soit constitué. La durée de stockage imposée ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins.
Le titulaire de l'AMM ou l'exploitant doivent tenir les informations relatives à ces stocks à la disposition de l'ANSM et les lui transmettre, à tout moment, à sa demande.

L'obligation pour les industriels d'élaborer un plan de gestion des pénuries(7)

Les industriels doivent élaborer, sous leur responsabilité, un plan de gestion des pénuries pour les MITM qu'ils commercialisent en France, et assurer la mise en œuvre de ces plans. L'objectif de ces plans est de prévenir les ruptures de stock et, le cas échéant, d'en réduire l'impact en termes de santé publique.
Cette obligation s'applique également aux vaccins figurant sur une liste publiée par arrêté du ministre chargé de la santé.
Le contenu de ces plans est précisé par des lignes directrices édictées par le directeur général de l'ANSM.
Les principales informations, adaptées en fonction de la nature de la spécialité, concernent :
  • L'identification de la spécialité, les indications pour lesquelles elle est indispensable et l'évaluation de l'impact pour les patients d'une rupture d'approvisionnement.
  • L'identification des risques pouvant conduire à une rupture (approvisionnement en matière première, fabrication, circuit de distribution...) et une évaluation du profil de risque de rupture de la spécialité.
  • Les moyens de maîtrise prévus (notamment les stocks de sécurité, la possibilité de faire appel à d'autres sites de fabrication des matières premières ou de la spécialité...).
  • Les mesures envisagées en cas de risque de rupture ou de rupture (contingentement, restriction des circuits de distribution, recours à des stocks de spécialités destinés à des marchés étrangers, spécialités alternatives existant en France ou à l'étranger, communication prévue à l'égard des professionnels de santé et des patients...).
Les plans de gestion des pénuries doivent être actualisés en tant que de besoin, et transmis à l'ANSM une fois par an.

Mesures destinées à pallier les conséquences d'une rupture ou d'un risque de rupture d'approvisionnement

Elles impliquent les différents acteurs de la chaîne du médicament :
L'entreprise exploitante doit mettre en place, après accord de l'ANSM, des solutions alternatives permettant de faire face à cette situation et en particulier les mesures prévues par le plan de gestion des pénuries. En accord avec l'ANSM, elle doit prendre les mesures nécessaires à l'accompagnement et l'information des professionnels de santé, ainsi que les mesures permettant l'information des patients, notamment par l'intermédiaire de leurs associations.
En cas de risque grave et immédiat pour les patients, et lorsque les alternatives médicamenteuses disponibles ou les mesures communiquées par l'entreprise ne permettent pas de répondre aux besoins, le directeur général de l'ANSM peut enjoindre à l'entreprise défaillante d'importer toute alternative médicamenteuse disponible, pour la durée de la rupture de stock. Les officines de pharmacie peuvent dispenser au détail des médicaments disposant d'une telle autorisation d'importation. Ces alternatives sont prises en charge par l'assurance maladie, le surcoût éventuel étant supporté in fine par l'entreprise(8).
Lorsqu'une rupture ou un risque de rupture de stock d'un MITM est mis en évidence ou a été déclaré à l'ANSM, le directeur général peut décider que seules les pharmacies à usage intérieur des établissements hospitaliers pourront en assurer la vente au public.
En cas de rupture ou de risque de rupture le directeur général de l'ANSM peut prendre des mesures de police sanitaire (restriction d'exportation, modification des conditions de distribution, de prescription ou de délivrance...) pour garantir l'approvisionnement du marché
Le fait pour l'entreprise de ne pas respecter ses obligations en matière de stocks de sécurité, d'information de l'ANSM sur les ruptures ou les risques de ruptures, de recherche de solution alternative ou d'importation est passible de sanctions financières(9).
Pour les MITM concernés par la rupture d'approvisionnement, le ministre de la santé peut :
    − faire appel à des préparations hospitalières en cas de rupture de stock ou d'arrêt de commercialisation d'un MITM et autoriser leur dispensation par des pharmacies d'officine(10) ;
    − autoriser la réalisation par les pharmacies d'officine de préparations magistrales spéciales(11) ;
    − rendre obligatoire le recours à l'ordonnance de dispensation conditionnelle(12) ;
    − rendre obligatoire la délivrance de médicaments à l'unité(12).
Les grossistes-répartiteurs ont l'interdiction d'exporter hors du territoire national ou de vendre à des distributeurs en gros à l'exportation des MITM en rupture ou risque de rupture. Cette interdiction doit être appliquée jusqu'à la remise à disposition normale du médicament sur le territoire national.

L'information sur la disponibilité des médicaments et des vaccins

La plupart des mesures prises en matière d'information sur la disponibilité des médicaments concerne les ruptures ou risques de rupture (tensions d'approvisionnement) des MITM, à l'exception du DP-Ruptures mis en place par l'Ordre national des pharmaciens, qui concerne tous les médicaments.

Information de l'ANSM par les industriels

Les titulaires d'autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant un MITM doivent informer l'ANSM dès qu'ils ont connaissance d'un risque de rupture de stock ou d'une rupture de stock de ce médicament. Pour cela, l'ANSM a mis au point la plateforme de télédéclaration TRUSTMED.
De leur côté, en collaboration avec l'ANSM, les organisations professionnelles représentatives des entreprises du médicament (Leem, Gemme et Lemi) ont mis en place une plateforme « TRACStocks » (Traçabilité Risque Anticipation Consolidation des Stocks) afin de faciliter et sécuriser la déclaration des données de stocks des MITM par les entreprises à l'ANSM en cas de tension ou de rupture d'approvisionnement.

Information des professionnels de santé et des patients

Le site de l'ANSM (rubrique « disponibilité des produits de santé ») recense les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur et les vaccins faisant l'objet de difficultés d'approvisionnement et pour lesquels, il n'y a pas d'alternative thérapeutique disponible sur le marché français. Les autres ruptures qui sont compensées par des alternatives ne sont pas publiées.
Les vaccins font l'objet d'un suivi particulier par l'ANSM, en liaison avec les laboratoires concernés.
Les listes (médicaments et vaccins en tension ou en rupture) consultables sur le site de l'ANSM comportent des informations destinées aux professionnels de santé et aux patients, notamment : les indications thérapeutiques de la spécialité qui connaît une tension d'approvisionnement ou qui est en rupture, les mesures prises pour faire face à la situation (contingentement, importation temporaire d'une spécialité équivalente...) et la date prévue de retour à un approvisionnement normal lorsqu'elle est connue. Les mesures prises comportent fréquemment la diffusion par le laboratoire d'un courrier destiné aux professionnels de santé, validé par l'ANSM.
L'information des professionnels de santé sur les ruptures ou risque de rupture des MITM via les logiciels d'aide à la prescription est actuellement en cours d'expérimentation, en lien entre l'ANSM et certains éditeurs.

Le DP-Ruptures

Le DP-Ruptures a été mis en place par l'Ordre national des pharmaciens, afin de fluidifier la transmission d'information entre les acteurs du circuit du médicament et améliorer la gestion des ruptures d'approvisionnement. Les ruptures concernées couvrent l'ensemble des médicaments, dès lors que le pharmacien ne peut plus s'approvisionner en un médicament pendant 72 heures.
Cet outil professionnel permet aux pharmaciens d'officine et de pharmacie à usage intérieur (PUI) de signaler les ruptures d'approvisionnement au pharmacien responsable du laboratoire exploitant et à l'ANSM. En retour de leur déclaration, les déclarants ont accès aux informations telles que date de retour prévue, médicaments alternatifs etc.



(1)  Data.ansm/ruptures.


(2)  Garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle - feuille de route 2024-2027.


(3)  Article L.5121-29 du code de la Santé publique (CSP).


(4)  Article R.5124-49-4 du CSP.


(5)  Article L.5111-4 du CSP.


(6)  Article L.5121-31 du CSP.
Arrêté du 27 juillet 2016 fixant la liste des classes thérapeutiques contenant des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l'article L.5121-31 du CSP.
Arrêté du 26 juillet 2016 fixant la liste des vaccins devant faire l'objet des plans de gestion des pénuries mentionnés à l'article L.5121-31 du CSP.


(7)  Article R.5124-49-5 du CSP.
Décision du 21/07/2021 fixant les lignes directrices pour l'élaboration des plans de gestion des pénuries en application de l'article R. 5124-49-5 du code de la santé publique.


(8)  Article L. 5121-33-3 du CSP.


(9)  Article L.5423-9 du CSP (sanctions financières).


(10)  Article L.5121-1, 2°, a) du CSP.


(11)  Article L.5121-1, 3° du CSP.


(12)  Article L. 5121-33-1 du CSP.

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