LYRICA et génériques sont indiqués dans la prise en charge des douleurs neuropathiques, de certaines formes d’épilepsie et du trouble anxieux généralisé (illustration).
Un arrêté publié au Journal officiel du 24 février 2021 modifie les modalités de prescription et de délivrance des spécialités à base de prégabaline (cf. Encadré 1).
EDIT du 26 mai 2021 : Les ordonnances de LYRICA ou génériques établies avant le 24 mai 2021 demeurent valables après cette date. En pratique, les pharmaciens peuvent délivrer le traitement de prégabaline à partir d'une ordonnance non sécurisée si celle-ci a été établie avant le 24 mai, y compris si la période de validité est supérieure à 6 mois. Les nouvelles règles de prescription et de délivrance s'appliquent aux ordonnances établies après le 24 mai.
Dans les établissements de santé, le recours à l'ordonnance sécurisée ne s'applique que pour les patients non hospitalisés, ou les prescriptions de sortie d'hôpital (mise à jour de l'ANSM - 20 mai 2021). /FIN EDIT
Encadré 1 - Spécialités de prégabaline commercialisées en France et indications thérapeutiques de l'AMM*
Spécialités de prégabaline en France :
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* autorisation de mise sur le marché
Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 24 mai 2021 et soumettront la prégabaline en partie à la réglementation des stupéfiants, avec une prescription sur ordonnance sécurisée, conformément à l'article R. 5132-5 du code de la santé publique (cf. Encadré 2).
Encadré 2 - Article R. 5132-5 du code de la santé publique
"La prescription, ainsi que toute commande à usage professionnel, de médicaments ou produits destinés à la médecine humaine ou de médicaments destinés à la médecine vétérinaire classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants est rédigée sur une ordonnance répondant à des spécifications techniques fixées, après avis du directeur général de l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), par arrêté du ministre chargé de la santé." |
Cet arrêté ministériel prévoit par ailleurs une limitation de la prescription de la prégabaline à 6 mois de traitement (soir 5 renouvellements maximum à partir de la même ordonnance). La poursuite du traitement sera possible, mais nécessitera une nouvelle prescription.
- elle précise les arguments en faveur de cette nouvelle réglementation applicable à la prégabaline,
- elle rappelle les règles de bon usage de cette substance (cf. Encadré 3).
Encadré 3 - Bon usage de la prégabaline
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Une substance surveillée de près par les réseaux d'addictovigilance
Les nouvelles modalités de prescription et de délivrance de la prégabaline, plus contraignantes et sécurisées, visent à réduire les risques de pharmacodépendance, d'abus et d'usage détourné associés à cette substance gabapentinoïde (cf. Encadré 4).
Encadré 4 - Éléments de pharmacologie relatifs à la prégabaline (et gabapentine)
La prégabaline appartient à la classe de gabapentinoïdes, tout comme la gabapentine (NEURONTIN). Les gabapentinoïdes agissent au niveau de la terminaison synaptique de différents neurones du système nerveux central et induisent une diminution de l'excitabilité des neurones, d'où leur utilisation dans les douleurs neuropathiques. La prégabaline et la gabapentine présentent un mécanisme d'action similaire, mais des propriétés pharmacocinétiques différentes :
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Depuis 2013, la prégabaline est surveillée dans le cadre du dispositif d'addictovigilance, suite à des signaux d'usage détourné émis dès 2010 en Europe et en France.
Dès 2015, l'analyse des données par le comité technique des Centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) a précisé les situations de mésusage rapportées avec la prégabaline :
- détournement des prescriptions avec falsification d'ordonnance et nomadisme médical et/ou pharmaceutique ;
- augmentation de l'utilisation de la prégabaline au sein des populations à risque (sujets traités par des médicaments de substitution aux opiacés ou présentant des antécédents d'abus), pouvant évoluer vers une consommation à finalité non thérapeutique liée à une obtention illégale.
En 2016, l'ANSM a sensibilisé les prescripteurs et pharmaciens
Suite à ces premières alertes, en 2016, l'ANSM a appelé les professionnels de santé à redoubler de vigilance en cas de prescription de prégabaline, en particulier chez les patients présentant des antécédents de toxicomanie, avec l'instauration d'une surveillance des signes de mésusage, d'abus ou de dépendance tels que :
- le développement d'une tolérance,
- l'augmentation des doses,
- un comportement de recherche du médicament.
Depuis 2018, les indicateurs de mésusage de la prégabaline sont en augmentation, comme le montrent les données analysées par le CEIP-A de Toulouse, portant sur la période 2014-2018 et décrites dans le compte-rendu de séance du Comité technique des centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (21 mars 2019-pages 9 à 13), et les dernières enquêtes du réseau des centres d'addictovigilance :
- 181 cas d'abus, de dépendance et d'usage détourné rapportés au total sur la période 2014-2018 ;
- 106 cas en 2018, contre 26 cas en 2017, 18 en 2016, 18 en 2015 et 13 en 2014 ;
- 234 cas en 2019, soit un doublement des signalements en 1 an.
Les ordonnances falsifiées de prégabaline se sont multipliées
Ces données mettent en évidence les phénomènes suivants :
- acquisition illégale en nette hausse et mise en place d'un trafic de prégabaline : la prégabaline est obtenue illégalement dans près de la moitié des cas (ordonnance falsifiée, nomadisme ou deal/achat de rue) ;
- augmentation importante des falsifications d'ordonnance de prégabaline : selon des données recueillies dans le cadre de l'OSIAP (ordonnances suspectes-indicateur d'abus possible), 429 déclarations d'ordonnance falsifiée ont été collectées en 2019 (contre 226 en 2018 et 26 en 2016). La prégabaline est passée en tête des substances faisant l'objet d'ordonnance falsifiée.
Profils des consommateurs : homme, jeune, polyconsommateur
Les enquêtes d'addictovigilance montrent que les consommateurs de prégabaline sont majoritairement des hommes (82 %) jeunes (âge moyen 27 ans), dont des mineurs en situation de précarité et parfois en détention ou en centre de rétention administrative.
Près de 7 consommateurs sur 10 (69 %) présentent des antécédents d'abus ou sont des polyconsommateurs. La consommation de prégabaline vient en complément des médicaments substitutifs aux opiacés, opioïdes analgésiques ou clonazépam (dans 65 % des cas de polyconsommation, la prégabaline est associée à une benzodiazépine).
Trois types de comportements de mésusage
Les données recueillies en 2019 indiquent 3 finalités d'usage de la prégabaline :
- prise à visée de défonce,
- prise à visée euphorisante,
- prise à visée antalgique.
Les patients peuvent développer une dépendance issue d'un usage thérapeutique à visée antalgique ou anxiolytique, ou pour limiter le syndrome de sevrage aux opioïdes.
En termes de posologie, dans son bulletin édité en 2019, l'association des centres d'addictovigilance relève que, "en population générale, 8 à 12 % des sujets initiant la prégabaline en contexte thérapeutique présentent un mésusage par l'utilisation de doses supérieures aux doses maximales thérapeutiques (jusqu'à 900 mg par jour)".
Un mésusage aux conséquences sanitaires graves
Les différentes enquêtes mettent en évidence une augmentation des complications médicales associées à un mésusage de prégabaline :
- selon une enquête DRAMES (décès en relation avec l'abus de médicaments et de substances), la prégabaline apparaît impliquée dans des décès liés à l'usage de drogues, toujours en association avec d'autres substances ;
- selon l'enquête DTA (décès toxiques par antalgiques) : la prégabaline apparaît également impliquée dans des décès liés à l'utilisation d'antalgiques.
Les principales complications aiguës liées au mésusage de la prégabaline sont :
- un coma,
- des troubles de la conscience,
- une désorientation,
- une confusion.
Une prise en charge hospitalière a été rapportée pour 39 % des cas.
Les complications chroniques sont la dépendance (27 %), associée à des syndromes de sevrage, des troubles du comportement (agressivité), des troubles cognitifs, une dépression, un ralentissement psychomoteur et des problèmes cardiaques.
Selon l'enquête OPPIDUM (Observation des produits psychotropes illicites ou détournés de leur utilisation médicamenteuse), la prégabaline est apparue pour la première fois en 2019 comme le premier produit ayant entraîné une dépendance chez des usagers de drogues.
Prégabaline et dépression respiratoire aux opioïdes
Les études chez l'animal montrent :
- que l'association opioïde/prégabaline diminue les symptômes de sevrage des opioïdes,
- mais que cette association abaisse le seuil de tolérance aux opioïdes, ce qui augmente le risque d'overdose et de dépression respiratoire.
Report sur la gabapentine ? Une éventualité à anticiper...
Seule la prégabaline est concernée par les nouvelles mesures de prescription et de délivrance.
En effet, au sein des gabapentinoïdes, les propriétés pharmacocinétiques (cf. Encadré 3) sont en faveur d'un potentiel d'abus supérieur de la prégabaline par rapport à celui de la gabapentine (NEURONTIN et génériques), ce qui est confirmé par les données d'addictovigilance recueillies.
En outre, la consommation de gabapentine en France est très inférieure à celle de la prégabaline.
Cependant, la gabapentine présente un mécanisme d'action similaire à la prégabaline. Les restrictions applicables à la prégabaline sont susceptibles d'entraîner un report du mésusage sur la gabapentine, qu'il convient d'anticiper. Pour les experts du Comité scientifique permanent psychotropes, stupéfiants et addictions, la gabapentine doit faire l'objet d'une vigilance renforcée (cf. compte-rendu du comité technique des CEIP-A).
Dans son communiqué du 24 février 2021, l'ANSM recommande à ce titre de prendre en compte cette éventualité chez les patients présentant un risque de mésusage et de :
- surveiller un report vers la gabapentine,
- signaler ces situations au CEIP-A de référence.
Arrêté du 12 février 2021 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de prégabaline et fixant leur durée de prescription (Journal officiel du 24 février 2021 - texte 32)
Prégabaline (Lyrica et génériques) : modification des conditions de prescription et délivrance pour limiter le mésusage (ANSM, 24 février 2021)
Comité scientifique permanent psychotropes, stupéfiants et addictions - Compte-rendu de séance du 1er octobre 2020 (ANSM, 1er octobre 2020)
Rapport d'addictovigilance sur la prégabaline du CEIP-A de Toulouse, de septembre 2020 (sur le site de l'ANSM, 24 février 2021)
Une crise des gabapentinoïdes (Bulletin de l'association des centres d'addictovigilance - septembre 2019)
Risques d'abus, de mésusage et de pharmacodépendance liés à l'utilisation de la prégabaline (Lyrica et génériques) - Point d'Information (ANSM, 30 juin 2016)
Sur vidal.fr
LYRICA ET GÉNÉRIQUES (PRÉGABALINE) : MISE EN GARDE SUR LES RISQUES D'ABUS, DE MÉSUSAGE ET DE DÉPENDANCE (4 juillet 2016)
Pour aller plus loin
Consultez les monographies VIDAL
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