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PAXLOVID et immunosuppresseurs : conduite à tenir pour réduire le risque d'effets indésirables

Des effets indésirables graves ont été signalés chez des patients sous immunosuppresseurs et traités par PAXLOVID. L'ANSM rappelle le risque d'interaction qui existe entre ces médicaments et la conduite à tenir en cas de coadministration inévitable.

David Paitraud 27 mars 2024 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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PAXLOVID augmente l’exposition aux médicaments principalement métabolisés par le CYP3A.

PAXLOVID augmente l’exposition aux médicaments principalement métabolisés par le CYP3A.Tom Merton / OJO Images / via Getty Images

Résumé

Des effets indésirables graves, voire mortels, générés par une interaction médicamenteuse entre certains immunosuppresseurs (tacrolimus, ciclosporine, évérolimus et sirolimus) et l'antiviral PAXLOVID (nirmatrelvir et ritonavir) ont été signalés. 

En tant qu'inhibiteur puissant du CYP3A, PAXLOVID majore l'exposition à ces immunosuppresseurs avec pour conséquence une augmentation de leur toxicité. En outre, ces immunosuppresseurs sont à marge thérapeutique étroite ; les concentrations thérapeutiques sont proches des concentrations toxiques. 

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le laboratoire Pfizer rappellent aux professionnels de santé les recommandations d'utilisation de PAXLOVID chez des patients traités de façon chronique par ces immunosuppresseurs, en particulier : 

  • la consultation d’un groupe pluridisciplinaire de spécialistes pour prendre en charge la complexité de la coadministration ; 
  • la nécessité de surveiller les concentrations sanguines des immunosuppresseurs (pour ajustement des doses si besoin) pendant et après la fin du traitement par PAXLOVID.

Si un traitement par PAXLOVID est envisagé chez un patient traité par un de ces immunosuppresseurs, les prescripteurs sont invités à se référer aux recommandations de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT). Le traitement par immunosuppresseur est soit suspendu pendant le traitement par PAXLOVID (et quelques jours après), soit maintenu avec une réduction de la dose. 

À la demande du Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) alerte les professionnels de santé français sur le risque d'interaction pharmacocinétique entre l'antiviral PAXLOVID 150 mg + 100 mg comprimé pelliculé (nirmatrelvir et ritonavir) et certains médicaments immunosuppresseurs à marge thérapeutique étroite [1] (cf. Encadré). 

En effet, des cas graves (et fatals pour certains) ont été signalés chez des patients traités de façon chronique par ces immunosuppresseurs et de façon concomitante par PAXLOVID. « La coadministration de PAXLOVID avec certains immunosuppresseurs à marge thérapeutique étroite (...) peut entraîner des réactions susceptibles d’engager le pronostic vital, voire d’être fatales, en raison d’interactions pharmacocinétiques », soulignent l'ANSM et le laboratoire Pfizer [2]. 

Pour mémoire, PAXLOVID est indiqué dans le traitement de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) chez les patients adultes qui ne nécessitent pas de supplémentation en oxygène et qui présentent un risque accru d'évolution vers une forme sévère de la Covid-19. Le traitement dure 5 jours. 

Encadré -  Immunosuppresseurs à marge thérapeutique étroite

Inhibiteurs de la calcineurine 

  • Tacrolimus : spécialités ADOPORT, ADVAGRAF, CONFEROPORT, ENVARSUS, MODIGRAF et PROGRAF
  • Ciclosporine : spécialités NEORAL, SANDIMMUN

Inhibiteurs de mTOR (évérolimus, sirolimus)

  • Évérolimus : spécialités AFINITOR, CERTICAN, VOTUBIA, EVEROLIMUS ARROW, EVEROLIMUS BIOGARAN, EVEROLIMUS EG, EVEROLIMUS HCS, EVEROLIMUS SANDOZ, EVEROLIMUS TEVA, EVEROLIMUS VIATRIS et EVEROLIMUS ZENTIVA
  • Sirolimus : spécialités RAPAMUNE

Ces médicaments immunosuppresseurs sont indiqués en prévention du rejet d'organe chez des personnes transplantées. 

Un risque de surdosage en immunosuppresseur

La métabolisation du tacrolimus, de la ciclosporine, de l'évérolimus et du sirolimus fait intervenir le cytochrome P450-3A4 (CYP3A4). Or, le PAXLOVID est un puissant inhibiteur du CYP3A. Ainsi, en cas de coadministration, il résulte de cette interaction une élévation des concentrations plasmatiques des médicaments substrats du CYP3A4 (source SFPT).

Sont rapportées des augmentations en moyenne :

  • d'un facteur 40 de l'exposition au tacrolimus ;
  • d'un facteur 15 de l'exposition à l'évérolimus ;
  • d'un facteur 11 de l'exposition au sirolimus ; 
  • d'un facteur 8 de l'exposition à la ciclosporine.

Une toxicité entraînant des effets indésirables graves, voire mortels

Les inhibiteurs de la calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) et les inhibiteurs de mTOR (évérolimus, sirolimus) sont des médicaments à marge thérapeutique étroite. En cas de coadministration avec PAXLOVID, le risque toxique de ces immunosuppresseurs peut être rapidement majoré. « Dans plusieurs cas, il a été observé que les concentrations d’immunosuppresseurs augmentaient rapidement jusqu’à atteindre des niveaux toxiques menaçant le pronostic vital. Par exemple, des concentrations élevées de tacrolimus peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë et augmenter le risque d'infections graves en raison d'une immunosuppression excessive », indique le laboratoire dans son courrier aux professionnels de santé.

Conduite à tenir pour réduire les risques 

Chez les patients sous immunosuppresseur à marge thérapeutique étroite, le bénéfice potentiel du traitement par PAXLOVID pour traiter une Covid-19 doit être soigneusement évalué par rapport aux risques graves encourus si les interactions médicamenteuses ne sont pas gérées de manière appropriée.

D'une façon générale, la décision doit être prise après consultation systématique du résumé des caractéristiques du produit (RCP) de PAXLOVID et des recommandations de la Société française de pharmacologie thérapeutique (SFPT). Cette décision impose :

  • la consultation d’un groupe pluridisciplinaire de spécialistes pour prendre en charge la complexité de la coadministration : ce groupe implique par exemple des médecins, des spécialistes du traitement immunosuppresseur et/ou des spécialistes en pharmacologie clinique ;
  • une surveillance des concentrations sanguines des immunosuppresseurs pendant et après le traitement par PAXLOVID.

Recommandations de la SFPT : suspension ou adaptation posologique

La SFPT a actualisé le 29 février 2024 ses recommandations relatives aux interactions avec PAXLOVID

Pour chaque molécule, elle précise la nature et l'amplitude de l'effet de l'interaction et détaille le protocole recommandé pour l'utilisation de PAXLOVID (si non contre-indiqué). 

Avec les immunosuppresseurs à marge thérapeutique étroite, dans tous les cas : 

  • le recours à PAXLOVID est possible, mais uniquement avec avis du spécialiste d'organe et du pharmacologue ;
  • un suivi thérapeutique pharmacologique des immunosuppresseurs est indispensable tous les 2 à 3 jours pendant et à l'issue du traitement par PAXLOVID.

Pour le tacrolimus, deux schémas sont envisageables selon le profil du patient : 

  • patients à faible risque immunologique : suspension du traitement par tacrolimus. Dans ce cas, PAXLOVID est initié 12 heures après la dernière prise de tacrolimus. La reprise du tacrolimus se fera à J8 (le 3e jour après la fin du traitement antiviral par PAXLOVID) à 50 % de la dose journalière usuelle puis 100 % dès J9 ;
  • patients à fort risque immunologique :  
    • administrer 1/8e de la dose journalière (DJ) en tacrolimus le 1er jour du traitement par PAXLOVID,
    • puis suspension du tacrolimus et reprise à J8 (le 3e jour après la fin du traitement antiviral) à 50 % de la dose journalière usuelle puis 100 % dès J9.

Pour la ciclosporine, l'évérolimus et le sirolimus, le traitement n'est pas suspendu, mais la dose doit être réduite : 

  • ciclosporine : de J1-J8 administrer 1/5e de la dose totale journalière le matin ;
  • évérolimus et de sirolimus : administrer 1/8e de la dose totale journalière toutes les 48h (J1-J3-J5-J7) durant et après le traitement par nirmatrelvir/ritonavir ;
  • reprise de l'immunosuppresseur à sa posologie initiale à J9.

Surveillance des concentrations sanguines des immunosuppresseurs

L'utilisation de PAXLOVID avec ces immunosuppresseurs ne doit être envisagée que si une surveillance étroite et régulière des concentrations sanguines des immunosuppresseurs est possible. Cette surveillance permet d'ajuster la dose d'immunosuppresseur conformément aux recommandations de la SFPT et d'éviter ainsi une surexposition à l’immunosuppresseur et des effets indésirables graves associés.

La surveillance doit être effectuée pendant et après la fin du traitement par PAXLOVID.

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