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Diarrhée du voyageur, le plus souvent bénigne

La « turista » est la forme la plus fréquente de diarrhée aiguë du voyageur, spontanément résolutive, dont la prise en charge s’appuie sur la réhydratation. L’antibiothérapie n’a sa place que dans les formes graves ou des situations particulières.

Isabelle Hoppenot 02 juillet 2024 Image d'une montre6 minutes icon Ajouter un commentaire
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Attention à l'eau pouvant être contaminée.

Attention à l'eau pouvant être contaminée. Pheelings Media / iStock / Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

La diarrhée aiguë survenant chez le voyageur, notamment en zone tropicale, est un motif fréquent de consultation.

Il s’agit le plus souvent d’un épisode bénin, qui cède spontanément en 1 à 3 jours, mais certaines formes peuvent être plus graves.

Ses principales complications sont la déshydratation et la diffusion infectieuse, qui sont favorisées par les âges extrêmes de la vie ou une situation pathologique telle qu’une immunodépression.

La prise en charge se fonde essentiellement sur la réhydratation, éventuellement un antidiarrhéique.  

La place de l’antibiothérapie est limitée à des situations particulières. Elle est proscrite en prophylaxie, sauf cas relevant d’une indication spécialisée.

La prévention de la diarrhée du voyageur est essentielle et repose sur des règles hygiéno-diététiques simples, rappelées dans la VIDAL Reco sur les diarrhées aiguës de l’adulte, qui vient d’être actualisée. 

La diarrhée aiguë est définie par la présence d’au moins 3 selles non formées par 24 heures ou par l’émission de selles plus nombreuses qu’à l’accoutumée. Elle est fréquente chez les voyageurs, pendant le voyage et/ou lors du retour, en lien avec le péril fécal via la consommation d’aliments ou d’eau contaminés. La VIDAL Reco sur les diarrhées aiguës de l'adulte y a notamment consacré un article spécifique. 

Le plus souvent, il s'agit d'une forme bénigne (supportable et sans répercussion sur les activités), la « turista », qui survient pendant le séjour ou les 7 jours suivant le retour, et cède spontanément en 1 à 3 jours.

Certaines formes sont plus sévères et peuvent nécessiter une prise en charge médicale : activités prévues impossibles ou difficilement compatibles, syndrome dysentérique (selles glaireuses, douleurs abdominales...), avec présence de sang dans les selles.

La diarrhée est dite persistante si elle dure plus de 2 semaines. Un portage digestif de bactéries multirésistantes (BMR) (E. coli BLSE [bêtalactamases à spectre élargi]) est en effet possible, en particulier au retour d’Asie.

Les micro-organismes responsables sont, dans environ 80 % des cas, des bactéries (Escherichia coli entérotoxinogène, E. coli entéropathogène, Campylobacter spp., Shigella spp., Salmonella spp., Aeromonas spp., Plesiomonas shigelloides, Vibrio spp.). Plus rarement, il s’agit de virus (de 10 à 15 % des cas : rotavirus, norovirus, etc.) ou de parasites (de 5 à 10 % : Entamoeba histolytica, Giardia lamblia, Cryptosporidium spp., Isospora belli, Cyclospora, etc.).

En cas de diarrhée fébrile, deux diagnostics doivent être systématiquement envisagés :

  • l'accès palustre, en particulier chez l'enfant ;
  • la fièvre typhoïde.

L’interrogatoire recherche toujours une cause non infectieuse de diarrhée, notamment médicamenteuse.

Prise en charge : la réhydratation au premier plan

La prise en charge vise à éviter ou corriger la déshydratation, qui doit être dépistée par l’examen clinique (sensation de soif, lipothymies, réduction de la diurèse, tachycardie, pli cutané persistant...).

Habituellement, le traitement se fonde sur la réhydratation orale, en alternant les liquides salés et sucrés, qui doit être instaurée dès les premières selles liquides. Il peut être fait appel à un soluté de réhydratation orale. En cas de nausées ou vomissements associés, les liquides doivent être donnés froid, en petites quantités.

Une réhydratation par voie veineuse est parfois nécessaire, de même, qu'une hospitalisation en présence d’un sepsis ou d’un terrain à risque (sujet âgé, patient immunodéprimé notamment). 

Quelle place pour les antidiarrhéiques ?

Les ralentisseurs de la motricité intestinale ne doivent pas être utilisés en cas de diarrhée grave, glairo-sanglante ou fébrile.

Si la diarrhée est bénigne ou modérée, un antidiarrhéique antisécrétoire (racécadotril, à éviter pendant la grossesse et l'allaitement) peut atténuer la symptomatologie clinique.

Le lopéramide est déconseillé pour le syndrome dysentérique. Il est à réserver aux diarrhées très liquides, fréquentes et abondantes ou à certaines situations (trajet en avion, par exemple). Il peut, si besoin, être prescrit en cure courte pendant la grossesse et l'allaitement.

Les pansements intestinaux (diosmectite) et les probiotiques n'ont pas prouvé leur efficacité et ne sont pas recommandés.

Quelle place pour les antibiotiques ?

La place de l’antibiothérapie est limitée. Un traitement probabiliste d'emblée n’est recommandé qu’en l'absence de possibilité de consultation rapide, en cas de diarrhée sévère (syndrome dysentérique) et/ou de terrain à haut risque de décompensation (personnes âgées) ou de bactériémie (immunodépression sévère, drépanocytose, etc.).

L'azithromycine peut être prescrite dans toutes les diarrhées sévères. Elle constitue le traitement de première intention en présence d’un syndrome dysentérique ou d’une diarrhée grave non dysentérique au cours ou au décours d'un séjour en Asie (résistance de Salmonella spp et de Campylobacter spp aux fluoroquinolones). La posologie recommandée chez l'adulte (hors AMM) est de 1 g en prise orale unique ou de 500 mg 1 fois par jour pendant 3 jours.

S'il y a une contre-indication, une intolérance ou une indisponibilité de l’azithromycine, la ciprofloxacine peut être prescrite en cas de diarrhée grave non dysentérique, sauf séjour en Asie, et lorsqu’il existe un syndrome dysentérique. La posologie, chez l’adulte, est de 500 mg matin et soir, pendant 3 jours (si la fonction rénale est normale).

Il n’y a aucune place pour une antibiothérapie préventive avant le voyage, sauf situations particulières, telles qu’une immunodépression ou une maladie intestinale chronique inflammatoire, toujours après avis d’un spécialiste.

L’antibiothérapie est débutée, si la situation clinique le permet, après la réalisation d’une coproculture

Quand demander des examens microbiologiques ?

Les examens microbiologiques (examen direct rapide des selles et/ou coproculture bactérienne et parasitaire) sont indiqués devant un syndrome dysentérique, une diarrhée persistante au-delà du 4e ou 5e jour, une aggravation de l'état clinique ou la survenue de nouveaux symptômes, en cas de diarrhée fébrile, d'immunodépression, en présence de signes de gravité ou en zone tropicale.

Les prélèvements doivent être effectués, si possible, avant l'initiation de tout traitement anti-infectieux.

L'examen coprologique comporte :

  • un examen direct pouvant mettre en évidence des bactéries mobiles, des protozoaires ;
  • une coproculture bactérienne et parasitaire réalisée sur prélèvement frais ou conservé moins de 12 heures ;
  • un examen parasitologique pratiqué sur selles fraîches ;
  • éventuellement, une recherche de toxines.

Il est important que le prescripteur informe le biologiste des conditions de survenue de la diarrhée afin d'orienter les recherches. 

Des hémocultures sont indiquées en cas de forme sévère, de sepsis, en particulier chez les personnes fragilisées.

La prévention s’appuie sur des règles d’hygiène

Le risque de diarrhée est avant tout lié au péril fécal.

Il est donc essentiel, en particulier chez le voyageur, de rappeler les règles d’hygiène :

  • se laver les mains après passage aux toilettes et avant toute manipulation d’aliments, à l’eau et au savon, à défaut avec un gel ou une solution hydroalcoolique en l’absence d’eau, suivi d’un séchage avec un linge propre ou à l’air libre ;
  • préférer les plats bien cuits, ne pas consommer d’aliments achetés dans la rue (sauf s’ils sont brûlants), ni de glace artisanale ni de lait et produits laitiers (sauf bouillis), éplucher les fruits et légumes (à défaut les laver soigneusement), éviter les crudités, les coquillages et les plats réchauffés ;
  • ne consommer de l’eau en bouteille que si elle est décapsulée devant soi, sans glaçons. Opter pour de l’eau bouillie ou désinfectée.

D’après un entretien avec le Pr Christian Chidiac, Lyon.

Sources

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