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Les nouveaux antibiotiques ciblant les bactéries multirésistantes

Les nouveaux antibiotiques, apparus depuis vingt ans, visent essentiellement les  bactéries multirésistantes, source d'impasses thérapeutiques, et qui constituent aujourd'hui une menace mondiale.
Rémy Gauzit 13 juillet 2021 Image d'une montre16 minutes icon Ajouter un commentaire
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Un plan d'action mondial de lutte contre l'antibiorésistance (illustration).

Un plan d'action mondial de lutte contre l'antibiorésistance (illustration).


Résumé : 
En 1990, on disposait en France de 120 molécules antibiotiques commercialisées. Fin 2020, il n'y en avait plus que 79, auxquelles il faut ajouter 10 antituberculeux et 5 antibiotiques réservés au traitement des infections urinaires.

Depuis le début du siècle, aucun nouvel antibiotique destiné au traitement d'infections bactériennes courantes, et disponible en officine, n'a vu le jour.

Pourtant, durant ces vingt dernières années, 17 nouvelles molécules ont été enregistrées et mises sur le marché. Quinze antibiotiques sont de vrais nouveautés, même si le développement de certains a débuté il y a plus de 30 ans. Il existe aussi deux molécules anciennes, réhabilitées en raison de l'évolution des résistances.

Mais, en dehors de quelques spécialistes, qui est en mesure de citer ces
antibiotiques, et surtout de connaître les situations où les utiliser ?


Très peu de professionnels de santé car leur usage ou leur prescription sont exclusivement hospitaliers pour le traitement d'infections à bactéries multirésistantes (BMR). Ces antibiotiques sont essentiellement utilisés dans des services spécialisés, de réanimation en particulier et, si possible, après un diagnostic bactériologique établi. Seuls certains sont rétrocédables en ville.

Si leur prescription est habituellement alignée sur les indications de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), ces molécules sont aussi employées hors AMM, à condition de viser des bactéries sensibles et si les conditions PK/PD (relation pharmacocinétique/pharmacodynamique) requises sont vérifiées. 

Le Dr Rémy Gauzit, réanimateur-infectiologue à l'hôpital Cochin à Paris, travaille depuis plus de 30 ans sur la prise en charge de ces infections à BMR, souvent nosocomiales. Il nous propose une synthèse sur ces nouveaux antibiotiques.

Dr François Trémolières, infectiologue


Depuis le début des années 2000, le « pipeline » des nouveaux antibiotiques était en voie d'assèchement. Seules deux nouvelles molécules ont été mises sur le marché entre 2008 et 2012, alors que l'on sait que toute prescription antibiotique (même la plus justifiée) crée de la résistance.

La principale raison de ce tarissement a été une déconnexion du modèle économique des antibiotiques, avec un retour sur investissement « insuffisant » pour permettre d'alimenter la recherche et le développement de nouvelles molécules, d'où un désintérêt de l'industrie pharmaceutique pour l'antibiothérapie.

En parallèle, l'émergence de résistances, en particulier celle des bactéries à Gram négatif (BGN), s'est accélérée pour devenir une véritable « pandémie mondiale ». Dans ce contexte, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a approuvé, en 2015, un plan d'action mondial de lutte contre l'antibiorésistance. L'un de ses principaux axes était de favoriser le développement « soutenu » de nouveaux antibiotiques. Des mesures financières et économiques incitatives ont été prises au niveau international, pour favoriser des investissements durables dans la mise au point de nouvelles molécules, d'outils de diagnostic et de vaccins. Quant aux organismes de régulation, ils ont assoupli les procédures et les règles permettant d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Depuis 3 ou 4 ans, de nouveaux antibiotiques ont ainsi été mis à la disposition des prescripteurs hospitaliers. Une cinquantaine de molécules sont aussi à l'étude, sachant que beaucoup d'entre elles verront leur développement s'arrêter pour des raisons de manque d'efficacité et, surtout, de toxicité.

Cette évolution, qui était nécessaire, en raison d'impasses thérapeutiques de plus en plus fréquentes, est bien évidemment un atout. Mais il existe des contreparties. Les dossiers d'AMM qui parviennent aux agences de régulation sont constitués a minima, complétés au fil du temps, avec des résumés des caractéristiques des produits (RCP) également évolutifs. Si bien que, au moment de l'obtention d'une AMM, beaucoup d'éléments restent encore inconnus : positionnement dans l'arsenal antibiotique, indications, détermination des posologies optimales, etc.

Ce texte fait le point sur l'intérêt, en clinique, de ces nouvelles molécules, leur positionnement dans l'arsenal thérapeutique et leur bon usage, ce que ne reflète pas toujours le libellé d'AMM (RCP). Elles sont utilisées à ce jour dans des niches hospitalières (en raison de la fréquence des résistances), mais certaines sont de plus en plus souvent prescrites… d'où l'émergence de nouvelles résistances…


1re partie : les céphalosporines à activité anti-staphylocoque résistant à la méticilline, les molécules à spectre large ; les molécules anti-cocci à Gram positif et le renouveau de « vieilles molécules ».

Les céphalosporines à activité anti-staphylocoque résistant à la méticilline
  • Ceftaroline (ZINFORO - AMM  août 2012)
Le spectre de la ceftaroline est très proche de celui du céfotaxime (elle est donc inactive sur Pseudomonas aeruginosa, les bactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi [BLSE], la céphalosporinase [AmpC] et les entérocoques), mais avec une activité moindre (concentrations minimales inhibitrices [CMI] plus élevées).

Son intérêt potentiel repose sur une activité anti-SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méticilline).

Les indications de l'AMM sont les pneumonies communautaires et les infections compliquées de la peau et des tissus mous. Mais, en raison de propriétés pharmacocinétiques « peu favorables »  et d'une expérience clinique limitée, la place de cette molécule est actuellement difficile à définir, ce d'autant qu'il existe une toxicité hématologique en cas d'utilisation prolongée.

Malgré une absence d'ASMR (amélioration du service médical rendu), dans les pneumonies et une ASMR IV dans les infections de la peau et des tissus mous, elle a, possiblement, un intérêt, d'une part, dans les infections cutanées et pulmonaires nécrosantes, en raison d'une activité anti-toxine de Panton-Valentine et, d'autre part, dans certaines infections mixtes cocci à Gram positif/bactéries à Gram négatif. 

 
  • Ceftobiprole (MABELIO - AMM avril 2014)
Le spectre du ceftobiprole conjugue celui du céfépime (avec donc une activité sur les céphalosporinases déréprimées et une absence d'induction de l'hyperproduction de céphalosporinases), mais avec une activité moins marquée et plus aléatoire sur Pseudomonas aeruginosa, et une bonne activité anti-cocci à Gram positif (en particulier sur Staphylococcus aureus, sensible ou résistant à la méticilline, et Enterococcus faecalis).

Les indications de l'AMM sont les pneumonies communautaires et les pneumonies acquises à l'hôpital (en dehors des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique [PAVM]).

La commission de la transparence lui a donné une ASMR V (soit une absence d'ASMR).

En pratique, le ceftobiprole est employé, en dehors de l'AMM, dans certaines infections polymicrobiennes à cocci à Gram positif/bactérie à Gram négatif (principalement des PAVM et des péritonites), après identification microbiologique et sur la base des résultats des antibiogrammes, avec une mesure de la CMI pour les entérobactéries du groupe 3 et Pseudomonas aeruginosa. Il permet ainsi des traitements en monothérapie, plutôt qu'avec une association de 2 ou 3 molécules.

Les molécules à spectre large
  • Deux cyclines, la tigécycline (TYGACIL - AMM en 2005) et l'éravacycline (XERAVA - AMM septembre 2018)
Elles possèdent un très large spectre d'activité sur les cocci à Gram positif, y compris les staphylocoques et les entérocoques résistant à la vancomycine.

Elles sont actives sur la plupart des germes anaérobies, des bactéries à Gram négatif et des souches d'Acinetobacter baumannii. L'exception notable dans ce spectre très large est Pseudomonas aeruginosa.

Leur place reste cependant limitée en pratique, en raison de concentrations plasmatiques maximales (Cmax) peu élevées, proches des CMI (ce qui peut être à l'origine d'échecs, en particulier chez les patients bactériémiques). D'où une utilisation réservée aux impasses thérapeutiques. La meilleure indication de ces deux cyclines sont les infections intra-abdominales, mais avec une mauvaise tolérance digestive…

Il faut noter que l'éravacycline possède une forme orale, mais avec une faible biodisponibilité, de l'ordre de 30 %.

 
  • La délafloxacine (QUOFENIX - AMM décembre 2019)
La délafloxacine est une fluoroquinolone qui possède un spectre large couvrant les principaux pathogènes à Gram positif et négatif, les bactéries anaérobies et les bactéries intracellulaires. Elle a la particularité d'être active sur les SARM et la majorité des staphylocoques à coagulase négative résistant aux autres fluoroquinolones. L'activité vis-à-vis des entérocoques est moindre : seulement 70 % des souches d'Enterococcus faecalis et 5 % des souches d'Enterococcus faecium sont sensibles. De l'ordre de 50 % des souches de Pseudomonas aeruginosa sont résistantes.

La délafloxacine existe sous forme orale (biodisponibilité de 59 %) et injectable.

Les seules indications de l'AMM sont les infections aiguës de la peau et des tissus mous, pour lesquelles il a été donné une ASMR V.

Il est très probable que l'intérêt de cette molécule repose sur des indications hors AMM, principalement les infections ostéo-articulaires et les infections de prothèses vasculaires, pour lesquelles elle est principalement utilisée en France.

Les molécules anti-cocci à Gram positif
La dalbavancine est un lipoglycopeptide, dont le spectre, comparable à celui de la vancomycine, est restreint aux cocci à Gram positif. Pour les staphylocoques, il existe des résistances croisées avec la vancomycine, mais elle reste active sur certains entérocoques résistant à la vancomycine.

Les indications de l'AMM se résument aux infections aiguës de la peau et des tissus mous, pour lesquelles elle a obtenu une ASMR V par rapport à la vancomycine.

L'originalité de cette molécule est une demi-vie de 350 heures, ce qui est une petite  révolution thérapeutique. À titre d'exemple, 2 injections de 1 500 mg de dalbavancine, à 15 jours d'intervalle, permettent d'assurer un traitement efficace pendant 6 semaines. Cette propriété en fait un candidat intéressant pour le traitement, hors AMM, des infections nécessitant un traitement prolongé (endocardites, infections sur prothèses vasculaires, infections ostéo-articulaires), en permettant des injections espacées dans le temps. 

De plus, une voie veineuse centrale n'est pas nécessaire, les premières données de tolérance sont très rassurantes et cet antibiotique permet une diminution de la durée du séjour hospitalier. 

Malgré un prix élevé, toutes les études pharmaco-économiques montrent un rapport coût/efficacité très favorable, quand un traitement intraveineux prolongé est nécessaire.

 
  • Le tédizolide (SIVEXTRO - AMM mars 2015)
Le tédizolide est un dérivé du linézolide, dont les indications du libellé d'AMM se résument également aux infections aiguës de la peau et des tissus mous, pour lesquelles il a obtenu une ASMR V.

Il existe une forme intraveineuse et une forme per os (avec une biodisponibilité > 90 %).

Son spectre est limité aux cocci à Gram positif et aux anaérobies à Gram positif. Son intérêt repose sur une activité sur les staphylocoques résistant à la méticilline, sur certains staphylocoques devenus résistants envers le linézolide et les entérocoques résistant à l'amoxicilline.

Sa toxicité, en particulier hématologique et neurologique, semble moins importante que celle du linézolide, à la posologie de l'AMM (200 mg x 2/j). Mais, dans les indications d'intérêt hors AMM (infection ostéo-articulaire, pneumonie de réanimation, etc.), l'optimisation de la prescription nécessite une augmentation de posologie, situation dans laquelle la toxicité n'est pas connue et semble comparable à celle du linézolide.

Il faut également signaler que, comme le linézolide, le tédizolide possède une activité intéressante pour le traitement des tuberculoses multirésistantes.

Le renouveau de « vieilles » molécules         
  • La témocilline (NEGABAN [1, 2] - AMM décembre 2013)
La témocilline est une pénicilline dérivée de la ticarcilline. Il s'agit d'une molécule « orpheline », mise sur le marché dans les années 1980, au Royaume-Uni et en Belgique.

Son spectre est étroit, strictement dirigé contre les bactéries à Gram négatif, à l'exception des non-fermentantes (Pseudomonas spp, Acinetobacter spp, Stenotrophomonas maltophilia). Elle n'a aucune activité sur les bactéries à Gram positif et sur les anaérobies.

Son intérêt repose sur le fait qu'elle n'est pas hydrolysée par la plupart des BLSE, d'où un regain d'intérêt au début des années 2010. En 2013, par une procédure particulière (appelée reconnaissance mutuelle), elle a obtenu une AMM en France (dont le libellé était un « copier/coller » de celle existant en Belgique) avec, comme indications, les infections urinaires compliquées, les infections respiratoires basses, les bactériémies et les infections des plaies où des bactéries à Gram négatif sensibles sont fortement suspectées ou confirmées.

Dans la « vraie vie », elle est utilisée dans les infections à entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi, essentiellement urinaires (y compris les prostatites), les abcès hépatiques, les infections biliaires.

Pour des raisons de pharmacocinétique, l'optimisation de son schéma thérapeutique repose sur une administration en perfusion continue, à la posologie de 6 g/j.

  Il s'agit d'une molécule à part, découverte en 1950, qui n'est comparable à aucun autre antibiotique. Utilisée depuis 70 ans, elle n'a pratiquement fait l'objet d'aucune mesure de régulation, ce d'autant qu'elle n'était pratiquement plus prescrite depuis  la fin des années 1970 avec l'avènement des aminosides et des céphalosporines de 3e génération. Au début des années 2000, c'est l'émergence de la multirésistance des bactéries à Gram négatif qui l'a remise au goût du jour, mais ses propriétés pharmacocinétiques n'étaient pas connues, sa posologie n'était pas standardisée, il n'existait aucune étude comparative, ni aucune analyse des échecs. Cela, alors qu'il s'agissait bien souvent de « la dernière molécule de recours ».

Le libellé d'AMM a été revu en 2016 avec une seule indication : « le traitement des infections sévères dues à des bactéries aérobies à Gram négatif sensibles, chez des patients pour qui les options thérapeutiques sont limitées ». 

C'est le recours à la chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC) qui a permis de connaître les propriétés pharmacocinétiques de la colistine. Elle est administrée sous forme de prodrogue, le colistiméthate sodique, qui, en milieu aqueux, se transforme en plus de 30 dérivés potentiels, dont la colistine est le principe actif.

Son spectre est étroit et ne comprend que les aérobies à Gram négatif (entérobactéries, bactéries à Gram négatif non-fermentantes, Haemophilus influenzae, etc.). Son mécanisme d'action est unique et consiste en une déstabilisation de la membrane bactérienne, ce qui explique une bonne partie de son activité sur les bactéries à Gram négatif multirésistantes. Pour déterminer la sensibilité à la colistine, la méthode classique des disques (diffusion en milieu solide) et la mesure de la CMI par e-test (bandelettes) ne sont pas utilisables (existence de faux positifs et de faux négatifs) et seule la mesure de la CMI en milieu liquide est fiable.

La HPLC (seule méthode fiable pour mesurer les concentrations plasmatiques) a également permis de déterminer les posologies permettant d'optimiser son emploi. La posologie usuelle est d'une injection de 9 M UI en 60 min, suivie de 4,5 M UI toutes les 12 h.

Sa toxicité est essentiellement rénale et comparable, en fréquence et en gravité, à celle des aminosides. Elle dépend de la dose cumulée, donc de la durée de traitement. Il existe également une neurotoxicité (confusion, convulsions, et surtout paresthésies), qui est dépendante de la concentration.

Avant l'apparition des nouveaux anti-BGN décrits plus haut, elle était, comme cela a été dit, « la dernière molécule de recours » et était généralement utilisée en association, pour des raisons d'efficacité et d'émergence de résistances. Avec la mise sur le marché des nouvelles molécules, sa place dans l'arsenal thérapeutique a été considérablement réduite.


2e partie : les antibiotiques anti-bactéries à Gram négatif

Les nouveaux anti-bacilles à Gram négatif : un vrai plus contre la multirésistance
La plupart des anti-bactéries à Gram négatif (BGN) sont des associations entre une céphalosporine et un inhibiteur des bêta-lactamases. Leur activité est différente selon le mécanisme impliqué dans la résistance - bêta-lactamases à spectre élargi (BLSE), céphalosporinases (AmpC), carbapénémases - et selon les espèces (voir tableau I).

Ce sont aujourd'hui des molécules dites « de réserve » et, dans la très grande majorité des cas, elles ne doivent pas être utilisées en traitement probabiliste. Dans de nombreux hôpitaux, leur prescription est réservée aux réanimateurs et contrôlée par les équipes mobiles d'antibiothérapie.


Source : R Gauzit
  • Ceftolozane/tazobactam (ZERBAXA - AMM octobre 2015)
Il s'agit de l'association d'une nouvelle céphalosporine (le ceftolozane) et d'un inhibiteur de bêta-lactamase déjà ancien, le tazobactam (celui utilisé en association avec la pipéracilline dans la TAZOCILLINE).

Le ceftolozane seul possède une activité anti-Pseudomonas spp, supérieure à celle des autres antipyocyaniques (ceftazidime, carbapénèmes, ciprofloxacine). De l'ordre de 60 %, 70 % et 50 % des souches résistant, respectivement, à la ceftazidime, à la ciprofloxacine et aux carbapénèmes restent sensibles au ceftolozane/tazobactam. Et de l'ordre de 37 % des souches résistant à plusieurs classes (résistance XDR - eXtensively Drug-Resistant) restent également sensibles. De plus, l'acquisition d'une résistance de Pseudomonas aeruginosa (en particulier sous traitement) au ceftolozane/tazobactam est en théorie moins fréquente qu'avec les autres antipyocyaniques. L'intérêt principal de cette molécule est sans aucun doute les infections à Pseudomonas aeruginosa.

Sur les entérobactéries multirésistantes, son activité est plus mitigée. Elle n'a aucune activité sur l'ensemble des carbapénémases, sur les céphalosporinases hyperproduites et sur les entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi. Son activité, si elle est bonne sur les souches d'E. coli, l'est nettement moins sur Klebsiella pneumoniae (de l'ordre de 50 % des souches).

Enfin, l'activité sur les anaérobies est « mauvaise », ce qui fait que, dans les infections mixtes, telles que les péritonites, il faut adjoindre un traitement anti-anaérobie par métronidazole ou ornidazole.

Les indications de l'AMM sont les infections intra-abdominales compliquées, les pneumonies nosocomiales (dont celles sous ventilation mécanique), les infections urinaires compliquées et les pyélonéphrites aiguës et, en raison de son activité anti-Pseudomonas, la commission de la transparence lui a donné une ASMR III (amélioration du service médical rendu modérée) en janvier 2020.

En pratique, le ceftolozane/tazobactam est utilisé dans les infections à Pseudomonas aeruginosa, quand les autres molécules antipyocyaniques sont inefficaces.

 
  • Ceftazidime-avibactam (ZAVICEFTA - AMM juin 2016)
À l'inverse de l'antibiotique précédent, il s'agit de l'association d'une « ancienne » céphalosporine, la ceftazidime, et d'un nouvel inhibiteur des bêta-lactamases, l'avibactam.

Cet antibiotique ne démérite pas sur Pseudomonas aeruginosa (60 % des souches résistant à la ceftazidime sont sensibles à l'association ceftazidime/avibactam) et il est actif sur la quasi-totalité des souches de BLSE (bactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi). Mais son intérêt principal réside sur son activité sur certaines carbapénémases : KPC (Klebsiella pneumoniae carbapénémase) et Oxa 48 (oxacillinase produite par les entérobactéries), cette dernière étant le type de carbapénémase le plus fréquent en France.

En revanche, il ne possède aucune activité sur les métallo-bêta-lactamases (MBL), qui sont de plus en plus souvent isolées. En France, elles représentent 16 % des carbapénémases isolées en 2019 selon le CNR (Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques).

Comme la molécule précédente, son activité sur les anaérobies est « mauvaise », d'où la nécessité de rajouter un anti-anaérobie dans les infections mixtes.

Les indications du libellé d'AMM sont les mêmes que celles du ceftolozane/tazobactam, auxquelles il faut rajouter les « infections bactériennes dues à des BGN chez des patients pour qui les options thérapeutiques sont limitées ».

La commission de la transparence lui a donné une ASMR III en février 2020. 

L'intérêt de cet antibiotique est son activité sur les carbapénémases (types KPC et Oxa 48), et également sur les infections à Pseudomonas aeruginosa (certaines souches sont résistantes envers ceftolozane/tazobactam, mais restent sensibles à ceftazidime/avibactam).
Avant sa mise sur le marché, une interrogation existait sur une relation entre son emploi en monothérapie et le risque d'émergence de résistances sous traitement. Le débat n'est pas définitivement tranché, mais les dernières recommandations proposent de l'utiliser en monothérapie.

 
  • Méropénem-vaborbactam (VABOREM - AMM novembre 2018)
Il s'agit de l'association d'un carbapénème avec un nouvel inhibiteur de bêtalactamases, le vaborbactam.

Comme le montre le tableau I, son principal intérêt repose sur son activité sur les carbapénémases de type KPC. Mais, il se trouve que, actuellement, les entérobactéries productrices de KPC restent rares en France (contrairement au continent nord-américain, à l'Italie, à la Grèce… où il s'agit de la carbapénémase la plus fréquemment isolée). Si bien que cet antibiotique ne devrait pas être beaucoup prescrit en France (pour le moment), surtout qu'il n'apporte rien sur les pyocyaniques multirésistants.

Les indications du libellé d'AMM sont les mêmes que celles de ceftazidime/avibactam, avec une efficacité identique dans les infections à KPC. Une ASMR III a été donnée en janvier 2020.

  Il s'agit de l'association d'un carbapénème et d'un nouvel inhibiteur de bêta-lactamase, le rélébactam (auxquels s'ajoute la cilastine qui limite le métabolisme rénal de l'imipénème).

Son activité sur les entérobactéries résistant aux céphalosporines (ERC) est limitée aux résistances dues à une KPC (comme l'antibiotique ci-dessus), mais elle possède une activité sur de très nombreux Pseudomonas aeruginosa multirésistants.

Les indications de l'AMM sont les pneumonies nosocomiales (y compris celles sous ventilation mécanique) et les « infections dues à des bactéries à Gram négatif chez les patients pour qui les options thérapeutiques sont limitées ».

En septembre 2020, cet antibiotique a obtenu une ASMR III.

Quand on parle d'AMM a minima (voir l'introduction), l'association imipénème/rélébactam en est un bon exemple. L'une des études pivot du dossier d'AMM le compare à une bithérapie par colistine et imipénème. Il s'agit d'une étude multicentrique, randomisée en double aveugle, dans les PAVM (pneumonies acquises sous ventilation mécanique), les infections urinaires graves et les infections intra-abdominales... qui n'a inclus que 47 patients, dont 31 traités par imipénème/rélébactam.

 
  • Céfidérocol (FETCROJA- AMM juin 2020)
Le céfidérocol est une céphalosporine qui présente un nouveau mécanisme d'action : une des chaînes latérales a été remplacée par un sidérophore, lui permettant de pénétrer dans les bactéries en utilisant les canaux ferriques. Cette propriété lui procure une activité sur tous les mécanismes d'imperméabilité, et la présence du sidérophore le protège de l'hydrolyse de la quasi-totalité des bêta-lactamases et des carbapénémases, y compris les carbapénémases de type métallo-bêta-lactamases (MBL). Il est actif sur les Acinetobacter résistant à l'imipénème (ABRI) et sur les Pseudomonas aeruginosa toto-résistants (voir tableau I).

Il a obtenu une AMM en juin 2020, a été disponible en ATU jusqu'à la fin de  2020, et est indiqué dans le traitement des infections dues à des bactéries aérobies à Gram négatif chez des patients adultes en l'absence d'alternative thérapeutique.

Malgré des concentrations dans le liquide alvéolaire plutôt « modestes », il est efficace dans les PAVM, qui représentent une bonne partie des indications potentielles.

Dans une des études pivot du dossier d'AMM, qui le compare à la meilleure alternative possible, il a été rapporté une surmortalité dans le groupe céfidérocol chez les patients ayant une pneumonie, une bactériémie ou un choc septique. L'explication n'est à ce jour pas très claire, mais pourrait être liée à l'isolement d'un Acinetobacter baumannii (sur lequel le céfidérocol est actif in vitro). D'autre part, il est décrit des augmentations de CMI (concentration minimale inhibitrice) sous traitement par céfidérocol et des résistances croisées avec ceftazidime/avibactam. Ces derniers points sont à suivre de près, pour cette molécule qui apparaissait comme « la solution » en matière de résistance des BGN.

Des recommandations américaines
Des recommandations existent sur le positionnement de ces nouveaux antibiotiques dans l'arsenal thérapeutique, les plus récentes étant nord-américaines (voir Tableaux II et III).


Source : R Gauzy


Source : R Gauzit

Conclusion 
À la fin de cette présentation, deux remarques peuvent être faites. 


En termes quantitatifs, le nombre de ces antibiotiques prescrits est faible. Toutes ces molécules sont à prescription hospitalière, même si certaines sont rétrocédables en ville. À l'hôpital la prévalence, un jour donné, des patients recevant des antibiotiques est de l'ordre de 25 % (et de plus de 50 % en réanimation).

La mesure de la consommation des antibiotiques fait appel aux DDJ (doses définies journalières). Il s'agit, pour chaque antibiotique, de la posologie journalière usuelle définie par l'OMS. L'indicateur utilisé est le nombre de DDJ/1 000 jours d'hospitalisation (DDJ/1 000 JH). La consommation globale, qui additionne les DDJ de tous les antibiotiques prescrits, est variable, allant de 300 à plus de 450 DDJ/1 000 JH, dans les établissements de court séjour.

À l'APHP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), si on se focalise sur les antibiotiques décrits ici, la consommation de chaque molécule est < 0,5 DDJ/1 000 JH, pour les plus employés, ce qui est très faible si on la compare, par exemple, à celles de la ceftriaxone (ROCEPHINE) et du céfotaxime (CLAFORAN), qui sont respectivement de l'ordre de 17 et 20 DDJ/1 000 JH.


Mais, en termes qualitatifs, ces nouvelles molécules, et plus particulièrement les nouveaux anti-BGN, représentent une avancée majeure dans le traitement des infections difficiles, voire impossibles à traiter avant leur mise à disposition. Elles se caractérisent toutefois par un manque de « stabilité » vis-à-vis de l'émergence de résistances. Alors qu'elles sont depuis peu sur le marché, des mécanismes de résistances sont régulièrement décrits, avec parfois des résistances croisées entre elles. D'où la nécessité absolue de contrôler leur prescriptions et de ne les utiliser qu'en l'absence d'autre option. Il est en effet très important de se souvenir qu'en termes de résistance « les bactéries sont capables de tout ».

©vidal.fr


Pour en savoir plus
Sources

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