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Un classement des antiépileptiques par niveau de risque au cours de la grossesse

À la suite d'une revue des données disponibles, l'ANSM a établi un classement des antiépileptiques en fonction des risques de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant exposé in utero à ces médicaments. 

David Paitraud 07 décembre 2023 Image d'une montre7 minutes icon Ajouter un commentaire
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Il est essentiel d'anticiper tout projet de grossesse et d'en parler avec son médecin.

Il est essentiel d'anticiper tout projet de grossesse et d'en parler avec son médecin.AlexRaths / iStock Getty Images Plus / via Getty Images

Résumé

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a réalisé une revue des données relatives aux risques de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants exposés in utero aux antiépileptiques. 

À l'issue de ce travail, l'Agence a élaboré une fiche d'information à l'attention des professionnels de santé et des patientes. 

Un classement des antiépileptiques est également proposé en fonction de leur niveau de risques malformatifs et de troubles neurodéveloppementaux : 

  • augmentation des risques malformatifs et de troubles neurodéveloppementaux démontrée : valproate, topiramate, carbamazépine. Pour la carbamazépine, des nouvelles mesures d'encadrement de la prescription et de la dispensation seront mises en place en 2024 ; 
  • augmentation du risque de malformations démontrée, mais pas du risque de troubles neurodéveloppementaux, faute de données suffisantes : primidone, phénobarbital, phénytoïne et fosphénytoïne, prégabaline. Pour la prégabaline, les données récentes ont été prises en compte ; 
  • pas de conclusion possible, à ce jour, sur les risques malformatifs ou de troubles neurodéveloppementaux, faute de données suffisantes : oxcarbazépine, gabapentine, zonisamide, felbamate, vigabatrine. La surveillance se poursuit ; 
  • aucun risque de malformations ou de troubles neurodéveloppementaux identifié : lamotrigine et lévétiracétam. 

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) propose un classement (cf. Tableau) des médicaments antiépileptiques en fonction de leur niveau de risques malformatifs et de troubles neurodéveloppementaux [1] chez les enfants exposés in utero

Ce classement est issu d'un récent rapport [2] intégrant les données produites depuis 2019 (date du précédent rapport).

Il permet de : 

  • justifier les mesures mises en place ou à mettre en place pour réduire les risques tératogènes (malformatifs) ou les risques à distance (neurodéveloppementaux) associés à certains antiépileptiques ;
  • guider les prescripteurs dans le choix d'un antiépileptique chez les femmes en âge de procréer.

Ce classement des antiépileptiques est présenté dans une fiche d'information [3] destinée à être un support au dialogue entre prescripteurs et patientes.

Le niveau de risque est hiérarchisé selon les antiépileptiques notamment par comparaison à la fréquence globale de « base » observée dans la population générale qui est de 2 à 3 % de malformations congénitales majeures (indépendamment d'une exposition médicamenteuse).   

Tableau - niveau de risque de malformations congénitales et de risque de troubles neurodéveloppementaux 
(extrait du rapport ANSM 2023 sur les antiépileptiques)

Confirmation de l'augmentation du risque de malformations et de troubles neurodéveloppementaux

Le rapport publié par l'ANSM confirme l'augmentation du risque malformatif et de troubles neurodéveloppementaux des antiépileptiques suivants, lorsqu'ils sont pris en cours de grossesse : valproate et dérivés, topiramate, et carbamazépine.

Valproate en tête de classement, suivi du topiramate

Le valproate ou ses dérivés valpromide et divalproate (DEPAKINEDEPAKOTEDEPAMIDEMICROPAKINE et génériques) sont les médicaments qui présentent le niveau de risque le plus élevé chez l'enfant exposé pendant la grossesse : 

  • risque de malformations majeures multiplié par 4 à 5 (11 %) par rapport au risque sans traitement ;
  • risque de troubles neurodéveloppementaux élevé entre 30 à 40 %.

L'ANSM rappelle que ces médicaments sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse dans la prise en charge des troubles bipolaires et ne doivent pas être utilisés chez les femmes enceintes épileptiques, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique. Chez les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer, des conditions de prescription et de délivrance particulières s'appliquent à ces médicaments

En outre, un risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux associé à la prise de valproate par le père dans les trois mois précédant la conception est en cours d’évaluation au niveau européen (cf. nos articles du 8 août 2023 et du 23 novembre 2023).

Le topiramate (EPITOMAX et génériques) est classé en seconde place en termes de risque malformatif et neurodéveloppemental :

  • risque de malformations majeures multiplié par 3 par rapport au risque sans traitement ;
  • risque de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants exposés au topiramate pendant la grossesse augmenté par 2 à 3 fois (troubles du spectre autistique jusqu’à 6 % et risque de survenue d’une déficience intellectuelle jusqu’à 8 %) par rapport aux enfants nés de femmes épileptiques qui ne prennent pas de médicaments antiépileptiques.

En 2023, l'ANSM a réservé la prescription du topiramate aux neurologues et aux pédiatres ; la délivrance à l'officine est conditionnée par la signature d’un accord de soins annuel par la patiente et son médecin (cfnotre article du 11 mai 2023).

Une évaluation européenne a restreint l’utilisation du topiramate chez les femmes en âge d’avoir des enfants (cf. notre article du 12 septembre 2023).

Carbamazépine : des nouvelles conditions de prescription et de délivrance à venir

Le risque de malformations congénitales majeures associé à la carbamazépine (TEGRETOL et génériques) est 2 à 3 fois supérieur en comparaison à la population générale.

Concernant le risque de troubles neurodéveloppementaux : « selon les nouvelles données disponibles, il est possible que celui-ci soit augmenté chez les enfants exposés à la carbamazépine par rapport à la population non exposée », note l'ANSM qui classe la cabamazépine en troisième position des antiépileptiques les plus à risque. 

Tenant compte de ces nouvelles données et « afin de réduire le nombre encore trop important de grossesses sous carbamazépine », l'ANSM prévoit, dès 2024 :

  • de rendre obligatoire la signature d’une attestation d’information partagée par la patiente et le médecin prescripteur ;
  • de conditionner la dispensation des médicaments de carbamazépine à la présentation de cette attestation cosignée.

Augmentation du risque de malformations, mais pas du risque de troubles neurodéveloppementaux

La phénytoïne (DI-HYDAN, DILANTIN), la fosphénytoïne (PRODILANTIN), le phénobarbital (GARDENAL), la primidone (MYSOLINE) et la prégabaline (LYRICA et génériques) sont des antiépileptiques pour lesquels : 

  • le risque de malformations congénitales majeures en cas d'exposition in utero est confirmé ;
  • les données relatives au risque de troubles neurodéveloppementaux sont actuellement insuffisantes. 

Concernant la prégabaline plus précisément, le risque de malformations majeures chez l’enfant exposé pendant la grossesse est désormais démontré. Jusqu'à présent, il n'était que suspecté. Ce risque est multiplié par près de 1,5 par rapport à la population qui n’a pas été exposée à ce médicament.

Ce risque est multiplié par 3 pour le phénobarbital et la primidone et par 2 à 3 pour la phénytoïne et la fosphénytoïne.

Concernant ces différentes molécules, les données sont insuffisantes pour évaluer le risque de troubles du neurodéveloppement et pour conclure. 

Lamotrigine et lévétiracétam : aucun risque identifié

Pour la lamotrigine (LAMICTAL et génériques) et le lévétiracétam (KEPPRA et génériques, LEPTAX* et LEVIDCEN), les données disponibles ne mettent pas en évidence d’augmentation du risque de malformations congénitales majeures ou de troubles du neurodéveloppement.

* LEPTAX n'est plus commercialisé en France depuis juillet 2023. 

Données insuffisantes : molécules sous surveillance

Pour les molécules suivantes, les données sont actuellement insuffisantes (ou inexistantes) pour démontrer ou écarter un risque de malformation et de troubles neurodéveloppementaux :

« L'absence de données ne signifie pas absence de risque, mais que l’information n’est pas connue à ce jour », souligne l'ANSM. La surveillance de ces molécules se poursuit. 

** cf. tableau 3 page 22 dans le rapport [2]

*** cf. annexe 2 sommaire page 3 dans le rapport [2]

Des effets indésirables observés chez l'enfant

Enfin, comme cela est souligné dans la fiche d'information patiente, les effets indésirables de certains médicaments pris par la mère peuvent aussi être observés chez l’enfant : troubles du champ visuel pour la vigabatrine (KIGABEQ et SABRIL), hématotoxicité et hépatotoxicité pour le felbamate (TALOXA) et faible poids pour la zonisamide (ZONEGRAN et génériques).

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